En juillet dernier, Mohammad Javad Zarif, ministre des affaires étrangères de l'Iran (cinquième sur la photo en partant de la gauche) et les ministres des affaires étrangères de Chine, de France, d'Allemagne, de l'Union européenne, du Royaume-Uni et des États-Unis ont annoncé un traité de non-prolifération nucléaire à Vienne, entraînant un allègement des sanctions imposées à l'Iran. Avec l'aimable autorisation de Flickr/Dragan Tatic

Maintenant que l'Iran a rempli les engagements à l'égard de la non-prolifération nucléaire qu'il avait annoncés en juillet l'an dernier, le pays ouvre sa porte à de nouvelles possibilités. Certaines sanctions canadiennes sont encore en place, mais un nouveau flux d'importations et exportations et d'investissements pourraient bien relancer le secteur des marchandises iranien.

« Au vu des modifications des sanctions canadiennes à l'égard de l'Iran, les sociétés canadiennes seront désormais en mesure de s'ouvrir à de nouvelles possibilités commerciales, mais également de maintenir des contrôles stricts sur toute exportation qui pourrait entraîner de sérieuses préoccupations en matière de prolifération », déclarait le 5 février dernier Chrystia Freeland, ministre du commerce international du Canada dans un communiqué de presse annonçant les modifications apportées aux sanctions. Le Canada maintient des restrictions commerciales sur certaines entités et personnes impliquées dans des activités liées aux missiles balistiques ainsi que des restrictions concernant l'exportation de certains produits, notamment ceux qui pourraient être utilisés dans des activités militaires ou nucléaires.

D'après les informations fournies par le site Internet de l'Iranian Mines and Mining Industries Development and Renovation Organization (IMIDRO, l'organisation iranienne du développement et de la rénovation des mines et de l'industrie minière), une société de portefeuille nationale spécialisée dans l'exploitation minière, l'Iran occupe la 14e place dans le monde en termes de production d'acier, et la 16e en termes de production de fer.

Le marché des marchandises du pays a été relativement épargné dans le contexte de ralentissement économique qui frappe le monde entier car la plupart des métaux communs produits en Iran sont consommés à l'échelle nationale. Toute production supplémentaire post-sanctions resterait sans doute dans le pays, contribuant ainsi à son développement continu et réduisant sa dépendance envers les importations, expliquait Farshad Rashidi-Nejad, chargé d'enseignement à l'école de génie minier de l'université de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. En 2014, l'Iran a produit 16,3 millions de tonnes d'acier brut (provenant en majeure partie de l'IMIDRO), mais d'après le rapport annuel de la World Steel Association (l'association mondiale de l'acier), le pays a encore dû en importer 3,7 millions de tonnes. D'après l'Observatory of Economic Complexity (OEC, l'observatoire de la complexité économique) du MIT Media Lab (l'un des laboratoires du Massachusetts Institute of Technology dédié aux projets de recherche), la Chine, l'Inde, la Corée du Sud et la Russie exportent vers l'Iran de l'acier sous diverses formes.

« L'Iran renferme d'importantes ressources minérales et réserves de minerai. Toutes n'ont pas été prospectées et explorées à ce jour comme c'est le cas dans des pays développés tels que les États-Unis, le Canada et l'Australie », indiquait M. Rashidi-Nejad. Une présentation de l'IMIDRO indiquait que le pays renferme plus de 68 types de minéraux à extraire, notamment des réserves considérables de minerai de fer (2,7 milliards de tonnes), de cuivre (2,6 milliards de tonnes), de zinc (11 millions de tonnes) et de baryte (10 millions de tonnes).

 

Éliminer les obstacles techniques

Après la révolution iranienne de 1979, le gouvernement a commencé à augmenter les investissements dans des projets miniers, indiquait M. Rashidi-Nejad. Mais lorsque le Canada et d'autres pays ont imposé des sanctions durant la première décennie des années 2000 en raison du programme nucléaire en cours de développement en Iran, le flux d'investissement et de matériel dans le pays a été restreint, bloquant ainsi le développement des projets miniers.

« Le matériel représentait le plus grand problème pendant la période de sanctions », expliquait M. Rashidi-Nejad. Des sociétés telles que ABB de Suisse, Siemens d'Allemagne et General Electric des États-Unis ne pouvaient pas exporter vers l'Iran l'équipement indispensable, indiquait-il.

