Roy Slack. Avec l'aimable autorisation de Cementation Canada

Lorsque Kvaerner Cementation U.K. contacte Roy Slack en 1998 pour lui demander de diriger une nouvelle filiale en Amérique du Nord, ce dernier possède déjà plus de 15 ans d'expérience dans ce secteur et a une idée bien définie de la façon dont une société contractante en exploitation minière doit être dirigée. La société récemment baptisée Cementation Canada lui permet à l'époque de créer une société suivant cette vision. Sa priorité consiste à éliminer les accidents sur le lieu de travail. Depuis son lancement, la société n'a enregistré aucun accident ayant entraîné des arrêts de travail sur de nombreux grands projets, notamment le projet de double puits à la mine Nickel Rim South pour Xstrata et le projet Piccadilly pour PotashCorp. Durant son évolution, Cementation Canada renforce également sa notoriété au sein de l'industrie minière et dans d'autres secteurs en raison de la priorité qu'elle accorde à la formation de ses employés.

Malgré la quantité de projets sur lesquels la société travaille (entre 15 et 20 grands projets à la fois, dont des projets phares tels que le récent puits de 6 943 pieds de profondeur du projet Resolution en Arizona et le projet de mine à double puits Goderich en Ontario, ainsi que des études techniques et d'autres projets moins conséquents), Cementation s'assure que chacun(e) de ses 1 100 employé(e)s canadien(ne)s et américain(e)s reçoive une formation soutenue chaque année.

Quels facteurs font de Cementation le chef de file de l'industrie dans ce domaine  ? Et quelles leçons peuvent tirer les autres sociétés de la vision de M. Slack en tant que président de la société ?

L'ICM : Quelle est votre motivation personnelle pour développer la société dans cette direction en donnant la priorité à la formation et à la sécurité du personnel, et en déterminant ce qui est le mieux pour vos employés  ?

M. Slack : Lorsque j'ai commencé en 1982, le deuxième projet de puits de mine dont j'ai accepté la responsabilité était un puits d'exploration profond en bois. Quatre accidents mortels ont eu lieu durant ce projet. J'étais nouveau dans le secteur. Pendant nos études, on n'évoquait pas souvent la sécurité, et j'ai été très choqué. Certains disaient « que c'était inévitable » ; ils acceptaient presque que chaque projet comporte sa dose d'accidents graves. Pour moi, [ces] accidents étaient terribles et m'ont profondément marqué. Les plus anciens s'y résignaient, mais les nouveaux-venus s'insurgeaient en disant que « ce n'était pas acceptable ».

Tout au long de notre carrière, on réalise différentes choses. Pendant de nombreuses années, nous n'avons pas la possibilité de changer les choses, mais une fois que cela devient possible, nous devons tout faire pour y parvenir. Nous devons changer le cours des événements.

L'ICM : Cementation Canada a été nommée par le Financial Post l'une des dix meilleures sociétés pour laquelle travailler (en 2012), a décroché la palme d'or canadienne pour la sécurité au travail décernée aux employeurs les plus sûrs du Canada (en 2014) et a reçu le titre de l'un des 100 meilleurs employeurs du Canada (en 2014, pour la septième fois). Quelle importance revêt la formation des employés dans ces résultats  ?

M. Slack : Elle est essentielle. Une partie de notre mission consiste non seulement à être la société contractante de prédilection, mais également l'employeur préféré dans notre secteur. Le succès de nos projets dépend énormément des personnes qui y contribuent, mais également de la formation que ces personnes ont reçue.

Je considère ces procédures [la participation à des compétitions de type « les dix meilleur(e)s »] comme un outil. C'est un peu comme un audit. Elles nous permettent de prendre du recul par rapport à nos systèmes et de déterminer notre capacité à les gérer. Elles nous révèlent également ce que font les autres sociétés et nous donnent des idées pour constamment nous améliorer.

Nous disposons d'une base solide de formation en matière de sécurité (nous répondons aux exigences du programme Common Core de Sécurité au travail dans le Nord - STN et du Conseil des ressources humaines de l'industrie minière - RHiM), et avons dans les mains tous les éléments essentiels dont nous avons besoin dans notre industrie. Ces dernières années, nous avons aussi développé la formation et le perfectionnement professionnel dans le domaine des compétences non techniques, lesquels viennent ajouter des possibilités pour nos employé(e)s et rendent cette expérience plus enrichissante. Les compétences non techniques sont extrêmement importantes pour la sécurité et la productivité.

L'ICM : À une époque où de nombreux employeurs, notamment dans le secteur minier, trouvent difficile de justifier leurs dépenses dans des « extras » comme la formation des employé(e)s, comment parvenez-vous à rester fidèle à cette valeur  ?

M. Slack : Si vous êtes engagés envers cette valeur, vous trouvez les moyens de le faire. En période de ralentissement économique, nous cherchons des manières d'économiser, de tirer au maximum profit de nos investissements, mais cela ne change pas notre engagement envers la formation et le perfectionnement professionnel de nos employé(e)s.

