Trevali Mining, qui détient la mine de zinc Caribou dans le Nouveau-Brunswick, signalait un bénéfice net de 23,5 millions de dollars au cours du premier semestre 2018, par rapport à 126 000 dollars l’année dernière à la même période, malgré une chute du cours du zinc en 2018. Avec l’aimable autorisation de Trevali Mining

Malgré des projections positives pour une année faste dans le secteur des métaux, dont le cours reste relativement stable grâce à une croissance mondiale résiliente, plusieurs produits de base ont souffert cette année de la chute des prix dans un contexte de conflits commerciaux dégradant la confiance sur le marché.

Si les États-Unis et la Chine ont connu une croissance économique vigoureuse, cela ne se reflète pas dans la tarification des métaux communs, expliquait Ryan McKay, spécialiste en stratégie des produits de base à Valeurs mobilières TD. Revenons au mois de juin, lorsque le président des États-Unis Donald Trump imposait des sanctions tarifaires de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium provenant de l’étranger.

« Avec ces guerres commerciales en toile de fond, le prix de ces métaux a véritablement décroché des fondamentaux économiques », déclarait-il.

 


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Rory Johnston, économiste spécialisé dans les produits de base à la Banque Scotia, partageait ce point de vue. Il écrivait dans son indice des prix des produits de base du 31 août dernier que, « malgré les fondamentaux économiques contrastés, mais toujours encourageants, les produits de base sont aujourd’hui portés par le pari selon lequel la croissance déraillera » en raison des conflits commerciaux.

La tendance haussière du cours du zinc, qui a été portée depuis le début de l’année par les craintes de pénurie de l’offre, s’est effondrée d’un pic à 1,60 $/livre en février à à peine plus de 1 $/livre, son niveau le plus bas ces deux dernières années, en août. Toutefois, les cours élevés ces deux dernières années, « qui ont aujourd’hui fait leur œuvre, ont encouragé les investissements dans de nouveaux projets miniers », écrivait M. Johnston. La demande de zinc, ajoutait-il, s’est détériorée en raison du ralentissement du secteur de la construction en Chine et des sanctions tarifaires imposées par les États-Unis sur l’acier ; cependant, la déroute du zinc telle qu’on la présente aujourd’hui est, selon lui, « exagérée », et les cours devraient remonter.

« Avec la tendance haussière du cours du [zinc], la chute a été d’autant plus marquée lorsque [les conflits commerciaux] ont fait naître des préoccupations dominantes concernant la croissance », indiquait M. Johnston dans un entretien.

Malgré le déclin du cours du zinc, les producteurs canadiens Teck Resources et Trevali Mining affichaient de bons résultats au premier semestre 2018. Trevali, qui a acheté l’année dernière deux exploitations de zinc à Glencore, indiquait un bénéfice net de 23,5 millions de dollars, par rapport à 126 000 dollars l’année dernière ; la société a extrait plus de 807 000 tonnes de zinc, une hausse considérable par rapport aux plus de 371 000 tonnes extraites au deuxième trimestre (T2) 2017. Teck attribuait ses profits bruts trimestriels de 1,2 milliard de dollars (en hausse par rapport à l’année dernière, avec des profits de 1,1 milliard de dollars) aux « cours favorables » du zinc et du charbon nécessaire à la fabrication de l’acier.

Le déclin du cours du cuivre a été bien documenté ; on a observé une chute de plus de 20 % de son pic soutenu l’année dernière dans un marché baissier au mois d’août. Ce métal devrait afficher de bons résultats cette année, si l’on en croit les perspectives de croissance encore fortes sur le long terme ainsi que la renégociation de nombreux contrats de travail dans plusieurs exploitations de cuivre au Pérou et au Chili.

Cependant, les tensions commerciales n’ont pas eu de répercussions sur tous les produits de base. Le cours de l’aluminium est resté élevé, même si ce métal a été la cible des sanctions tarifaires américaines. Rio Tinto, qui détient des exploitations d’aluminium au Canada, indiquait que l’augmentation de 18 % des prix de l’aluminium l’année dernière et « la majoration des primes de marché pour l’aluminium » s’inscrivaient parmi les facteurs ayant contribué à une hausse de 604 millions de dollars américains dans ses résultats avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (EBITDA, de l’anglais earnings before interest, tax, depreciation and amortisation) durant le premier semestre 2018, par rapport à la même période l’année précédente.

