Les angles des talus naturels de la mine Orebody 25 de BHP Billiton sont passés de 20 degrés à 26 ou 27 degrés. Avec l'aimable autorisation de Pells Sullivan Meynink

La structure initiale des talus pour la paroi du puits de la mine Orebody 25 de BHP Billiton Iron Ore (BHPBIO, la section Minerai de fer de BHP Billiton) à Pilbara, en Australie-Occidentale, reposait sur un modèle géologique relativement simple. Créé en 2009, ce modèle partait du principe que l'assise rocheuse sous-jacente à prédominance de schiste était recouverte d'une roche et d'un sol détritiques déposés par l'érosion progressive des zones voisines. Un modèle hydrogéologique tout aussi simple a permis d'obtenir des informations supplémentaires quant à l'écoulement des eaux souterraines.

Cependant, la société aurait commis une grave erreur si elle s'était contentée de ce simple modèle.

BHPBIO a récemment décidé d'approfondir ses connaissances en matière d'hydrologie et de géologie, ce qui a étayé ses arguments en faveur de l'accentuation des pentes de la paroi du puits.

L'équipe géotechnique de BHPBIO a mené une étude du site entre décembre 2012 et début 2013 afin d'obtenir des échantillons de la nouvelle paroi du puits. Ce nouveau forage a permis de réinterpréter les limites des horizons pédologiques (ou couches de terrain), de comprendre les propriétés du sol composant ces couches, de prouver la résistance au cisaillement et de mesurer les propriétés hydrogéologiques des couches critiques telles que l'argile à l'aide de piézomètres. Les informations collectées ont été analysées par l'équipe d'ingénieur(e)s géotechniques et hydrogéologiques de BHPBIO afin de créer un modèle cohérent qui a servi à déterminer la stabilité des talus.

Simultanément, le bureau d'ingénieurs-conseils Pells Sullivan Meynink (PSM) a entrepris un examen des photographies des carottes de forage de la mine Orebody 25 et a identifié quatre couches géotechniques recouvrant l'assise rocheuse. Chacune d'elle représentait un événement sédimentaire et les ingénieur(e)s s'attendaient à ce qu'elles présentent des propriétés mécaniques distinctes.

PSM a commencé à interpréter les limites entre les différentes couches géotechniques dans la paroi du puits du corps minéralisé en fonction des variations relevées au niveau de la minéralogie quantitative. Plus particulièrement, l'équipe s'est concentrée sur une couche argileuse potentiellement défavorable dans la carotte. Étant donné sa structure géochimique unique, les informations obtenues à partir des trous de forage carotté ont pu être mises en relation avec celles provenant des trous de forage non carotté. En plus des dosages traditionnels, l'équipe a évalué des données géochimiques spectroscopiques afin de mettre en évidence l'existence d'une corrélation au niveau du développement du modèle géologique. Une évaluation des coefficients de minéraux particuliers dans les dosages a permis à PSM d'interpréter l'origine probable de l'argile, laquelle proviendrait d'un glissement de terrain survenu il y a plusieurs millénaires, apportant de ce fait des conclusions concernant ses caractéristiques en termes de force et de perméabilité.

PSM a également affiné l'interprétation géologique des horizons pédologiques sur la base des signatures chimique et spectrale détectées dans les éclats récupérés lors de la campagne de forage. À l'aide du logiciel Vulcan de Maptek, la société d'ingénieurs-conseils a élaboré un nouveau modèle géologique et a fourni ces limites lithologiques à BHPBIO dans les sections géologiques nord-sud dans lesquelles les « filons » ou « couches » représentaient la limite supérieure d'horizons pédologiques identiques. PSM a également fourni des surfaces tridimensionnelles (3D) pour chaque horizon pédologique/rocheux.

BHPBIO s'est servie des nouvelles limites lithologiques pour affiner les conditions aux limites géotechniques et hydrogéologiques importées dans le logiciel géotechnique de manière à optimiser les angles des talus. Le nouveau modèle géotechnique et hydrogéologique développé par BHPBIO indiquait une pression de l'eau interstitielle inférieure pour une résistance au cisaillement identique ainsi qu'une capacité à retenir un angle d'inclinaison plus prononcé.

Enquête spectroscopique

Depuis 2009, BHPBIO se sert de la spectroscopie pour collecter des données minéralogiques quantitatives, principalement pour valider les estimations effectuées pendant la diagraphie des trous de forage. Le but de cette nouvelle étude, expliquait Helen Baxter, ingénieure associée en géologie chez PSM, n'était pas de réanalyser les données. Cependant, alors que son équipe examinait les données géochimiques, elle s'est rendue compte que ces dernières pourraient être bien plus utiles que ce qu'elle ne le pensait initialement. « Nous avons donc mené des recherches plus poussées afin d'obtenir autant d'informations que possible à partir des données dont nous disposions », indiquait-elle.

Les trois couches géotechniques les plus récentes étaient un conglomérat polygénique, un conglomérat monogénique et un mélange de brèche et de kaolinite. La quatrième était une couche d'argile très dense, particulièrement importante dans cette étude en raison de son épaisseur et également car elle affichait précédemment une résistance médiocre.

