Avec l'aimable autorisation de John Thompson

John Thompson a passé une bonne partie de sa carrière à réduire l’écart entre le milieu universitaire et l’industrie. Après des années passées à travailler dans l’exploration minière, le docteur en géologie a accepté le poste de directeur de la Mineral Deposit Research Unit de l’Université de la Colombie-Britannique peu après sa création en 1989. Après y avoir passé sept ans, M. Thompson est ensuite parti travailler à Teck Resources à titre de géoscientifique en chef pour devenir ensuite vice-président, Technologie et Développement. À Teck, l’un de ses projets consistait à travailler avec une équipe à l’élaboration d’objectifs et d’une structure plus formels pour les activités de développement durable de l’exploitation minière. Cette expérience l’a incité à s’associer à la faculté de l’Université Cornell à titre de professeur titulaire de la chaire « World Family Professor in Environmental Balance for Human Sustainability ».

Dans son rôle actuel de président de la conférence Resources for Future Generations (RFG 2018), une conférence interdisciplinaire de quatre jours dédiée aux ressources pour les générations futures qui se tiendra en juin à Vancouver, il cherche à créer un moyen de combler l’écart entre le secteur des ressources et le grand public, et de solliciter divers points de vue afin de débattre des défis techniques, sociaux et environnementaux qui devront être relevés pour soutenir le développement à l’avenir.

CIM Magazine s’est entretenu avec M. Thompson au sujet des progrès réalisés par l’industrie et du travail qu’il reste à faire.

CIM : Le travail que vous avez réalisé avec Teck Resources sur la stratégie de durabilité de l’entreprise en 2010 représente une étape importante dans votre parcours actuel. Quel était votre rôle?

M. Thompson : J’étais l’un de plusieurs hauts responsables qui s’occupaient du projet, et une personne qui travaillait pour moi est à l’origine de l’initiative. Il fallait rassembler 30 personnes de tous les secteurs de l’entreprise, pour la plupart des jeunes gens provenant de différentes exploitations, de différents pays, pour discuter des points sur lesquels l’entreprise devrait se concentrer dans une perspective de développement durable. De ses réunions sont issus six objectifs initiaux pour l’entreprise en matière de durabilité.

CIM : Qu’avez-vous tiré de votre participation à ce processus?

M. Thompson : L’aspect le plus intéressant était sans doute de travailler avec ce groupe de personnes – elles étaient très différentes les unes des autres, elles représentaient tout le spectre de l’entreprise, elles étaient issues de différentes exploitations et avaient diverses compétences spécialisées – et de découvrir à quel point elles avaient ces enjeux à cœur. Elles faisaient partie intégrante de Teck et de l’industrie minière, mais il était très clair qu’elles souhaitaient ardemment améliorer l’entreprise, rendre les mines plus efficaces, s’attaquer aux problèmes auxquels nous faisons face, et le faire de manière durable. C’était simplement un groupe de personnes extraordinaires, qui ont consacré énormément d’efforts pour formuler ces objectifs. Les objectifs étaient ambitieux, ils étaient ce qu’il convenait de faire, et ils ont supporté l’épreuve du temps. Mais c’est l’engagement de ce groupe de gens qui était l’aspect le plus passionnant.

CIM : Depuis cette époque, de quelle manière la réflexion autour de ces enjeux a-t-elle évolué?

M. Thompson : Je crois que ces enjeux demeurent au premier plan et qu’ils ont probablement pris plus d’importance. Beaucoup de gens sont encore plutôt méfiants à l’égard de l’industrie minière, il faut encore les convaincre. Et nous devons livrer la marchandise, notamment en ce qui concerne les objectifs de durabilité, et le faire réellement, sans se contenter de changements de façade, c’est une condition clé du succès. Et si vous voulez développer de nouvelles exploitations et traiter avec les collectivités, vous devez aussi pouvoir démontrer que votre entreprise a de bonnes intentions et qu’elle doit être prise au sérieux. Ça n’a pas du tout changé, cela va juste être de plus en plus difficile.

CIM : Dans quel domaine l’industrie a-t-elle réalisé le plus de progrès?

