Agnico Eagle réalise une étude de faisabilité sur l’utilisation d’éoliennes pour fournir plus d’énergie à sa mine Meliadine, au Nunavut. L’entreprise fait partie d’un nombre grandissant de sociétés minières qui se tournent vers des solutions d’énergie renouvelable. Avec l’aimable autorisation d'Agnico Eagle

Chaque nouvelle année amène son lot de prédictions pour les mois à venir. Pour obtenir un aperçu de l’avenir de l’industrie, laissez de côté la boule de cristal et concentrez-vous plutôt sur les tendances en vogue actuellement.

La chaîne de blocs pour suivre les métaux à la trace

La chaîne de blocs a évolué depuis ses origines résultant de la fièvre des cryptomonnaies et elle a démontré qu’elle pouvait être utile à de nombreuses industries, notamment le secteur minier, où la technologie a le potentiel de propulser les opérations d’achat et de vente de métaux précieux dans l’ère du numérique.

Simplement dit, la chaîne de blocs agit comme un registre numérique sécurisé et public qui consigne toutes les transactions par ordre chronologique. Certaines entreprises commencent d’ores et déjà à utiliser cet outil comme une façon de faciliter l’achat de métaux et de minéraux. En janvier, De Beers a lancé Tracr, une plateforme numérique de commerce de diamants, et s’est associée à Alrosa dans le cadre de son projet pilote à la fin octobre. De façon similaire, Goldcorp a fait équipe avec Tradewind Markets, un marché de chaîne de blocs privé pour l’achat et la vente d’or et d’argent qui bénéficie du soutien de la Monnaie royale canadienne. Lucara Diamond a fait l’acquisition en février de Clara Diamond Solutions, une plateforme numérique qui utilise la chaîne de blocs pour tracer les diamants sur toute la chaîne d’approvisionnement.

Habituellement, l’achat d’or se fait par l’intermédiaire d’une banque ou d’un site de commerce électronique, où des dénominations spécifiques du métal peuvent être achetées et par la suite expédiées. Le système laisse à désirer côté souplesse.

« Nous avons proposé quelque chose de différent, a expliqué le cofondateur de Tradewind, Fraser Buchan. Le format physique en soi importe peu, la seule chose qu’il faut connaître est l’identité du détenteur du métal physique.

La chaîne de blocs permet également une plus grande transparence, en fournissant aux acheteurs et vendeurs des informations plus détaillées sur qui possède quoi.

« Vous pouvez obtenir des renseignements sur l’endroit où le lingot a été coulé, à quelle date et l’identité du transporteur, a indiqué Steve Lowe, chef du développement des affaires de Tradewind au sujet de l’application de provenance en cours de développement. Entre la Monnaie royale canadienne [où sont entreposés les métaux physiques négociés sur VaultChain] et la mine, il y a un processus d’authentification, mais en fin de compte, c’est la Monnaie qui vérifiera à quel endroit ils sont livrés et de quelle mine ils proviennent. »

Alors que l’engouement pour les cryptomonnaies semble faiblir, il ne faudra pas s’étonner de voir davantage de sociétés minières adopter la technologie de la chaîne de blocs dans le futur.

Accroissement de la demande en faveur de la transparence de la chaîne d’approvisionnement

Parmi les objectifs des sociétés minières, celui consistant à assurer une chaîne d’approvisionnement éthique et durable gagne en importance. Ces deux dernières années, des utilisateurs finaux comme Apple, Samsung, BMW et Daimler ont lancé des initiatives pour s’assurer de l’origine éthique des métaux qu’ils utilisent, et ce, souvent à la demande des actionnaires.

Tout récemment, BMW, Samsung et la société de produits chimiques BASF se sont engagées à tenter d’améliorer les conditions de travail des travailleurs dans les mines de cobalt de la République démocratique du Congo (RDC), et Nespresso s’est engagée à acheter de l’aluminium « durable » de Rio Tinto pour ses capsules de café.