En 2006, alors qu'il était directeur de la National Iranian Copper Industries Company (NICICO, la société nationale iranienne des industries du cuivre), il a personnellement rencontré ces problèmes. L'une des usines de concentration sur lesquelles il travaillait était prête, mais il manquait une pièce importante du système de contrôle des procédés et des essais en temps réel car ce dernier contenait de la radioactivité. « Je me souviens qu'il a été extrêmement difficile d'optimiser l'exploitation et de contrôler le procédé. Nous avons dû avoir recours à l'échantillonnage manuel », indiquait-il.  

Paul Robinson, directeur du groupe CRU, une société de veille économique basée à Londres, était du même avis. « Lever certaines restrictions sur le matériel d'exploitation minière occidental aura-t-il un impact sur les capacités de traitement du minerai de l'Iran ? Absolument », déclarait M. Robinson, ajoutant que cela pourrait se traduire par une meilleure performance des installations existantes.

Vendre du matériel à l'Iran est une chose, mais le pays espère également assister à de nouveaux investissements étrangers. Lors d'une présentation à l'International Mining and Resources Conference (IMARC, la conférence internationale sur les mines et les ressources) qui s'est tenue à Melbourne en novembre dernier, Mehdi Karbasian, président d'IMIDRO, un acteur important dans les industries du cuivre, de l'acier et de l'aluminium du pays, a annoncé que le secteur minier du pays aurait besoin d'environ 20 milliards $ d'investissement étranger pour répondre aux objectifs de production du gouvernement. M. Rashidi-Nejad indiquait que les objectifs de production annuelle du gouvernement pour 2025 étaient de 55 millions de tonnes d'acier, 800 000 tonnes de cuivre, 1,5 million de tonnes d'aluminium et 300 000 tonnes de zinc (en 2012, les fonderies de cuivre de l'Iran avaient produit 270 000 tonnes, et la production d'aluminium totalisait 820 000 tonnes de bauxite et 230 000 tonnes de lingots de métaux ; le pays a produit 80 000 tonnes de métal de zinc cette année-là).

Les possibilités d'investissement et de développement sont bien présentes, mais MM. Rashidi-Nejad et Robinson s'accordent à dire que l'investissement dans des projets en Iran s'accompagne de risques. L'environnement politique du pays reste préoccupant. « Les investisseurs potentiels doivent être conscients que l'Iran est encore en train de développer ou de redévelopper ses lois sur l'exploitation des ressources minérales et minières, et ils doivent être prudents », indiquait M. Robinson.

La politique internationale pourrait aussi changer le paysage de l'investissement. Les sanctions pourraient être remises en place aussi vite qu'elles ont été levées ; cet accord nucléaire présente un mécanisme « de retour » des sanctions si l'Iran ne se conforme pas à ses obligations. L'ambassade du Canada à Téhéran reste aussi fermée, comme c'est le cas depuis 2012. Le gouvernement n'a pas encore fixé de date de réouverture.  

 

L'esprit pionnier

Les sociétés du secteur privé peuvent trouver cet environnement particulièrement contraignant, expliquait M. Rashidi-Nejad. « De nombreuses sociétés en Iran sont publiques ou financées par l'État. À ce jour, les principaux accords qui ont été conclus engagent le gouvernement iranien et certains pays européens », ajoutait-il.

L'équipementier italien Danieli et IMIDRO se sont engagés dans une entreprise commune de 2 milliards € (environ 3 milliards $) en janvier. Outotec a également annoncé des contrats visant à fournir les technologies de traitement et de boulettage de minerai de fer à deux usines en Iran, qui devraient toutes deux entrer en service au cours des trois années à venir. Kalle Härkki, chef de file d'Outotec pour la section Minéralurgie de la société, a qualifié l'investissement le plus récent, annoncé en septembre, de « tournant important pour Outotec dans l'industrie iranienne en plein essor du fer et de l'acier ».

Kobe Steel et la Japan Oil, Gas and Metals National Corporation (JOGMEC, la société nationale du pétrole, du gaz naturel et des métaux du Japon) ont aussi discuté de possibles investissements avec IMIDRO en août dernier, et les entreprises indiennes KIOCL et NALCO envisagent de construire en Iran une usine de boulettage de minerai de fer de 59 millions $ ainsi qu'une fonderie de 2 milliards $, respectivement.

Les investisseurs potentiels dans un projet iranien doivent cependant bien étudier tous les documents dont ils pourraient avoir besoin s'ils décident de se tourner vers un autre projet, notamment des évaluations de l'impact social et environnemental et des études de faisabilité, indiquait M. Rashidi-Nejad.

« Les investisseurs étrangers doivent analyser au cas par cas chaque occasion qui se présente en Iran. »

Traduit par Karen Rolland