La société montréalaise Beauce Gold Fields (Champs d’or en Beauce) se sert d’un système électromagnétique dans le domaine temporel (TDEM, de l’anglais time-domain electromagnetic) développé en Russie pour trouver la source de roches dures des gisements d’or placérien de la Beauce, dans le sud du Québec.

La société espère qu’en séparant les mesures de polarisation provoquée (PP) et de conductivité, ce système haute résolution pourra voir au-delà des schistes noirs conducteurs (que l’on confond souvent avec des sulfures), lesquels ont réduit à néant les tentatives géophysiques antérieures de détecter la source d’or dans la vallée de la rivière Gilbert près de Saint-Simon-les-Mines, une municipalité située à environ 100 kilomètres au sud de la ville de Québec.

D’après Marc Richer-Laflèche, professeur à l’institut national de la recherche scientifique (INRS) de Québec, qui dirige l’équipe géophysique de Beauce, des essais préliminaires menés le long d’une route locale ont permis de détecter des conducteurs et des zones de polarisation provoquée (PP) élevée dans des zones conductrices (les schistes) et résistantes (grès et roches volcaniques), laissant supposer la présence de sulfures disséminés.

« Ceci montre bien l’importance de séparer la conductivité électrique et les composantes de polarisation provoquée », indiquait-il. Une autre caractéristique de ce système est la résolution horizontale d’environ 15 centimètres, qui permet à l’équipe de détecter des corps minéralisés de sulfure relativement étroits, par exemple des filons aurifères.

Richer-Laflèche a décidé de tester le système TDEM mobile après avoir consulté plusieurs articles rédigés par le professeur Georgy Trigubovich et le DrAnton Chernyshev d’Aerogeophysical Surveys, une grande société russe spécialisée dans la géophysique aéroportée. Le Pr Trigubovich, directeur scientifique adjoint spécialisé dans la géophysique au SNIIGGiMS (l’institut de recherche sibérien de géologie, géophysique et ressources minérales), a mis au point un certain nombre de techniques innovantes permettant d’améliorer la fiabilité des prévisions en termes de ressources. Son collègue universitaire Dr Chernyshev est spécialisé dans l’utilisation de méthodes mathématiques pour résoudre des problèmes géophysiques.

Le levé au sol de Beauce vient à la suite d’un levé audio-magnétotellurique, gravimétrique et géologique mené par l’INRS afin de détecter les discontinuités qui pourraient représenter des failles ou des zones de cisaillement, des filons possibles de minéralisation aurifère. Le levé détaillé a permis de détecter une structure de 1 500 mètres de profondeur sous les gisements placériens et plusieurs conducteurs qui pourraient constituer une minéralisation de graphite ou de sulfure. Le levé par TDEM permettra de déterminer plus précisément le lieu et les caractéristiques physiques de ces anomalies.

En 1846, la découverte d’une pépite de 2,5 onces dans la rivière Gilbert près de Saint-Simon-Les-Mines a donné lieu à la première ruée vers l’or du Canada. Beauce, qui s’appelait auparavant HPQ Silicon Resources, détient des concessions couvrant une unité sédimentaire non consolidée de six kilomètres de long qui renferme des mines d’or placérien des années 1860 à 1960. Si les mines produisaient alors environ 1,5 tonne américaine d’or, la source des gisements placériens n’a jamais été trouvée.

Des découvertes plus récentes d’or dans du saprolite, formé par une altération atmosphérique de la surface de l’assise rocheuse, laissent supposer que la source est proche ; cependant, des morts-terrains contenant du till du Quaternaire d’un à 25 mètres d’épaisseur ainsi qu’une forêt dense ont rendu difficile la prospection dans cette région.

D’après M. Richer-Laflèche, la technologie russe a permis de localiser de l’or et des kimberlites contenant des diamants en Sibérie. Elle a été adaptée afin de pouvoir être exploitée sur des routes forestières canadiennes relativement étroites ; on peut la transporter sur une motoneige sur la terre ferme, et la remorquer par bateau dans les lacs et les rivières.

Le système se sert d’une boucle à induction alimentée par des courants de 10 à plus de 50 ampères et de deux antennes de réception placées de manière à permettre un découplage optimal de la conductivité et de la PP. En fonction de la force du courant, du nombre de tours de la boucle à induction et de la conductivité au sol, le système peut sonder à des profondeurs allant jusqu’à 250 mètres.

« Le point critique de la méthode réside dans la configuration du système de transmetteur-récepteur, ainsi que dans la qualité des algorithmes utilisés pour séparer la conductivité électrique et les composants de la PP », expliquait M. Richer-Laflèche, qui teste également cette technologie dans le cadre du projet Noralex de Falco Resources, dans le camp minier de Rouyn-Noranda où un forage historique a permis de découvrir des valeurs d’or à faible teneur sur de larges points d’intersection.

Beauce utilise actuellement ce système sur des routes de campagne, et elle élargira son levé aux terres agricoles et aux routes forestières privées d’ici la fin de l’année. « Grâce à cette nouvelle technologie d’exploration de pointe, nous serons en mesure de mieux comprendre la géologie et d’atteindre notre objectif, à savoir trouver la source de roches dures des célèbres gisements d’or placérien de la Beauce », déclarait Patrick Levasseur, président de Beauce.