Dans le questionnaire dédié aux résultats semestriels de la société pour l’année 2018, Jean-Sébastien Jacques, président et chef de la direction de Rio Tinto, se disait confiant. « La chaîne d’approvisionnement est tellement intégrée entre les États-Unis et le Canada », déclarait-il, « que le bon sens l’emportera ». M. Jacques ajoutait qu’à ce jour, la société n’a pas ressenti les répercussions des conflits commerciaux, mais qu’elle observe « avec beaucoup d’attention » la situation potentielle.

Le nickel et le cobalt ont également défié le recul du marché grâce à l’intérêt croissant affiché pour les véhicules électriques. « Les cours de ces deux métaux sont très élevés aujourd’hui, en partie en raison de cette attente en aval d’une forte demande dans le secteur des batteries », indiquait M. Johnston.

Par rapport à la même période en 2017, les ventes de véhicules électriques (VE) à l’échelle mondiale ont progressé de 69 % au deuxième trimestre ; on s’attendait cependant à une hausse plus marquée.

Le nombre de VE sur la route dépend largement du contexte politique et des subventions. La Chine avait une politique de subventions solide pour appuyer la demande, puis a commencé à réduire fin 2017 ses subventions pour les VE à plus courte portée (à savoir la distance que peut effectuer un véhicule électrique sans recharger sa batterie), expliquait Alex Laugharne, conseiller principal au sein du groupe CRU basé à New York.

« La production a baissé, aussi le nombre de VE est légèrement plus faible que ce à quoi l’on s’attendait jusqu’ici cette année », expliquait-il. « Indépendamment de cette situation, l’adoption des VE a indéniablement de grandes répercussions sur divers marchés des métaux. »

Comme l’expliquait Paul Robinson, directeur du groupe CRU, à l’occasion du congrès de la Prospectors and Developers Association of Canada (PDAC, l’association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs), les prix du cobalt sont restés élevés grâce à des réserves du métal qu’il qualifiait « d’extrêmement faibles ». L’adoption à grande échelle des VE pourrait créer un « déficit de marché persistant ». Le groupe CRU prévoit que 63 % de la hausse de la demande de cobalt entre 2016 et 2021 proviendra du secteur automobile.

« Nous sommes confrontés à un manque de disponibilité », expliquait M. Laugharne. « Si l’on ne peut s’approvisionner en ce métal, il devient très difficile de fabriquer les batteries dont on a besoin. »

Cette légère hausse devrait engendrer une série de bonnes nouvelles pour Vale. La société signalait des revenus liés aux ventes de cobalt de 94 millions de dollars américains au deuxième trimestre, par rapport à 60 millions de dollars américains l’année précédente, tout en ayant vendu à peu près le même volume que l’année dernière, à savoir 1,2 million de tonnes.

D’après le rapport de Vale, la roue a aussi tourné en faveur du nickel depuis l’année dernière, avec une valeur moyenne de 14 476 dollars américains la tonne au T2, son taux le plus élevé depuis le premier trimestre 2015. Cela s’explique en partie par le fait que les fabricants incitent à la transition vers des batteries à forte teneur en nickel, une mesure qui engendrera la fabrication d’une batterie affichant une densité énergétique plus élevée et moins dépendante du cobalt pour batterie.

Vale annonçait également une hausse de 21 % dans ses EBITDA rajustés au cours du premier trimestre, qu’elle attribuait à « des prix réalisés du nickel et du cuivre plus élevés, et à des volumes supérieurs de sous-produits ainsi que de nickel et de cuivre ».

En juin, la société donnait également le feu vert au développement de sa mine souterraine de nickel, de cuivre et de cobalt de la baie de Voisey, qui devrait produire environ 45 000 tonnes de nickel, 20 000 tonnes de cuivre et 2 600 tonnes de cobalt par an. L’accord d’enlèvement du cobalt qu’elle a signé avec Wheaton Precious Metals et Cobalt 27 Capital constituait « l’un des nombreux facteurs qui en ont fait un projet si intéressant », déclarait Cory McPhee, vice-président des affaires générales et des communications de Vale.

En prenant du recul face à l’avenir des métaux communs dans sa globalité, les perspectives à court terme restent plutôt floues. « Le sort des perspectives économiques est de plus en plus livré à un bras-de-fer entre la rationalité (en ce que les guerres commerciales portent préjudice à tout le monde) et la personnalité, étant donné le style des négociations commerciales qui se tiennent à la Maison-Blanche », indiquait M. Johnston. « À ce stade, la question est réellement de savoir combien de temps on conservera cette attitude agressive vis-à-vis des échanges commerciaux. »