Matthew Pierce, spécialiste en caractérisation géomécanique de la masse rocheuse et en conception des mines souterraines, a récemment été nommé directeur du Rio Tinto Centre for Underground Mine Construction (RTC-UMC, le centre de construction pour mines souterraines de Rio Tinto) au Centre for Excellence in Mining Innovation (CEMI, le centre d'excellence en innovation minière). M. Pierce est l'ingénieur principal du groupe Itasca Consulting Group à Minneapolis, et a reçu la médaille Rocha décernée par la société internationale de mécanique des roches.

Le RTC-UMC a été créé en 2010 dans le but de mener des recherches en soutien au programme « Mine of the Future » (Mine du futur) de Rio Tinto et à ses exploitations minières souterraines, et M. Pierce oriente maintenant le centre vers de nouveaux territoires.

L'ICM : En quoi réside la singularité du centre de construction de mines souterraines de Rio Tinto ?

M. Pierce : D'un point de vue organisationnel, Rio Tinto a donné pour mission au CEMI de trouver les bons chercheurs en recrutant différents acteurs, notamment d'autres sociétés minières, des sociétés d'experts-conseils et des universitaires. Le CEMI ne mène pas ses propres recherches mais peut réunir les acteurs appropriés pour mener ces travaux étant donné qu'il n'est pas associé à une université en particulier.

D'un point de vue technique, nous reconnaissons que la caractérisation, l'excavation et la conception du soutènement doivent considérer la rupture par cisaillement, et non l'épierrage de corps fragiles, comme le principal mécanisme d'effondrement de la masse rocheuse, et que les critères classiques d'effondrement de la masse rocheuse sous-estiment sans doute la force de la masse rocheuse soumise à un confinement élevé.

L'ICM : Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre la direction du centre ?

M. Pierce : Peter Kaiser était directeur du centre durant les quatre premières années et a établi la vision technique pour aider Rio Tinto à améliorer ses techniques d'excavation et à soutenir ses activités de foudroyage. Il se préparait à prendre sa retraite mais souhaitait garder un pied dans le centre tout en trouvant quelqu'un qui pourrait commencer à développer une vision pour les cinq années à venir et qui renforcerait l'intérêt que présentait ce centre. La solution était de partager la direction entre le directeur associé Erik Eberhardt de l'université de la Colombie-Britannique (UBC) et moi-même, et Peter restait impliqué.

L'ICM : Le centre a placé la caractérisation de la masse rocheuse en tête de ses priorités. Quels autres travaux sont nécessaires en matière de recherche sur la caractérisation de la masse rocheuse pour améliorer ce qui a déjà été fait ?

M. Pierce : Dans le domaine de la mécanique des roches, on admet de plus en plus ne pas comprendre totalement la façon dont les masses rocheuses réagissent à l'exploitation minière dans une série spécifique de conditions, à savoir lorsque la roche est massive (mal articulée) mais très fissurée et soumise à une pression élevée (par exemple les porphyres cuprifères en profondeur). La mécanique des roches traditionnelle s'est concentrée sur la façon dont se comportent les roches plus solidement articulées plus proche de la surface. Cependant, pour obtenir de bonnes conceptions pour le développement de mines souterraines profondes dans des roches massives, nous ne devons plus considérer l'épierrage comme mécanisme de rupture. Plutôt que de se contenter de l'évoquer sur le plan strictement intellectuel, le centre mettra en pratique la théorie avant-gardiste de la mécanique des roches.

L'ICM : La fiabilité de l'empreinte est au cœur des préoccupations du centre. Quelle est son origine et pourquoi est-elle si importante ?

M. Pierce : Dans le cas présent, le mot « empreinte » fait référence au fond d'une mine où sera pratiqué le foudroyage. Pour pouvoir extraire de la mine une grande quantité de minerai fragmenté et le transporter jusqu'au concentrateur, il faudra qu'il s'écoule au niveau de l'empreinte ou du niveau d'extraction. L'expérience récente dans un grand nombre d'exploitations nous montre qu'en assurant la stabilité du niveau d'extraction et en laissant s'écouler librement le minerai au travers des points de soutirage, la mine sera plus productive. En revanche, si les tunnels commencent à se détériorer ou si le soutènement s'avère inadapté, la disponibilité des points de soutirage disparaîtra rapidement. Si seulement la moitié de vos points de soutirage sont disponibles, les déchets commenceront à s'accumuler et exerceront plus de pression sur le niveau d'extraction, ce qui entraînera des dégâts et aura des répercussions telles qu'une récupération perdue, une faible productivité et des coûts de remise en état plus élevés. Le principal facteur de fiabilité de l'empreinte est d'assurer la disponibilité des points de soutirage, et une grande partie de cet effort repose sur un bon soutènement pour assurer les conditions au sol adaptées à l'épierrage.

