Taseko Mines, une société minière de Colombie-Britannique, n'a pas eu le temps de s'ennuyer cette année.

La société a perdu une poursuite en diffamation contre un groupe environnemental en janvier concernant des articles relatifs aux répercussions possibles sur l'environnement de sa proposition de projet de cuivre et d'or New Prosperity, que le groupe a publiés durant la période d'observation publique de l'évaluation environnementale du gouvernement fédéral. En février, la société a intenté un nouveau procès contre le gouvernement fédéral, l'accusant de ne pas avoir rempli ses obligations légales dans le cadre du développement du projet New Prosperity. Enfin, un groupe dissident d'actionnaires, Raging River Capital, a demandé la tenue d'une réunion des actionnaires en janvier.

La bataille a été acrimonieuse. Le 25 février, Taseko a publié un communiqué de presse accusant Mark Radzik, le candidat proposé par Raging River pour occuper un poste de membre au sein du conseil d'administration de la société, d'avoir omis de révéler son implication dans la faillite d'une entreprise (dans un entretien, M. Radzik expliquait qu'il n'était pas directeur à l'époque et que Taseko tentait de détourner l'attention de ses performances).

Ce conflit trouve ses racines dans un désaccord majeur. Selon Raging River, les performances de Taseko sont inférieures à ce qu'elles devraient être ; la société devrait se concentrer sur quelques projets de développement et vendre certains de ses actifs non essentiels. Les dirigeants actuels de Taseko ne sont pas d'accord avec l'évaluation et la stratégie proposée par Raging River.

Par définition, les actionnaires activistes utilisent leurs droits rattachés aux actions d'une société cotée en bourse pour obliger la direction de cette dernière à effectuer des changements, par exemple à vendre des actifs ou à modifier la structure de compensation des dirigeants ou des actionnaires. « L'[activisme actionnarial] est de manière générale une réalité ; les actionnaires se sentent davantage responsables de leurs investissements », déclarait Amy Freedman, présidente de Kingsdale Shareholder Services (l'implication de Mme Freedman dans l'affaire Taseko/Raging River est accessoire). « Ceci pourrait marquer le commencement d'un nouveau chapitre. Au final, l'objectif est d'optimiser la valeur pour les actionnaires. »

Des courses aux procurations se produisent lorsqu'un actionnaire ou un groupe d'actionnaires s'opposent à un élément concernant la direction de la société ou la stratégie adoptée par le conseil d'administration. Les actionnaires peuvent organiser un vote pour soumettre la société à une certaine pression ; si leur vote aboutit, ils peuvent nommer un nouveau directeur ou une liste provisoire de nouveaux directeurs, demander la démission d'un directeur en poste ou bloquer une transaction.

D'après la dernière évaluation de la saison des procurations de Kingsdale Shareholder Services, 29 courses aux procurations ont été lancées contre des sociétés depuis septembre 2015 au Canada, ce qui, d'après le rapport, équivaut à peu de chose près aux évaluations de 2014. Neuf de ces courses affectaient le secteur des matériaux ; sept autres concernaient des sociétés spécialisées dans l'énergie.

29
Nombre de courses aux procurations au Canada en 2015 (30 en 2014)
9
émanaient du secteur des matériaux (qui inclut le secteur minier)
7
émanaient du secteur de l'énergie

En effet, Taseko n'est actuellement pas la seule à subir les coups des activistes ; un groupe dissident prétendait que le cours de l'action de Dominion Diamond avait chuté en raison d'une mauvaise gestion de la société. En janvier, des actionnaires ont voté pour nommer un nouveau membre au conseil d'administration, Josef Vejvoda, gestionnaire de portefeuille chez K2 & Associates Investment Management Inc., une société qui, apparemment, dirige un groupe d'activistes.