Au cours des deux dernières années, des sociétés comme Rio Tinto, B2Gold, Barrick Gold et Agnico Eagle ont mis en place de nouveaux systèmes ou ont modernisé des systèmes existants dans le but de favoriser la transparence et la surveillance de leurs chaînes d’approvisionnement.

« Nous jouons un rôle actif dans le cadre des programmes de chaîne de traçabilité qui offrent aux consommateurs l’assurance que les minéraux qu’ils achètent, comme les diamants ou l’or, ont été produits de manière responsable, a indiqué Rio Tinto sur son site Web. Nos clients veulent savoir que nos matières ont été produites de façon responsable. Ils souhaitent une plus grande transparence concernant les minéraux et métaux que nous fournissons, d’où l’importance critique que revêtent les pratiques de chaîne d’approvisionnement responsables pour notre permis d’exploitation. »

En novembre, l’International Council on Mining & Minerals a annoncé que ses membres seraient tenus de se conformer aux lignes directrices de l’ONU sur les droits humains et le commerce. Alors que certaines des plus grandes sociétés minières dans le monde concentrent leur attention sur les chaînes d’approvisionnement, le reste de l’industrie ne sera pas très loin derrière.


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Plus de réglementations environnementales

La multiplication des connaissances au sujet des changements climatiques ajoute à l’urgence de coordonner les interventions, et les stratégies pour réduire les émissions de carbone figurent au premier rang des priorités au Canada et dans d’autres pays. Tout un éventail de nouvelles réglementations environnementales est en voie d’être mis en œuvre ou à l’étude, et celles-ci obligeront l’industrie minière à se soumettre à d’importants changements.

Le nouveau plan de tarification du carbone au Canada a déjà suscité de vives réactions – tant l’Ontario que la Saskatchewan a intenté des contestations constitutionnelles à l’égard du plan, et l’Alberta a menacé de se retirer par suite de la décision concernant Trans Mountain – mais de grands pays producteurs miniers comme la Chine caressent l’idée également. Le Chili est devenu le premier pays sud-américain à instaurer une taxe carbone en 2015, et l’Argentine a suivi ses traces en 2017 avec un système de tarification qui entrera en vigueur le 1er janvier. D’après la Banque mondiale, en septembre, 46 pays et 25 instances infranationales avaient instauré une tarification du carbone.

Certaines entreprises – comme Hudbay, Teck Resources et Barrick – ont mis en place des plans de tarification du carbone internes, et d’autres, comme Detour Gold et Yamana Gold ont emboîté le pas. Selon Graham Winkelman, chef responsable des activités liées aux changements climatiques à BHP, l’offensive en faveur de l’imposition d’une taxe carbone serait une bonne chose pour l’industrie.

« C’est exigeant, mais si nous réfléchissons à la façon dont une tarification du carbone peut orienter les investissements vers des projets générant moins d’émissions, ce qui finira par devenir rentable, je pense qu’il s’agit là d’un résultat positif pour le secteur, tout en contribuant à la lutte contre les changements climatiques. L’industrie minière a un rôle important à jouer dans la solution », a dit M. Winkelman à CIM Magazine en 2017.

En ce qui concerne d’autres réglementations environnementales attendues, le Canada s’emploie à mettre sur pied une agence canadienne d’évaluation des impacts pour remplacer ses anciennes lois en matière d’évaluation environnementale, à l’instar de la Colombie-Britannique. En 2019, les sociétés minières devront s’attendre à d’autres réglementations environnementales, ainsi qu’à une action continue en vue de réduire les émissions de carbone à l’échelle mondiale.

Utilisation accrue des sources d’énergie renouvelable et des voitures électriques

Plusieurs entreprises déploient d’importants efforts pour réduire la quantité d’émissions produites par les activités minières et, à mesure que les véhicules électriques et les sources d’énergie renouvelables deviennent plus abordables et exploitables, davantage d’entreprises feront probablement de même.