L'ICM : Quelles solutions envisagez-vous pour minimiser les retards et optimiser la rapidité de construction d'une mine souterraine ?

M. Pierce : Pour accélérer les activités, il faut extraire autant de minerai que possible aussi vite que possible. Ceci dépend de la disponibilité des points de soutirage, mais un facteur encore plus important dont il faut tenir compte concerne la phase de préparation du développement d'une enceinte. Si l'on parvient à procéder à l'excavation des tunnels tout en évoluant en toute sécurité, l'extraction du minerai se fera d'autant plus rapidement. L'une des façons d'y parvenir est de réduire le nombre de points de soutirage. Un autre moyen consiste à concevoir le soutènement de manière à ce que son installation prenne moins de temps et à ce qu'il présente une plus grande efficacité, ce qui minimisera la remise en état.

L'ICM : Pouvez-vous nous expliquer comment le centre intègre des études en laboratoire, sur le terrain et numériques ?

M. Pierce : Toute étude technique doit reposer sur ces trois domaines. Si nous pouvons récupérer les données de terrain et les utiliser pour valider le modèle numérique, nous disposons alors d'un outil pour prévoir une plus grande gamme de scénarios. Par exemple, le centre surveillera les piliers dans trois mines différentes l'année prochaine. Nous nous servirons de ces données pour calibrer des modèles numériques de ces piliers et parviendrons, nous l'espérons, à valider leur utilité. Le troisième point concerne la modélisation physique qui nous permet de reconstituer le problème en laboratoire. C'est un point très précieux pour l'exploitation minière par foudroyage, car au lieu de devoir modéliser l'écoulement de blocs rocheux géants, nous pouvons modéliser l'écoulement de graviers ou de sable. Il s'agit d'un autre moyen d'étudier le problème ou de recueillir des données pour la calibration de modèles numériques.

L'ICM : L'un des objectifs du centre est de développer des mesures de contrôle des pressions de terrains efficaces et performantes. D'autres mesures sont-elles en cours ou prêtes à être déployées ?

M. Pierce : Un grand nombre de ces activités de foudroyage ne sont pas en mesure d'adopter un nouveau type d'élément de soutènement ou de l'incorporer à leur philosophie de conception de soutien. Nous souhaitons associer différents types de soutènement dont des boulons, des câbles et du béton projeté d'une nouvelle manière et changer le calendrier de l'installation. Ainsi, nous ne nous concentrons pas uniquement sur le développement d'un nouveau type de soutènement, mais tâchons plutôt de comprendre comment les outils de soutien existants doivent être installés, dans quelle combinaison et à quel moment.

L'ICM : Le centre prévoit de rédiger un guide de sélection de soutien reposant sur les principes de conception du soutènement basés sur les déformations. Pouvez-vous décrire ces principes ? En quoi sont-ils innovants ?

M. Pierce : Vous pouvez envisager le soutènement en termes de pression en surface (l'application d'une pression sur la paroi du pilier ou du tunnel) ou en termes de renforcement (la conglomération de la roche en interne à l'aide de boulons et de câbles). Ces deux méthodes permettent d'atteindre le même résultat, à savoir maintenir la roche en un seul bloc et l'aider à se soutenir. Nous tentons de déterminer laquelle de ces deux méthodes est la plus adaptée au mode de rupture lors de d'épierrage. Ceci constitue la base de bon nombre de nos études de conception du soutènement.

L'ICM : Qu'est-ce que la « mine du futur », et pouvez-vous nous expliquer l'importance de ce concept ?

M. Pierce : Du point de vue du centre, il s'agit d'une mine qui pourra être développée et exploitée de manière plus fiable. Il s'agit là d'une difficulté de longue date pour les mines développées par foudroyage. Nous changeons la façon dont nous construisons, soutenons et surveillons ces exploitations.

Traduit par Karen Rolland