Environ un tiers du nickel de la propriété Turnagain de la société Hard Creek (en photo ci-dessus) est lié en une structure cristalline de l'olivine et est depuis toujours considéré comme un déchet. Mark Jarvis espère que cette étude aidera à libérer une partie de ce nickel. Avec l'aimable autorisation de Hard Creek Nickel

Obligée de repartir de la case départ en raison du ralentissement économique résultant des prix bas des matières premières dans son immense propriété du nord-centre de la Colombie-Britannique (C.-B.), Hard Creek Nickel étudie comment attirer l'attention des investisseurs grâce à la séquestration du carbone.

La société participe à un programme de recherche visant à trouver des moyens d'augmenter la quantité de dioxyde de carbone (CO2) absorbée par les déchets dans sa propriété de Turnagain. Ce gisement contient des quantités considérables de nickel et des quantités encore plus grandes de minéralisation de silicate magnésien.

« Il s'agit du parfait endroit des points de vue géologique et géographique pour approfondir la question de la séquestration du carbone », déclarait le Dr David Dreisinger, professeur à la faculté de génie des matériaux de l'université de la Colombie-Britannique (UBC), qui dirigera l'étude.

Fei Wang, doctorant travaillant sous la supervision du Dr Dreisinger, sera chargé de mener les expériences. M. Wang se servira d'un autoclave pour exposer les résidus à la pression et la chaleur, accélérant par là même la réaction du dioxyde de carbone en présence des minéraux. « Nous créons les bonnes conditions pour une conversion optimale », expliquait le Dr Dreisinger. « Imaginez un autocuiseur. »

L'objectif de cette étude, expliquait le Dr Dreisinger, est de « rapidement carbonater le matériau en créant les bonnes conditions dans l'un des [autoclaves] afin de fixer le carbone que nous injectons dans le système ».

La réduction des émissions de dioxyde de carbone permettra à son tour de compenser les taxes sur les émissions carboniques (la taxe carbone) dont devra s'acquitter Hard Creek si elle décide de lancer la production.

« Il s'agit de rendre plus économique ce gisement de nickel », expliquait le Dr Dreisinger, qui fait partie du conseil consultatif de Hard Creek et propose à la société ses recommandations quant à la sélection d'une technologie hydrométallurgique pour le traitement des concentrés de nickel.

Le Dr Dreisinger ajoutait que M. Wang et lui-même ont certaines idées quant à la façon dont on peut modifier la solution utilisée pour traiter les matériaux, laquelle pourrait accélérer le rythme de séquestration du carbone.

Pour Mark Jarvis, chef de la direction de Hard Creek, les performances sont prometteuses. En 2011, Hard Creek a publié un modèle économique préliminaire adapté aux problèmes du moment, lequel implique des dépenses d'immobilisation considérables et une capacité de traitement de 80 000 tonnes par jour. Le modèle prévoit de mettre de côté plus de 300 millions $ pour se raccorder au réseau électrique existant. La chute libre des prix des matières premières a cependant mis des bâtons dans les roues de ce projet, obligeant la société à « arrêter toutes les dépenses ».

Si M. Jarvis reste très optimiste quant aux perspectives s'offrant au nickel, il cherche désormais à commencer de façon plus modeste et à réduire les dépenses d'immobilisation nécessaires au lancement du projet. L'une des options, expliquait-il, consisterait à amener du gaz naturel liquéfié (GNL) par camion plutôt que de se raccorder au réseau électrique. Si le coût d'exploitation s'avère plus élevé, il donnera à la société « la flexibilité » nécessaire pour fonctionner à une capacité de 20 à 40 000 tonnes par jour.

En augmentant la séquestration du carbone, ce plan deviendra plus réalisable du point de vue financier, expliquait M. Jarvis, en ce qu'il permettra à la société de compenser les taxes carbone résultant de la combustion du gaz. « Au moins, nous ne serons pas anéantis par la taxe carbone », ajoutait-il. En C.-B., cette taxe s'élève à 23 $ la tonne.

À l'instar du Dr Dreisinger, M. Jarvis voit également le potentiel d'une extraction du nickel plus importante, mais il soulignait cependant que la société n'en est qu'à ses « balbutiements » et qu'elle se contente pour l'instant d'avancer « à petits pas ».

Jusqu'à présent, les modèles de Hard Creek se sont concentrés sur le traitement du nickel qui est lié sous la forme de sulfure, dans lequel résident environ les deux tiers du métal. Un tiers du nickel est lié en une structure cristalline de l'olivine et est depuis toujours considéré comme un déchet. Cependant, « en convertissant l'olivine en carbonate, […] on pourrait théoriquement libérer une partie du nickel », expliquait M. Jarvis.

La société a déjà obtenu des résultats très prometteurs dans le département des sciences. En 2011, Hard Creek a réuni une équipe de métallurgistes et a mis au point un moyen plus efficace de traiter son minerai, en suivant les conseils du Dr Dreisinger. En modifiant la taille du broyage, la société a pu mieux séparer la minéralisation nickélifère des silicates magnésiens, ce qui s'est traduit par une augmentation de l'extraction du nickel. « Nous pouvons maintenant produire en toute fiabilité un concentré composé à 18 % de nickel et à 1 % de cobalt », expliquait M. Jarvis.

Pour M. Wang, qui a travaillé avec une société minière en République démocratique du Congo (RDC), la science est indispensable à toutes les sociétés minières. Si la séquestration du carbone est étudiée indépendamment, cette étude reste différente, faisait-il remarquer ; en effet, elle relie les milieux universitaire et de l'industrie.

« Une fois que j'aurais mis au point le mécanisme de [carbonatation] minérale, je serais en mesure de développer un procédé réellement économique et rentable », indiquait-il. « C'est un point très important pour toutes les sociétés minières. »

L'enthousiasme de M. Wang lui a récemment valu d'obtenir une aide du conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada, qui a octroyé au projet une subvention de 25 000 $ fin février.

Pour M. Wang, ceci constitue un important vote de confiance. « Cette subvention montre que le gouvernement s'intéresse beaucoup à ce projet, et est convaincu qu'il s'agit d'un bon moyen d'associer la séquestration du dioxyde de carbone et la [carbonatation] minérale. L'octroi de cette somme d'argent est révélateur. »

Traduit par Karen Rolland