L’agriculteur de subsistance local Jose Vincent Mejia du village de San Juan dans le nord de la Colombie montre des abeilles à miel de l’une de ses sept ruches. Cordoba Minerals a fourni à Jose formation, matériel, et les trois premières ruches. Kylie Williams

Avec son blue-jean usé jusqu’à la corde et sa chemise bleue frappée du logo de l’entreprise, Jesus Maria Suarez ressemble à un employé typique de projet d’exploration minière. Dans les jungles montagneuses du nord de la Colombie, il est aussi connu des collectivités locales que des géologues et des foreurs qui s’appliquent à circonscrire les minéralisations à teneur élevée de cuivre et d’or du projet San Matias de Cordoba Minerals.

Mais Suarez n’est ni un explorateur de minéraux ni un foreur. C’est un apiculteur professionnel embauché par la société d’exploration minière établie à Toronto pour enseigner l’apiculture aux habitants de San Matias, de San Juan et d’Alacran, trois villages du département de Córdoba, situés à 200 kilomètres au nord de Medellín. L’apiculture et la production de miel font partie du vaste programme social de Cordoba Minerals qui se déroule parallèlement aux activités d’exploration avancées de la société.

« Nous n’avions jamais envisagé de pratiquer l’apiculture avant que la société ne le suggère », dit Everlides Pertuz (par l’intermédiaire d’un interprète), une habitante de la région. Depuis cinq ans, Mme Pertuz et sa famille gèrent 10 ruches implantées dans la forêt à environ une heure de marche de sa modeste demeure. « Avant l’arrivée de Cordoba, nous cherchions de l’or dans les rivières et nous menions une vie très difficile. Maintenant, nous utilisons l’argent pour acheter du beurre et du café. »

Mme Pertuz et sa famille produisent actuellement des dizaines de litres de miel, et cette activité leur rapporte plus de 350 $ US par récolte à la vente. Ils envisagent de transformer le miel en produits à plus forte valeur, comme du shampooing ou du brillant à lèvres, afin de les vendre dans de plus grandes villes.

C’est tout un défi d’obtenir et de conserver un permis social d’exploitation dans cette région de la Colombie. Bon nombre de Colombiens n’ont toujours connu que la pauvreté et la guerre civile sanglante entre les cartels de la drogue. Plus de 50 ans de conflits armés étaient sur le point de prendre fin quand le gouvernement colombien et les FARC (les Forces armées révolutionnaires de Colombie, le plus important groupe de guérilleros du pays) ont signé un accord de paix historique, mais les électeurs l’ont rejeté. Le pays est sur la voie de la paix, mais les progrès sont lents.

Les services sociaux et l’infrastructure de base se sont dégradés au cours du demi-siècle passé, notamment dans les zones rurales. La majorité des citoyens est peu ou pas scolarisée, les possibilités en matière d’emploi qui s’offrent à eux sont limitées et ils n’ont aucune épargne. Pour les villageois concernés par le projet San Matias, les débouchés éventuels se limitaient à l’agriculture de subsistance et à l’exploitation minière artisanale. Éparpillées dans la jungle entourant les villages, on trouve des plantations illégales de coca et près de 140 sites miniers informels exploités par 195 familles qui vivent de l’extraction minière traditionnelle. La pollution par le mercure est une source importante de préoccupation en matière d’environnement et de santé.

N’envoyez pas les géologues dans la première vague

Cordoba Minerals explore un grand ensemble de terres autour du gisement à faible profondeur de cuivre et d’or d’Alacran, exploité depuis au moins 20 ans par des mineurs artisanaux locaux. La société a délimité plusieurs zones connues et nouvelles de minéralisations de cuivre et d’or. À l’heure actuelle, la société dispose de quatre foreuses en activité sur ce projet et elle a signalé en juillet de l’or visible dans un trou de forage et une intersection de 42 mètres de 0,92 % de cuivre et de 0,23 g par tonne d’or (équivalent cuivre de 1,10 % à 18 mètres) dans un autre.

Lorsqu’elle a entrepris le projet en 2011, Cordoba était consciente de la situation sociale et politique. Deux ans avant qu’un géologue ne pose les pieds dans le secteur, Cordoba a envoyé une équipe de travailleurs sociaux, malgré le potentiel géologique impressionnant de la région. Même à titre de petite entreprise d’exploration, Cordoba a reconnu l’importance d’engager des discussions sérieuses avec la collectivité.

« L’une des plus grandes erreurs consiste à envoyer des géologues dans la première vague », a indiqué M. Darney Ceballos, directeur du développement durable et de la santé et sécurité au travail. « Les géologues ne disposent pas forcément des connaissances ou de la sensibilité à cet égard. »


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Dans le but d’instaurer des relations de confiance, plusieurs réunions ont été organisées pendant deux ans avec des dirigeants locaux et des familles de la région pour cerner les valeurs importantes aux yeux de ces collectivités. Au terme de longues consultations, Cordoba a appris que les collectivités avaient besoin d’emplois et de formations, de nouveaux moyens de gagner un revenu, ainsi que d’infrastructures, comme des écoles, des routes et des générateurs.

