Sur le site de l'exploitation de minerai de fer Sishen d'Anglo American, les stériles ne seront désormais déplacés qu'une seule fois tout au long de la durée de vie de la mine, et plusieurs gisements de stériles plus petits ont été regroupés en « méga-gisements » pour réduire le nombre de descenderies qui devront être refaçonnées et réhabilitées à la fermeture | Avec l'aimable autorisation de Anglo American

Les gouvernements, les communautés et d'autres parties prenantes attendent et exigent de plus en plus des sites miniers qu'ils laissent un héritage environnemental et social positif, aussi les sociétés minières commencent à prévoir la fermeture d'une mine avant même qu'elle n'ait ouvert ses portes. Une nouvelle boîte à outils développée par Anglo American aide la société à changer sa vision de la planification de la fermeture. Cette boîte à outils consiste en une série de documents qui contiennent des étapes détaillées énumérant les nombreux points à prendre à compte. Elle affecte pratiquement tous les niveaux de l'organisation et aide à orienter toutes les étapes, de la planification par la haute direction à l'exploitation quotidienne du site.

Rudolph Botha, ingénieur civil principal chez Anglo American, et son collègue Peter Coombes se sont rendus compte, vers 2005, de l'importance pour la société de bien comprendre l'intégralité du concept de fermeture. « Pas seulement les risques », explique M. Botha, « mais aussi les opportunités associées à la planification générale de la fermeture de la mine. Nous nous sommes aperçus que sur les chantiers, on ne l'envisage pas toujours comme une approche intégrée ». Les ingénieurs, par exemple, s'intéressent à la fermeture physique ; les environnementalistes, quant à eux, se concentrent sur les aspects biophysiques. Personne n'envisage la tâche globalement.

M. Botha, qui dirige maintenant l'équipe technique et de durabilité chargée de la fermeture de la mine de la société, et M. Coombes, anciennement responsable de la partie environnement de la section technique, ont décidé d'améliorer ce procédé. « Nous avons essayé de faire au plus simple et de développer quelque chose d'utile pour les intervenants au niveau des sites qui pourra contribuer à faire des concepts hautement techniques une réalité et à changer la façon dont nous menons nos activités », explique M. Botha. Ils insistaient également sur l'importance de conseiller la direction intermédiaire de manière à ce qu'elle comprenne bien les liens divers entre les nombreuses composantes de la fermeture d'une mine.

MM. Botha et Coombes avaient espoir d'intégrer la planification de la fermeture de la mine dans la planification routinière de la durée de vie de l'exploitation et ainsi d'éliminer toute action future liée à la fermeture. Même M. Botha a reconnu être étonné du succès de la boîte à outils depuis sa mise en œuvre. « Il est surprenant de voir que l'on peut réellement éliminer les obligations liées à la fermeture d'une mine en changeant simplement la façon dont nous fonctionnons. » Sur le site de leur mine de diamants Venetia, par exemple, les plans de fermeture actualisés réduiront d'environ 30 % les obligations associées à la fin de vie de la mine. En intégrant les critères de fermeture aux plans de durée de vie de la mine, Anglo American a pu modifier sa stratégie de dépôt de stériles et minimiser les obligations à grande échelle inhérentes à une future fermeture. L'influence de cette boîte à outils sur les stratégies de planification, de gestion de l'eau et de biodiversité a également engendré de grandes économies.

Une approche intégrée

Aussi efficace qu'elle soit, cette boîte à outils n'en est pas moins facile à utiliser. Les documents guident le planificateur à l'aide de trois outils dans un ordre précis. Dans le premier outil, les exigences fondamentales sont établies, les connaissances essentielles recueillies et une vision post-fermeture identifiée (bien que cette vision puisse évoluer au fil du temps).

Le second outil, qui concerne l'évaluation rapide, contient un tableur détaillé permettant à l'intervenant d'identifier les lacunes en matière de connaissances au niveau du plan actuel de fermeture de la mine. Il définit le niveau de détail que devrait contenir le plan de fermeture pour chaque élément à aborder, notamment les installations d'élimination des déchets, les zones de puits à ciel ouvert, les habitats et les écosystèmes protégés, la topographie et les impacts visuels, les employés et les personnes à leur charge, ainsi que les parties intéressées et affectées, sur la base de la durée de vie restante de la mine.

Enfin, le troisième outil indique à l'intervenant la façon de combler les éventuelles lacunes au niveau du plan de fermeture existant en termes d'approche, de technologie et de ressources nécessaires pour chacun des éléments identifiés par le deuxième outil. Dans l'ensemble de la boîte à outils, des critères complets sont établis pour chaque élément, ce qui permet de mener une évaluation rapide et d'obtenir des instructions spécifiques en vue d'améliorations.

Une approche importante qu'adopte cette boîte à outils est qu'elle intègre quatre facteurs majeurs de la fermeture (physiques, biophysiques, sociaux et économiques) et s'assure qu'un exploitant sur le site étudie tous ces facteurs simultanément plutôt que de se concentrer uniquement sur son domaine d'expertise. La boîte à outils suggère, par exemple, qu'évoluer vers un haut niveau de fermeture physique sans prendre en compte l'aspect social pourrait engendrer une réduction du niveau de confiance envers le plan général.