M. Thompson : Je pense qu’elle a réalisé d’importants progrès dans son approche par rapport à l’engagement : elle reconnaît qu’il est indispensable de comprendre les différentes communautés, qu’elles soient autochtones ou non. Toutes les entreprises ont vu ce qui se passe quand les choses tournent mal. Parfois, de petits incidents se produisent, parfois, il y a des retards, mais, dans certains cas, c’est beaucoup plus grave. Le changement que j’ai observé dans la dernière partie de ma carrière est la présence de spécialistes des sciences sociales parmi le personnel de sociétés minières qui travaillaient avec des professionnels des secteurs allant de l’exploration à l’ingénierie afin de comprendre les communautés – c’est une évolution majeure, qui est globalement très positive.


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Voilà pour le volet humain. Du point de vue énergétique, je note des avancées plus importantes en matière d’efficacité énergétique et d’utilisation des énergies renouvelables. L’eau est recyclée et elle est utilisée de manière plus efficace. Nous cherchons constamment à faire mieux, non seulement parce que cela se justifie sur le plan économique, mais parce que ça me paraît censé du point de vue social, politique et environnemental. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.

CIM : Ceci nous amène à votre travail dans le cadre de la conférence Resources for Future Generations 2018, qui se veut un carrefour rassemblant des intérêts aussi nombreux que variés dans le secteur des ressources. Quels sont les objectifs que vous voulez atteindre?

M. Thompson : Le premier objectif est de réunir des personnes issues de divers secteurs de l’énergie, des minéraux et de l’eau sous un même toit. Nous savons tous que tous les secteurs font de l’excellent travail dans leurs spécialités distinctes et que par ailleurs, ils éprouvent de réelles difficultés dans d’autres aspects. On peut trouver là des occasions de résoudre certains de ses problèmes particuliers en voyant comment ils ont été réglés dans d’autres secteurs.

Le deuxième objectif cherche à mettre en relation le domaine technique et la sphère sociale. Le personnel technique peut trouver que participer à de tels échanges est un exercice difficile et peut avoir du mal à comprendre la position des gouvernements, des organismes à but non lucratif et des groupes autochtones. Nous voulons examiner comment concilier tous ces éléments.

Et le troisième est de mettre l’accent sur les générations futures. Nous devons les attirer, les faire participer à la conférence, faire en sorte qu’elles s’impliquent pleinement et les inspirer à traiter les questions qui se posent pour les ressources à l’avenir : comment allons-nous travailler avec les collectivités à leur développement, et comment allons-nous agir de manière plus efficace, plus responsable et au bout du compte, exploiter nos entreprises de manière durable.

Mon but ultime est de causer un certain choc. C’est de faire en sorte que les gens en dehors de notre industrie se rendent compte que nous concentrons vraiment nos efforts sur les jeunes, que nous mettons l’accent sur les peuples autochtones, et que nous les avons intégrés dans la conférence. Je voudrais amener les gens à réfléchir, à débattre et à s’ouvrir sur le monde au lieu d’adopter une attitude plutôt fermée.

Notre industrie a tant lutté pour inciter le public à considérer nos pratiques sous un angle positif. Si la conférence RFG 2018 nous permet d’atteindre cet objectif, cela sera pour moi une grande réussite.

CIM : Compte tenu des cours que vous donnez à l’Université Cornell, vous passez plus de temps que la plupart d’entre nous à discuter de ces questions avec la jeune génération. Comment mesurez-vous l’intérêt que ces jeunes portent à ces questions?

M. Thompson : Ils sont très intelligents et peuvent être très évolués, mais ils connaissent peu de choses sur le monde des ressources, sur la façon dont il fonctionne vraiment et dans quelle mesure ils font partie intégrante de ce milieu, en tant que consommateurs. C’est pour eux une sorte de révélation. Ils sont généralement plutôt pessimistes face à l’avenir et aux enjeux des changements climatiques et de la pollution et ne vont pas aller immédiatement vers la recherche de solutions.

Ce que j’aime chez les étudiants, c’est leur enthousiasme; ce sont là certes des généralisations, et je ne veux pas décrire tous les milléniaux et tous les jeunes de façon uniforme. Mais ils s’impliquent vraiment, et lorsqu’ils commencent à comprendre, ils se montrent très enthousiastes et changent d’opinion. Ils n’adoptent pas nécessairement mes positions, mais leur manière de voir les choses change véritablement et ils s’efforcent de comprendre comment les divers enjeux relatifs à la demande des ressources et au développement vont de pair et comment tout cela peut fonctionner. C’est toujours un peu plus difficile en début d’année, parce qu’ils ont tendance à partir sur une base plutôt négative, mais il n’y a aucun doute qu’ils comprennent et qu’ils commencent à réagir différemment durant le cours, et j’en retire une immense satisfaction.

Traduit par CNW