Malcom Powell, professeur en comminution durable à l'université du Queensland, en Australie, a initialement suivi des études en physique pure ; il a mis à profit ses connaissances pour expliquer ce qu'il arrive aux roches à l'intérieur du broyeur en vue de développer un Unified Comminution Model (UCM, un modèle unifié de comminution) afin de réunir tous les modèles de comminution dans une seule et unique base. Ce modèle repose sur l'idée selon laquelle les mêmes procédés physiques se produisent dans tous les dispositifs de broyage, la seule différence étant la proportion et l'intensité. Ainsi, l'UCM calcule l'environnement mécanique du dispositif en question, associé à des essais sur l'abattage des roches, ce qui permet de modéliser le procédé et non le résultat d'un dispositif spécifique. Parmi les nombreux avantages d'un UCM, citons le fait qu'il permet d'intégrer la libération et de modéliser les dispositifs de broyage innovants.

L'ICM : Comment avez-vous choisi votre profession actuelle ?

Malcolm Powell : J'ai grandi à Durban, en Afrique du Sud, où j'ai étudié la physique avant de commencer à travailler chez Mintek [l'institut de recherche du gouvernement d'Afrique du Sud]. J'ai suivi des cours de génie spécialisés dans les revêtements de broyeurs, mais avec des modules de physique, ce qui m'a mené à ma maîtrise puis à mon doctorat à temps partiel en génie mécanique auprès de l'université du Cap. À la fin de mon doctorat, je suis parti voyager pendant quatre ans. Pendant un an, j'ai parcouru l'Afrique au volant d'une vieille Range Rover, j'ai vécu à Londres pendant quelques temps, et j'ai voyagé en Asie une année supplémentaire. Cette expérience a été extraordinaire. Je suis rentré au Cap et ai commencé une toute nouvelle carrière, qui m'a finalement mené jusqu'en Australie. [Durant ma pause de quatre années, j'ai créé] une société, Liner Design Services, ainsi qu'un logiciel baptisé MillTraj permettant de prévoir le mouvement des boulets à l'intérieur d'un broyeur de manière à concevoir des revêtements adaptés. On l'utilise dans l'industrie partout dans le monde.

L'ICM : Comment avez-vous eu l'idée de créer un UCM ?

M. Powell : Je me suis rendu compte que nos modèles existants de comminution présentaient des divergences irréconciliables. On ne peut faire évoluer un modèle empirique en un modèle basé sur la physique. Il faut recommencer du début. La [modélisation] doit revenir à la physique du procédé. À l'époque, je comprenais suffisamment bien l'équipement et les procédés pour conceptualiser un modèle développé à partir des interactions dans l'environnement mécanique. C'était le moment idéal, car nous disposions d'un outil, le Discrete Element Modelling (DEM, la modélisation par éléments discrets), un aperçu mathématique de l'action mécanique au sein de l'équipement de concassage et de broyage, que nous n'aurions pu envisager il y a 30 ans. Aujourd'hui, la DEM nous permet de [modéliser] un million de particules qui interagissent et qui entrent en collision avec un autre élément, ainsi que la force avec laquelle cela se produit. On peut voir les fonctions mécaniques qui commandent le procédé d'abattage. Grâce à l'UCM, on sait si les roches et les boulets se percutent, si les revêtements heurtent des éléments, et l'on peut résoudre les questions de forces et de taux d'interaction. L'UCM est la plateforme, la DEM représente les données les plus récentes que l'on peut ajouter.

L'ICM : Comment fonctionne l'UCM en pratique ?

M. Powell : La roche va être exposée à l'environnement mécanique [d'un concasseur ou d'un broyeur], aussi je caractérisai distinctement mon matériau en fonction de l'environnement mécanique que j'ai prévu pour mon équipement. Nous n'avons jamais pu procéder ainsi auparavant. J'effectuerai tout d'abord la simulation de l'équipement, ce qui me permettra de déterminer ce à quoi mon essai sur les roches devra ressembler. Les essais menés sur les roches étudient la résistance de la roche et ce en quoi elle se décompose ; nous calibrons ensuite ces informations en modèles à l'aide de relations empiriques de mise à l'essai. Je m'assure de tester la roche en fonction de l'équipement, de manière à ne pas avoir à effectuer de mise à l'essai empirique. Les données physiques sont donc directement calculées dans le modèle, et la roche est soumise à une gamme de contraintes, ou forces impulsives, que j'ai mesurées dans mon laboratoire afin de la caractériser. Je saisis ces chiffres dans le modèle car il s'agit de l'environnement mécanique auquel les roches seront soumises dans le modèle. C'est un changement progressif, et personne d'autre n'a adopté cette approche.