« À un niveau opérationnel, ceci oblige à engager tous les systèmes pour atteindre le niveau de confiance requis en fonction de la durée de vie restante », explique M. Botha. En précisant quelles actions sont nécessaires pour combler les lacunes dans un plan de fermeture, la boîte à outils exige des intervenants sur le site qu'ils communiquent entre eux et leur permet de comprendre l'impact qu'aura un groupe sur un autre. Les stratégies de dépôt de stériles développées sur les sites de Venetia et de Sishen, par exemple, ont impliqué de modifier les activités quotidiennes mais permettront à la société de déplacer les stériles une seule fois, et non deux, sur toute la durée de vie de la mine. Le regroupement de plusieurs petits gisements de stériles en « méga-gisements » sur le site de Sishen évitera de refaçonner et de réhabiliter autant de descenderies au moment de la fermeture. Outre les économies importantes qu'engendrera la réhabilitation plus rapide de la mine, les conditions environnementales seront améliorées et les communautés locales n'en seront que plus satisfaites. La durée de l'étape suivant la fermeture peut également être réduite pour la société, étant donné que certaines des activités inhérentes à la fermeture ont déjà été menées.

Les informations émanant des activités ont permis de développer cette boîte à outils, aussi elle a été remarquablement bien acceptée par Anglo American sur une période relativement courte. Plus de 15 sites opérationnels utilisaient la boîte à outils avant même qu'elle ne soit officiellement lancée en 2008. « Il ne nous a pas fallu beaucoup de temps pour convaincre les gens de l'utiliser », indique M. Botha. Lors de présentations, les développeurs ont simplement exposé l'analyse de rentabilité pour la planification de la fermeture. « Il fallait leur donner des directives détaillées sur la façon de prendre de meilleures décisions. Cet outil se vend tout seul. »

Les possibilités d'engagement social

Le plus grand avantage de cette boîte à outils réside sans doute dans l'amélioration potentielle des relations avec la communauté. « La fermeture d'une mine pour des raisons sociales est pour moi l'une des plus grandes difficultés que nous rencontrons dans l'industrie minière », explique M. Botha. « La fermeture pour des raisons physiques est plus facile à gérer. Nous disposons d'excellents ingénieurs. Les éléments biophysiques sont contrôlables ; nous ne manquons pas de bons scientifiques. Mais pour ce qui est des aspects sociaux, nous sommes encore en phase d'apprentissage, et il s'agit assurément d'un élément essentiel. »

Les critères du troisième outil, lequel vient combler les lacunes dans un plan de fermeture, aident à promouvoir la collaboration et l'engagement au niveau social en précisant que les intervenants doivent demander conseil aux diverses parties intéressées et affectées. « La confiance s'instaure alors au sein des communautés dans lesquelles nous exerçons nos activités », explique M. Botha. « Cette boîte à outils clarifie notre objectif. Elle renforce la confiance que l'on accorde au plan, et la définition de la consultation est très spécifique. »

« Fondamentalement, nous voulons parvenir à un stade où les communautés et les personnes d'une région donnée s'approprieront le plan de fermeture. Le concept préconisé par cette boîte à outils est que la vision de la fermeture doit revenir aux personnes qui resteront dans la région après la fermeture de la mine, car elles y vivront encore ; nous non. »

Usage gratuit

Malgré son investissement d'environ 1 million $ US dans le développement de la boîte à outils sur cinq années (une bonne affaire si l'on considère les améliorations constatées au niveau de l'efficacité opérationnelle et la réduction des obligations à la fin de la vie de la mine dans plusieurs de ses exploitations), Anglo American a mis la boîte à outils à disposition de toutes les sociétés minières. Il est assez surprenant de constater que peu de sociétés semblent disposer d'un outil de ce genre. « Je n'ai jamais rien vu de semblable, ni en ce qui concerne le niveau de détail ni pour ce qui est de l'orientation supplémentaire que nous proposons dans la boîte à outils », poursuit M. Botha.

Il insiste sur la grande valeur que revêt cette boîte à outils pour les mines actuellement en activité, et pas seulement pour celles se trouvant dans les premières étapes de planification. « Beaucoup d'exploitations ont encore de nombreuses années de vie devant elles, aussi elles pourraient commencer comme une zone de friche, mettre en application la boîte à outils puis se conformer à ses critères deux ou trois années plus tard ».

 

« Avec un peu de chance, l'industrie l'adoptera et s'en servira », indique-t-il. « Cette boîte à outils est suffisamment souple pour ne limiter personne dans l'utilisation des bonnes pratiques à leur propre niveau opérationnel. Nous devrions tous être en mesure de mieux planifier, mieux concevoir et mieux gérer nos activités et de cette manière, d'améliorer l'héritage général que laisse l'exploitation minière dans son ensemble. Ceci a assurément une grande valeur pour nous. »

Traduit par Karen Rolland