Au cours des cinq années qui se sont écoulées depuis que Cordoba a fourni pour la première fois de la formation, des vêtements et le matériel nécessaire aux ruches à 21 familles locales, le nombre de ruches maintenues par des apiculteurs locaux est passé de 15 à 82 et des centaines de litres de miel de qualité ont été produits chaque année. Cordoba s’est engagée à acheter le miel des agriculteurs à moins qu’ils puissent le vendre ailleurs à meilleur prix, et à les aider à trouver des acheteurs pour leur miel. Par ailleurs, dans le cadre du projet, Cordoba aide les enfants d’âge scolaire et les membres de la collectivité à gérer les déchets, à construire des écoles et à les doter de personnel, à réparer et à entretenir des routes, à installer des filtres à eau, des génératrices et des systèmes Wi-Fi, à construire des barrages et des ponts; elle emploie aussi des travailleurs et aide des mineurs artisanaux à « s’officialiser » (s’inscrire auprès des autorités et améliorer leurs conditions de travail et les conditions ambiantes).

Le développement économique communautaire

« La clé qui permet d’engager et de maintenir de telles initiatives sociales est de gagner leur confiance », soutient Mme Suzette McFaul, directrice générale de SEF Canada Ltd., une entreprise de Vancouver qui mène des consultations sur les projets de responsabilité sociale visant à encourager et développer des entreprises et des programmes qui obtiendront l’appui des membres des collectivités. « Regardez ce qui existe déjà dans la collectivité et fournissez-lui les outils qui permettront de transformer ces activités en des entreprises durables et économiquement viables. 

Traditionnellement, le développement économique a été marqué par des interventions du haut vers le bas, qui reposent sur des experts externes ou une direction interne », précise-t-elle. « Mais souvent, les collectivités possèdent déjà les connaissances et les ressources; ce qui leur manque, ce sont les outils qui leur permettent de les exploiter. »

Selon Mme McFaul, la crainte de faire faillite est le premier obstacle à surmonter, et elle est particulièrement fréquente chez les entrepreneurs du monde entier. Mais à la faveur de la formation de Suarez et de son prédécesseur, et du soutien de Cordoba, des subventions gouvernementales et des programmes des Nations Unies, la collectivité a pu surmonter ces craintes. M. Ceballos a des plans ambitieux pour étendre le projet d’apiculture à cent familles dans la zone d’influence de Cordoba.


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Mme McFaul et ses collègues de SEF Canada travaillent sur des projets semblables dans plusieurs pays, principalement en Amérique du Sud. En 2016, SEF Canada a lancé Clean Gold Community Solutions, un projet inspiré par l’expérience menée par l’entreprise dans la province El Oro, en Équateur, qui met en place le développement d’entreprises et la diversification économique auprès des mineurs artisanaux et de leurs communautés. L’objectif est de mener une action éducative et de favoriser les progrès technologiques en fournissant des systèmes respectueux de l’environnement dans le processus d’extraction de l’or, en augmentant les avantages et le profit des mineurs artisanaux de l’extraction minière et la protection des travailleurs, et du même coup, de leurs familles.

« Quatre-vingts pour cent des entreprises que nous avons aidé à démarrer sont toujours en activité cinq ans plus tard parce que nous écoutons les gens de la collectivité et nous leur donnons les outils et le soutien qui leur permet de bâtir des entreprises viables, plutôt que de leur dire ce qu’ils doivent faire », indique Mme McFaul.

Selon elle, les projets qui réussissent peuvent « littéralement être n’importe lesquels », et ils sont aussi diversifiés que les personnes elles-mêmes : un zoo d’insectes pour enfants, des services de transport, des aliments pour bébés, des camions-restaurants de tacos et même des vêtements pour les furets domestiques. Mme McFaul met en garde les entreprises minières et de prospection de ne pas se lancer dans le développement économique avec une idée très précise pour éviter d’investir des centaines de milliers de dollars dans un projet qui pourrait rester en veilleuse au bout de quelques mois seulement.

Un investissement mûrement réfléchi et éclairé en matière de développement économique a été bénéfique pour Cordoba de façon incommensurable. Dans d’autres parties de la Colombie, des blocus et des invasions provoqués par des mineurs artisanaux bloquent les projets. En reconnaissant l’importance d’établir des bases solides avec la collectivité, Cordoba est jusqu’à présent parvenue à éviter de telles perturbations et le projet progresse de façon satisfaisante. Des centaines d’habitants de la région sont employés par la société et occupent diverses fonctions, ou bien ils participent à des projets comme l’apiculture.

« C’était une bénédiction », affirme Maria Elena Ramos, la fille d’Everlides Pertuz. « À mesure que le projet grandit, il y a plus de travail pour les hommes, les femmes ont accès à plus d’activités sociales et créent davantage de petites entreprises et les enfants sont mieux éduqués. »

Traduit par CNW