Pour interpréter l'origine probable de l'argile et calibrer les limites géologiques utilisées dans les travaux de BHPBIO, PSM s'est servie des données géochimiques collectées dans le cadre de dosages traditionnels et à l'aide de la spectroscopie infrarouge. « Si nous parvenons à comprendre son origine, nous aurons une idée plus claire de son degré de consolidation et également de la perméabilité possible qu'elle doit avoir », expliquait Mme Baxter. « Ainsi, un(e) hydrogéologue pourrait ensuite calibrer les données piézométriques dont nous disposons afin de confirmer qu'elles représentent bien ce à quoi nous nous attendons. »

La société minière a collecté des échantillons des éclats et des carottes de sondage des neuf trous forés pour l'étude, a effectué des dosages standard puis a scanné les éclats à l'aide du système infrarouge HyLogger développé par la société australienne CSIRO en utilisant des algorithmes qui quantifient les minerais de fer, les minéraux argileux et autres marqueurs et contaminants dont la gibbsite, le mica blanc (ou muscovite), le carbonate, la silice, la chlorite et l'amphibole. « La pratique standard de modélisation géotechnique consiste à utiliser comme référence des données sur les carottes de sondage », indiquait Mme Baxter. « Très peu de données portent sur les trous de forage par circulation inverse, dont les produits obtenus sont les éclats. »

Ces minéraux marqueurs fournissent des informations quant aux origines des matériaux à l'étude. On trouve par exemple souvent du mica blanc dans le schiste des substrats rocheux, mais moins souvent dans les matériaux détritiques. Pour ce projet, trois options étaient envisagées pour l'origine de la couche argileuse identifiée. Il pourrait s'agir d'une partie météorisée (résiduelle) du substrat rocheux de schiste argileux, être d'origine détritique ou encore être arrivée dans son emplacement actuel comme débris d'une rupture provenant d'un glissement de terrain du substrat rocheux de schiste argileux qui était recouvert d'un dépôt détritique. Suite à des études minéralogiques comparatives, PSM en a conclu que les argiles étaient très probablement des débris d'une rupture.

Comme l'indiquait Mme Baxter, c'est la première fois que l'on identifie l'origine d'une masse d'argile de la région du Pilbara. Ceci signifie que l'on ne dispose d'aucune donnée d'autres sites à des fins de comparaison, aussi l'identification de son origine consistait à procéder par élimination en la comparant aux substrats rocheux et aux argiles détritiques connus provenant d'un gisement différent.

D'après Mme Baxter, « l'étude de ces analogies et différences nous a permis de déduire que la relation avec le substrat rocheux était suffisamment évidente, mais pas suffisamment précise pour établir qu'il s'agit d'un matériau résiduel ».

Un détail dans le tableau général

« Globalement, nous aurions pu nous passer de déterminer l'origine de l'argile dans ce projet », ajoutait Mme Baxter, « mais cela nous a apporté le soutien supplémentaire nécessaire pour les autres volets du projet qui portaient sur l'évaluation de la stabilité générale ». En nous rendant compte que l'argile provenait probablement d'un glissement de terrain, nous avons pu déterminer comment, géométriquement parlant, elle devait être modelée dans le bassin.

Une évaluation informée pourrait suggérer que l'argile entraînée par un glissement de terrain est moins solide car elle aurait été moins compressée sur la période géologique, et qu'elle peut présenter davantage de vides, ce qui améliorerait sa capacité à évacuer l'eau.

En éliminant l'origine détritique alluviale ou colluviale, l'équipe a pu confirmer que les données hydrologiques et relatives à la résistance d'autres sites de BHP Billiton situés dans un environnement géologique identique ne pouvaient être utilisées dans aucune analyse.

Mme Baxter faisait également remarquer que l'ensemble de données avait été élargi grâce à une analyse géochimique menée sur des matériaux concassés provenant d'un forage d'exploration existant et des trous forés pour ce projet. « Si ce modèle avait été développé uniquement sur la base de carottes de sondage et sans aucune géochimie, la quantité globale de données de forage pouvant être intégrées dans le modèle aurait été considérablement réduite », ajoutait-elle.

Sur la base de la géochimie et de l'analyse spectrale, le nouveau modèle géologique a amélioré l'interprétation des limites du sol et des roches et a donné lieu à une meilleure représentation des conditions géotechniques et hydrogéologiques, entraînant ainsi un changement de l'angle du talus de 20° à 26 ou 27°, un coefficient de recouvrement inférieur et des millions de dollars d'économie lorsque la construction a commencé en 2013 (les travaux se sont achevés début 2015). « Nous avons laissé une grande quantité de déblais dans les parois en augmentant l'angle de la descenderie intermédiaire d'environ sept degrés », indiquait Arturo Maldonado, principal ingénieur géotechnique chez BHPBIO. Selon lui, le coût de l'étude était intégralement couvert dès les premiers jours de reprise des activités minières.

Une occasion rare

Les exemples précédents pour ce type de travaux sont rares. PSM n'avait procédé à ce genre d'études qu'une fois auparavant, pour une mine d'argent où la géochimie, et non pas le forage, avait révélé des limites structurales importantes.

« PSM a alors eu l'idée de définir ces horizons pédologiques sur la base de signatures chimiques », expliquait M. Maldonado. « Cependant, BHPBIO a envisagé que le modèle géochimique soit accompagné d'une caractérisation géotechnique des sols afin de réellement interpréter les propriétés de résistance de ces matériaux, et notamment de la couche argileuse. »

Mme Baxter, quant à elle, indiquait que l'aspect le plus intéressant de ces travaux étaient que son client avait approuvé la recherche. « Ceci nous a vraiment permis d'envisager ce phénomène du point de vue géologique et d'obtenir les meilleurs résultats possibles pour ce projet », déclarait-elle. « C'est avec BHPBIO que nous avons utilisé la géochimie pour la première fois et cela nous [a] permis d'aller bien au-delà de ce que nous permet normalement le travail géotechnique sur le terrain. »

Traduit par Karen Rolland