Après quelques années de tâtonnements, la technologie des véhicules électriques a tellement évolué que bon nombre de sociétés minières l’ont adoptée, et le nombre de commandes pour des véhicules électriques va en s’accroissant. Glencore, Vale et Goldcorp ont commencé à prévoir des flottes de véhicules entièrement électriques dans les prochains sites miniers souterrains, et Nouveau Monde Graphite, une société québécoise d’extraction de graphite, planifie même une mine en surface entièrement électrique.

Selon John Mullally, vice-président, affaires de la société et énergie, de Goldcorp, le projet Borden en Ontario a bénéficié d’un « certain nombre de facteurs convergents qui ont fait que le moment était propice à une transition vers le mode 100 % électrique. Tout d’abord, la technologie des batteries comme telles a considérablement évolué, ce qui nous a permis d’envisager plus facilement ce type d’exploitation. L’autre facteur de taille concernait la santé et sécurité... [et] les conditions de travail. »

En plus d’assurer l’alimentation de véhicules, les solutions d’énergie renouvelable sont une occasion de réduire les émissions et d’accroître l’efficience. Les projets d’énergie éolienne et solaire visant à réduire voire à éliminer l’utilisation du diésel dans les régions éloignées se multiplient, comme le projet éolien envisagé par Agnico Eagle dans le but de fournir de l’énergie supplémentaire à sa mine Meliadine, actuellement à l’étape de l’étude de faisabilité, et la mine de cuivre Zaldívar de Barrick et d’Antofagasta au Chili, qui est censée être alimentée à 100 % par des sources d’énergie renouvelable d’ici 2020.

Les solutions d’énergie hybride ont également trouvé preneur. Le conteneur d’énergie hybride du Saskatchewan Research Council (SRC) fait appel à des sources d’énergie renouvelable, comme l’énergie éolienne et solaire, pour réduire la quantité de diésel utilisée à un emplacement. Tout en procédant à des travaux d’assainissement à l’ancienne mine d’uranium Gunnar, dans le nord de la Saskatchewan, le SRC s’est servi de ces conteneurs pour réduire les coûts d’achat et de transport du diésel.

« Cela arrive souvent dans les camps miniers ou d’exploration… quand il faut transporter des barils [de diésel] – moins il faut en transporter, mieux c’est, a souligné Nathan Peter, directeur, ingénierie des travaux de mise en valeur, SRC. Alors… cela permet de réduire les émissions et les coûts en général. »

Les pays africains cherchent à tirer plus de bénéfices des projets miniers

À l’échelle du continent africain, une vague de nouvelles réformes de codes miniers risque d’avoir des répercussions importantes sur les profits des sociétés minières étrangères qui exercent des activités dans ces pays.

La Tanzanie, par exemple, oblige les groupes miniers de propriété étrangère à offrir des actions aux entreprises locales et publiques; le Ghana a entrepris des audits touchant l’ensemble de son industrie minière pour assurer la conformité et la RDC a décidé d’augmenter le taux de redevance s’appliquant aux « minéraux stratégiques » comme le cobalt et le lithium.

« Cela arrive souvent quand les gouvernements se rendent compte que le taux d’imposition a été fixé à un niveau trop faible durant la libéralisation de leurs codes miniers et d’investissement, a expliqué Philippe Le Billon, professeur agrégé à l’Université de Colombie-Britannique. Cela a été justifié par un besoin d’attirer des investissements initiaux, mais avec l’arrivée à maturation de leurs secteurs de l’extraction et l’accroissement des prix, les gouvernements veulent hausser ces impôts. »

Alors que les entreprises ont protesté contre ces nouveaux changements – Randgold menaçant même de poursuivre la RDC – les experts estiment que l’objectif n’est pas nécessairement de les faire fuir.

« À mon avis, cela ne vise pas à renationaliser ou à nationaliser les secteurs miniers, a déclaré Ben Radley, membre du Centre d’expertise en gestion du secteur minier de l’Université Catholique de Bukavu de la RDC. Il s’agit plutôt d’une mesure pour tenter de retirer plus d’avantages à l’échelle nationale de ce secteur, largement exploité par des multinationales. »