Les vision, mission et valeurs constituent la philosophie que j'adopte pour la société. Les principes fondamentaux de ces dernières sont issus de ma propre philosophie de fonctionnement, mais ils ont sans aucun doute été adaptés par de nombreuses personnes dans le groupe.

L'ICM : Comment décidez-vous des programmes de formation à entreprendre au sein de la société ?

M. Slack : Il existe deux procédures différentes. La première concerne nos projets. Lorsque nous commençons un projet, nous développons une matrice de formation. [Lorsque nous nous engageons dans un projet], nous évaluons la formation dont vous disposez et les lacunes que vous présentez dans cette formation. Ensuite, nous créons un programme de manière à ce que, en l'espace de quelques mois, vous terminiez les modules et receviez la formation nécessaire pour pouvoir faire le travail demandé. Il s'agit d'une procédure très structurée. Elle n'est pas rudimentaire, mais est très facile à comprendre et est entièrement basée sur les résultats du programme Common Core et du RHiM ou sur les exigences légales des provinces dans lesquelles vous opérez.

La seconde partie est entièrement dédiée au personnel. Nous procédons alors à ce que l'on appelle un Professional Assessment Review (PAR, un examen de l'évaluation professionnelle). Il définit des objectifs personnels pour toute l'année sur la base des objectifs fixés par chaque service. Ces objectifs sont fixés par le biais d'un processus en cascade commençant par les objectifs de l'entreprise, aussi on observe un alignement entre les objectifs de l'entreprise, des services et personnels. Nous établissons ensuite un programme de formation personnalisé pour l'année fondé sur la formation que vous, en tant qu'employé(e), pensez devoir recevoir et sur celle que votre superviseur pense que vous devez suivre. Ce programme est principalement axé sur le perfectionnement professionnel. Ainsi, chaque employé(e) peut établir sa propre liste pour demander la formation qu'il/elle souhaite recevoir.

L'autre aspect [de la formation du personnel] concerne notre programme de développement du leadership ; il identifie un certain nombre de personnes dans la société qui, selon nous, occupent des rôles de leadership en pleine évolution. Il s'agit d'un programme bien plus structuré qui est soutenu par le système Harvard ManageMentor, un outil d'apprentissage en ligne qui contient environ 40 modules. Nous avons [aussi] développé une bonne partie de ce programme en interne et nous pouvons le distribuer à un grand nombre d'employé(e)s à un coût raisonnable par employé(e). C'est un excellent programme.

L'ICM : Vous avez l'air convaincu que la formation est un investissement totalement digne d'intérêt. Disposez-vous de données empiriques qui indiquent la valeur de votre investissement dans la formation et l'éducation ?

M. Slack : [Rires] Non ! C'est le problème avec la formation ; il faut y croire. Il est très difficile de chiffrer le rendement du capital investi. Comment peut-on quantifier le moral des employé(e)s  ? Comment peut-on évaluer le maintien en poste de ces employé(e)s  ? Il est difficile d'apprécier le nombre de personnes qui quitteraient leur poste si on ne leur proposait pas de formation. C'est une stratégie réellement difficile [à quantifier]. Il faut être engagé pour les bonnes raisons.

Nous faisons attention à nos dépenses dans la formation, mais certains chiffres sont bien plus importants à mes yeux que les dépenses encourues. Quand il est question de formation, le plus important pour moi est de m'assurer que nous mettons en œuvre nos projets. Lorsque nous décidons que « chaque employé(e) doit suivre un programme de formation au sein de la société », nous évaluons et déterminons la formation qu'a suivi chacun(e) d'eux(elles). Le problème transparaît lorsque nous n'atteignons pas nos objectifs. Pour moi, c'est une mesure bien plus importante que ce que nous dépensons.

L'ICM : La formation rigoureuse s'est-elle traduite par des avantages inattendus ?

M. Slack : Le New Miner Training Program (le nouveau programme de formation des mineurs), que nous avons initialement lancé à Sudbury pour présenter l'industrie minière à des personnes non spécialisées dans le secteur des mines, est devenu une référence dans notre partenariat avec les Premières Nations partout au Canada. Ce n'était pas son but premier lorsque nous l'avons conçu ; cependant, la formation est essentielle à tout partenariat avec les Premières Nations. Nos solides programmes de formation se sont révélés très bénéfiques pour nos partenaires en ce qu'ils leur ont permis de présenter l'industrie minière aux communautés et de leur décrocher de bons emplois dans ce secteur. Et [cela] ne concerne pas que notre société ; après la formation, ces personnes sont entièrement qualifiées pour collaborer avec l'équipe de la société propriétaire du projet une fois que nous quittons les lieux et laissons la mine entre les mains des propriétaires. Ce programme a été une véritable réussite et une initiative très importante pour notre groupe et nos partenaires.

Traduit par Karen Rolland