Derek ChubbDans son rapport sur les risques mondiaux, le Forum écono­mique mondial (FEM) indique que les crises des ressources en eau sont l’un des cinq principaux facteurs susceptibles d’influer grandement sur la société au cours des dix prochaines années. Le FEM définit une crise de l’eau comme une baisse significative de la qualité et de la quantité de l’eau douce ayant des effets néfastes sur la santé des êtres humains et l’activité économique. La croissance démographique mondiale, l’urbanisation, les activités économiques et les changements climatiques constituent des facteurs clés d’une situation déjà complexe où les risques liés à l’eau varient d’une région à l’autre.

L’accès à l’eau douce est un droit fondamental des êtres humains et s’avère essentiel à la santé des écosystèmes, tout en étant indispensable aux procédés d’extraction minière et de broyage. Les grandes sociétés savent que la responsabilité de la gestion des ressources est un principe d’affaires sous-jacent, et des organisations comme le Conseil International des Mines et Métaux (ICMM) ont élaboré des documents d’orientation à cet effet.

La gestion des ressources ne relève pas uniquement d’une responsabilité altruiste ; les exploitants miniers qui omettent d’aborder comme il se doit les enjeux liés à l’eau risquent d’afficher un taux de rendement réduit de leur capital investi. Il existe de nombreuses études de cas où l’on a simplifié à outrance le processus de consommation de l’eau sans tenir adéquatement compte des possibles problèmes environnementaux, sociaux et réglementaires qui risquent de se produire pendant la durée de vie de la mine et d’avoir d’importantes conséquences.

La fermeture en vue

Bien que toutes les mines finissent par fermer, on accorde rarement beaucoup d’importance à la planification de leur fermeture. Cette étape particulière, qui se situe généralement plusieurs décennies plus tard, n’exerce que peu d’influence sur les décisions économiques prises aujourd’hui. Une analyse de la valeur actualisée des flux de trésorerie peut masquer les véritables coûts d’une fermeture. L’exploitation du minerai génère des revenus aujourd’hui même, contrairement

à la réhabilitation progressive. Alors, pourquoi s’en soucier ?

Des idées préconçues pendant la planification de l’exploitation de la mine et les opérations quotidiennes peuvent donner lieu à une conception d’infrastructure ne résistant pas à l’évolution des conditions, et le report des travaux risque d’accroître ou de compliquer les coûts de fermeture. La gestion perpétuelle de l’eau, que l’on ne saurait négliger, est onéreuse et peut représenter un passif important pour les exploitations minières.

La société Environmental Resources Management (ERM) a récemment examiné 73 plans de fermeture de mine de 2007 à 2013. Cet examen indique qu’en moyenne, on propose que l’abandon se fasse sur une période de 11 ans. Une étude de suivi a démontré que, sur 57 mines en cours de fermeture, 91 % des sites affichaient des durées de fermeture de 21 ans sans avoir encore été fermés. Cette étude illustre bien que les sociétés minières sont exagérément optimistes, et nos études démontrent que l’on sous-estime souvent et considérablement le temps et les coûts requis pour fermer un site minier.

Les données sont claires : si on agit de façon inefficace pour la planification et la gestion de l’eau tout au long d’un cycle de vie, le rendement réel du capital investi est réduit en raison des répercussions sur l’environnement, la société et la réputation.

Matérialiser les plans

Une gestion responsable et efficace de l’eau exige à la fois le recours à une solution technique et à une stratégie globale intégrée. Afin de mieux gérer ce risque fondamental pour l’entreprise, il faut tenir compte de l’eau tout au long de la durée de vie de la mine, de sa conception à sa fermeture.

• Reconnaissez que l’eau ne se limite pas à un enjeu opérationnel interne. Les facteurs externes comme les changements climatiques et les demandes de la part d’autres utilisateurs, comme les exploitations agricoles, peuvent exercer une influence majeure sur les risques liés à l’eau. Le recours à un outil permettant de mesurer l’« empreinte du risque lié à l’eau » peut fournir une bonne interprétation d’une mine à l’intérieur d’un bassin hydrologique à multiples utilisateurs.

• Établissez le niveau d’ambition de votre organisation et assurez l’harmonisation de vos activités. Vous efforcez-vous d’être un chef de file de l’industrie ou cherchez-vous plutôt à respecter les normes acceptables? Établissez vos objectifs opérationnels en conséquence. Ne faites pas de promesses que vous ne pourrez pas tenir.

• Les risques et les occasions varient en fonction de la région et de la période. Vous devez comprendre le contexte local et avoir une vision à long terme. Évaluez un vaste éventail de risques qui touchent à la fois les domaines environnementaux, sociaux et financiers. L’adoption d’une approche uniforme pour toutes les situations ne fonctionne pas.

• Procédez au suivi de l’évolution des conditions et adaptez-vous en conséquence. Intégrez le risque lié à l’eau à vos processus décisionnels d’entreprise. Allez au-delà de la valeur actualisée des flux de trésorerie afin de déterminer les coûts de fermeture.

Répondez aux questions ci-dessous aux diverses étapes de l’exploitation minière.

Planification : Avons-nous tenu compte de toutes les étapes de la durée de vie de ce projet, y compris de la fermeture ? Quels engagements dois-je prendre pour la fermeture afin d’obtenir et de conserver mon permis d’exploitation?

Exploitation : Entreprenons-nous les travaux de fermeture de manière proactive afin de réduire au minimum les risques à long terme, y compris les risques liés à l’eau ? Serons-nous en mesure de maintenir nos engagements de fermeture, et sont-ils suffisants pour gérer notre profil de risque en constante évolution ?

Fermeture : Pouvons-nous exécuter notre plan de fermeture à temps et en respectant notre budget ? Traitons-nous la fermeture comme un projet en soi ?

L’eau joue un rôle essentiel dans les activités minières, et les risques qui y sont associés sont de plus en plus évidents. Nous ne pouvons plus nous contenter de percevoir l’eau uniquement comme un simple procédé nécessaire. Adopter une approche proactive à l’égard du cycle de vie, dans laquelle la fermeture est planifiée et les activités d’exploitation en tiennent compte, doit devenir la norme.

Traduit par CNW


Derek Chubb, ing., est un associé principal à Environmental Resources Management (ERM) et travaille à Toronto. L’auteur aimerait remercier Jim Chan, conseiller principal, ERM, pour sa contribution au présent article.

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