Reste maintenant à envisager le transport. Ce matériau doit passer par le dispositif de concassage/broyage. On peut se servir de techniques de calcul pour le prévoir, ainsi que de mesures physiques. Il est important de modéliser le transport de matériaux du point de vue mécanique dans un dispositif, qu'il s'agisse d'un concasseur ou d'un broyeur. Ce genre de modèle de transport doit [tenir compte] de la taille des particules, de la densité, de la façon dont on alimente l'équipement, etc.

L'ICM : Peut-on personnaliser la conception du circuit de comminution en fonction de la modélisation ?

M. Powell : Tout à fait ; lorsqu'on adopte cette approche, on peut repenser son procédé. L'UCM me permet de mesurer la façon dont se décompose la roche, et de prévoir les environnements mécaniques. Ainsi, il faut concevoir l'environnement local de manière à pouvoir appliquer suffisamment de force sur la roche et à la faire sortir immédiatement sans la broyer plus [que nécessaire]. Prenons un broyeur qui mesure entre 5 et 20 mètres de long ; si une particule est décomposée dès le début à la taille requise pour exposer le minéral, elle va passer 20 minutes supplémentaires à être broyée avant de ressortir du broyeur. Il n'y a pas d'autre issue, la particule ne peut s'échapper. Aussi, vous en faites bien plus que nécessaire. Pour moi, c'est à ce niveau-là qu'il faut chercher à changer les choses. Moins d'abattage devient alors l'objectif, et cela nous permet de considérablement réduire la somme de travail que l'on déploie. Il faut concasser le matériau et le transporter aussi vite que possible. Ceci peut servir de base à la conception de votre équipement.

L'ICM : Quels avantages présente l'UCM par rapport au modèle dont on dispose actuellement ?

M. Powell : Il nous permet d'inverser le cours des choses ; au lieu de se demander « comment peut-on améliorer le concasseur et le broyeur ? », on se demandera « que doit-on faire à la roche ? ». Dans le domaine de la comminution, mon but est de concasser la roche le moins possible afin d'exposer le minéral juste assez pour pouvoir le récupérer. Dans les années 1960, on était plutôt partisans du « broyons la roche en poussière et le taux de récupération n'en sera que meilleur ». Ce n'est plus possible aujourd'hui ; ainsi, on change de modèle et on l'envisage d'un autre point de vue. L'étape suivante devient alors « peut-on concasser ou broyer la roche de manière à obtenir une teneur plus élevée à sa sortie du dispositif ? »

L'ICM : L'industrie s'est-elle montrée réceptive à vos travaux sur la création d'un UCM ?

M. Powell : C'est un processus de longue haleine. L'industrie conçoit ce modèle comme un projet annexe intéressant mais sans doute un peu trop futuriste, même pendant les périodes d'essor les plus récentes. Que je dépense de l'argent à tester ce modèle ne dérangeait personne, mais je ne suis jamais parvenu à les convaincre, car tous trouvaient ce concept trop complexe et distant. D'une certaine manière, je suis d'accord. Mais si l'on se contente de modifier légèrement le procédé actuel, à quoi peut-on réellement s'attendre ? On peut améliorer la performance en changeant la conception ou la distribution de l'alimentation et d'autres éléments, mais il ne s'agit que d'améliorations graduelles, et vous poursuivez dans la même voie. On ne peut obtenir un changement fondamental lorsque l'équipement que l'on utilise a été développé dans les années 1940 ou 1960. Les broyeurs sont devenus plus imposants ; le gigantisme qui prévaut dans une industrie où plus grand est synonyme de plus viable du point de vue économique a marqué un changement progressif important pour l'exploitation des corps minéralisés à faible teneur. Mais nous avons atteint un plafond. On ne peut pas s'attendre à avoir un rendement persistant avec cette approche ; il faut changer de méthode. C'est là que l'idée d'un UCM entre en scène ; il nous permet de comprendre un procédé et d'envisager de révolutionner la façon dont nous utilisons l'équipement actuel ou d'adopter un nouveau procédé et une nouvelle conception de l'équipement.

Traduit par Karen Rolland