Si le nombre de courses aux procurations affiche une tendance à la baisse, Mme Freedman indiquait que les chiffres publiés ne reflètent pas la réalité. « Certains cherchent à garder la réalité loin des yeux du public », indiquait-elle. « De nombreuses choses sont faites dans l'ombre. Parfois, un communiqué de presse annonce l'arrivée d'un nouveau membre au conseil d'administration ou un nouvel examen stratégique ; ce sont les fruits des mesures prises par les activistes en fond. » Les affaires sont généralement rendues publiques lorsque les activistes ont déjà tenté de négocier avec la direction ou lorsqu'ils pensent que la société ne tiendra pas compte de leurs suggestions, ajoutait Mme Freedman.

David Salmon, président de la société de sollicitations auprès des actionnaires Laurel Hill Advisory Group, reconnaissait que l'activisme actionnarial est globalement en hausse, « mais pas au niveau de l'activisme traditionnel [tel que les courses aux procurations] » (M. Salmon est directement impliqué dans l'affaire Taseko/Raging River). Plutôt que de se battre pour changer la direction d'une société en nommant un nouveau membre au conseil d'administration, indiquait M. Salmon, les activistes ont souvent tenté de bloquer certaines transactions spécifiques, notamment des fusions ou des acquisitions. La technologie a permis aux actionnaires de communiquer entre eux et de mener leurs propres recherches sur des transactions, indiquait M. Salmon.

« De manière générale, si l'on retourne 10 ou 15 ans en arrière, personne ne s'opposait à une transaction. L'année dernière, un changement s'est produit », ajoutait M. Salmon.

Il indiquait que même les plus petits actionnaires avaient beaucoup de pouvoir aujourd'hui. Jim Gifford, l'un des actionnaires de Fission Uranium Corp., a formé une coalition et a bloqué une fusion avec Denison Mines, indiquait M. Salmon. Pourtant, les participations de M. Gifford dans la société étaient microscopiques en comparaison de la valeur potentielle de la transaction.

« Cette action n'émanait pas d'une institution. Il s'agissait d'un homme, seul, qui vit dans une collectivité d'agriculteurs en Ontario et a transmis son message », indiquait M. Salmon. « [Cet actionnaire] est parvenu à énoncer ses arguments et à obtenir suffisamment de soutien pour annuler une transaction d'une valeur de 900 millions $ ; cela montre bien le niveau d'engagement de ces personnes. »

Pour quelle raison les actionnaires s'impliquent-ils autant aujourd'hui ? L'économie pourrait être un facteur. « [Les actionnaires] perdent de l'argent et ils veulent avoir autant de contrôle que possible sur ce genre de situations », expliquait M. Salmon. Le nombre de courses aux procurations est monté en flèche après 2008, au début du ralentissement économique. Cependant, « si le climat économique défavorable y était sans doute pour quelque chose, car le prix des actions commençait à chuter, ce n'était pas l'unique raison », déclarait M. Salmon. En fin de compte, la performance d'une société, tout comme la fortune de ses actionnaires, doivent être évaluées en période de ralentissement économique.

La performance relative de Taseko durant le ralentissement économique est le moteur des actions entreprises par Raging River, déclarait Mark Radzik, candidat proposé par Raging River pour le conseil d'administration. « Nous avons assisté à la chute libre du prix de nos actions, nous avons vu des millions de dollars s'évaporer alors que les primes et la rémunération du PDG de la société sont restés intacts, tout ceci lorsque les documents publics indiquaient que la société n'avait pas atteint ses objectifs. »

Brian Bergot, vice-président des relations avec les investisseurs de Taseko, admettait que « ces dernières années avaient été difficiles pour les sociétés d'exploitation du cuivre », mais il ajoutait que les investisseurs activistes tentent de profiter de la frustration des actionnaires. « Selon moi, ils s'en prennent à Taseko en raison de la valeur de nos actifs », indiquait-il. Le procès que la société a intenté contre le gouvernement fédéral concernant son évaluation du projet New Prosperity fait partie de ses efforts visant à rétablir cette valeur.

« Le litige ne nous intéresse pas, ni d'ailleurs ne souhaitons-nous débattre devant les tribunaux. Mais nous devons nous assurer que nos projets soient évalués équitablement durant le processus environnemental », concluait-il.

Taseko organisera une réunion spéciale, tel que l'a requis Raging River, le 10 mai.

Traduit par Karen Rolland