Les effets de la corrosion sur les systèmes de soutènement souterrains ont été mal interprétés jusqu'à présent. Avec l'aimable autorisation de John Hadjigeorgiou

Lorsque les systèmes de soutènement des mines souterraines commencent à être attaqués par la corrosion, le processus de dégradation est engagé et, en fonction de l'environnement de la mine, il peut durer des années ou se manifester très rapidement. La dégradation des systèmes de soutènement par la corrosion fait que ces derniers ne répondent plus aux exigences requises ; en résulte un effondrement de terrain dont les répercussions sur les plans économique et de la sécurité dans les mines sont désastreuses.

« L'accès à l'excavation est bouché, aussi il faut tout recommencer et réinstaller une architecture de soutènement », expliquait John Hadjigeorgiou, professeur à l'université de Toronto et titulaire de la chaire Pierre Lassonde en génie minier. « L'installation du soutènement, associée à l'interruption forcée de la production, entraînent tous deux une perte d'argent. » Par ailleurs, ajoutait-il, les effondrements de terrain mettent les employé(e)s en danger.

M. Hadjigeorgiou étudie les effets de la corrosion sur les systèmes souterrains de renforcement et de soutènement depuis plus de 15 ans, et les sociétés minières font souvent appel à lui à la suite d'effondrements de terrain sur des sites miniers pour comprendre ce qu'il s'est passé. « Au fil des ans, j'ai essayé de faire davantage preuve d'initiative, de mieux comprendre les principes fondamentaux de la corrosion et la façon dont on pouvait la réduire », expliquait-il.

Sa publication la plus récente, rédigée conjointement avec Jean-François Dorion, ancien doctorant en génie des mines à l'université Laval et ingénieur en chef à la mine Langlois de Nyrstar et Edward Ghali, professeur à l'université Laval, est apparue dans le CIM Journal (volume 6, n° 3). Ils y révélaient les résultats de cinq années de recherche dans sept mines souterraines du Canada. L'étude offre des informations importantes sur la perte de capacité dans les systèmes de soutènement souterrains en raison de la corrosion, lesquelles s'appuient sur les travaux antérieurs publiés par M. Hadjigeorgiou, et les lignes directrices en résultant ont été adoptées par plusieurs sites miniers.

La corrosion dans les sites miniers apparaît en raison de l'environnement immédiat ; des températures plus élevées, l'humidité, l'eau, l'acidité, la conductivité et la présence de différents minéraux dans le corps minéralisé contribuent tous à ce phénomène. La corrosion atmosphérique et aqueuse varie entre les sites, et même entre deux points dans un même site. La corrosion dans une mine souterraine finit par affecter la durée de vie et la sécurité des systèmes de soutènement avant qu'ils ne commencent à se dégrader, voire avant qu'ils ne s'effondrent.

Les deux principaux types de corrosion qui affectent les sites miniers sont la corrosion uniforme, sur laquelle porte l'étude, et la corrosion non uniforme (ou localisée). M. Hadjigeorgiou précisait que l'une et l'autre peuvent se révéler aussi problématiques. La corrosion uniforme d'un système de soutènement entraînera un niveau de corrosion homogène sur toute sa surface. La corrosion localisée concerne des zones spécifiques, et ressemble souvent à la corrosion par piqûres.

Combler les lacunes

La corrosion est un problème très largement étudié, mais ses effets sur les systèmes de soutènement dans l'exploitation minière en roche dure sont mal connus. D'après l'étude de M. Hadjigeorgiou, des efforts ont été faits dans le passé pour développer des systèmes de classification dans le but de déterminer la susceptibilité d'un environnement à la corrosion ; cependant, « pour diverses raisons, ces systèmes de classification n'ont jamais été largement acceptés ».

M. Hadjigeorgiou et ses collaborateurs essaient de remédier à ce problème. Les objectifs à long terme de leur recherche consistent à disposer d'assez de données et d'une représentation suffisamment claire pour permettre aux sociétés minières de choisir les meilleures options de soutènement sur leurs sites et de formuler une évaluation fiable de la durée de vie prévue des systèmes de soutènement.

La recherche a été menée dans les mines LaRonde, Mouska, Doyon-Westwood, Niobec, Persévérance et Géant-Dormant ainsi que par l'intermédiaire de travaux en laboratoire. Des coupons (de petites feuilles métalliques) de mesure de la corrosion ont été installés dans certains points des sites sélectionnés pour l'étude et vérifiés à des intervalles de trois, six et douze mois afin d'analyser le niveau de corrosion et de mener des essais pour déterminer la perte de capacité. Les co-auteurs ont également testé les mailles et les boulons.

Les résultats des essais sur les coupons de corrosion ont montré une « forte relation linéaire négative » entre la résistance à la traction des coupons et le taux de corrosion uniforme ; l'exposition des coupons à un environnement corrosif sur une longue période réduisait considérablement leur résistance. Ces résultats sont venus appuyer les travaux de recherche antérieurs de MM. Hadjigeorgiou, Dorion et Ghali et ont confirmé le lien entre la corrosion et la capacité du système de soutènement. Ces résultats semblent couler de source, et pourtant les sites luttent encore pour déterminer combien de temps dureront leurs renforcements et s'il est utile de dépenser davantage pour installer des soutènements plus résistants à la corrosion.

L'étude a également abordé la question de l'efficacité de la galvanisation et des revêtements spéciaux comme agents anticorrosion, et elle a constaté que les coupons en acier galvanisé étaient « considérablement plus résistants à la corrosion » après 12 mois d'exposition souterraine.

John Henning, directeur de la section génie géotechnique de Goldcorp, déclarait qu'il avait constaté les avantages des revêtements galvanisés à la mine Red Lake de la société dans le nord de l'Ontario, où s'était rendu M. Hadjigeorgiou pour déterminer les niveaux de corrosion dans une nouvelle zone de développement. « Si vous souhaitez que [votre soutènement] dure plus longtemps, optez pour le revêtement galvanisé », indiquait-il, tout en faisant remarquer que cette option coûte légèrement plus cher que des éléments de soutènement dépourvus de cette protection supplémentaire. Si vous ne souhaitez pas que votre soutènement dure, et « en fonction des autres conditions sur le site, vous pourrez sans doute opter pour un soutènement classique », ajoutait-il.

Guides visuels

De la recherche a émergé ce que M. Hadjigeorgiou appelle « une série de chartes graphiques » pour l'évaluation de la corrosion au sein des sites miniers, lesquelles sont essentiellement des guides visuels à l'intention des sociétés minières leur permettant de comprendre le niveau de corrosion auquel sont exposés leurs sites miniers et les changements qu'ils subissent au fil des ans. 

Ces lignes directrices, indiquait M. Hadjigeorgiou, peuvent aider les sociétés minières à mieux identifier le moment auquel la corrosion commence à présenter un risque pour la sécurité ou la rentabilité du site. « [Les sociétés minières] investissent dans le soutènement et elles s'attendent à ce qu'il dure pour toute la durée de vie de la mine. Elles ne veulent pas d'un soutènement à durée de vie limitée », indiquait-il. « [Mais] ce qui ressort de notre recherche, et maintenant des lignes directrices de l'étude, c'est que lorsque les sociétés minières commencent à voir des signes de dégradation, elles doivent envisager la réhabilitation ou le remplacement du soutènement. »

L'un de ces graphiques contient des images indiquant six différents niveaux de corrosion atmosphérique et aqueuse, depuis « pas ou très peu de corrosion », un niveau qui représente moins de 10 % de la surface, jusqu'à « corrosion très sévère », un niveau qui implique que le soutènement est extrêmement fragilisé. Les sociétés minières peuvent utiliser les photos pour comparer leur propre système de soutènement afin de déterminer, grossièrement, le niveau de corrosion et le risque d'effondrement. « Ces lignes directrices sont déjà prises en compte par des mines qui ont identifié la corrosion de leur soutènement comme un problème de contrôle des pressions de terrains », expliquait M. Hadjigeorgiou.

Premières adoptions

L'une des premières mines à avoir adopter ces lignes directrices est la mine LaRonde de Mines Agnico Eagle, située entre Rouyn-Noranda et Val D'Or au Québec, qui faisait par ailleurs partie des sites pilotes de l'étude. Les co-auteurs ont rencontré en 2008 Pascal Turcotte, surintendant adjoint à l'ingénierie à la mine LaRonde, pour lui demander de mesurer les niveaux de corrosion dans divers environnements. « Étant donné la température dans nos excavations et le type de corps minéralisé (du sulfure massif), [LaRonde] constituait une bonne étude de cas », expliquait M. Turcotte, « pour [eux] autant que pour nous, afin de mesurer le niveau de corrosion de notre site ».

Le système d'évacuation de LaRonde est soumis à un niveau extrême de corrosion, indiquait M. Turcotte, car les températures élevées augmentent le taux de corrosion du soutènement dans cette zone. Le sulfure dans le corps minéralisé et l'humidité ambiante du site jouent également un rôle important.

D'après M. Turcotte, l'étude et les lignes directrices ont entraîné un changement dans la gestion de la corrosion à la mine LaRonde. « Cette étude nous rend moins tolérants face à la corrosion sur le site », expliquait-il. « Ainsi, nos employé(e)s sont en sécurité et le risque de [dégradation des grillages] en raison de la corrosion du soutènement est réduit. »

Traduit par Karen Rolland