La mine Sugar Zone est située au nord-est de White River, dans le nord-ouest de l'Ontario. Avec l'aimable autorisation de Harte Gold

Du financement initial à l’attribution de permis, rien n’aura été simple dans le cheminement jusqu’à la phase de production du projet Sugar Zone, situé dans le nord de l’Ontario. Ainsi, l’ouverture des portes de la mine (la première mine d’or à haute teneur de la province) en octobre dernier a été particulièrement émouvante pour la direction et les employés de Harte Gold.

L’exploitation, qui se trouve près de White River, devrait produire moins de 50 000 onces en 2019, mais la production annuelle augmentera progressivement pour atteindre 75 000 onces d’ici 2020 et 106 000 onces en moyenne à partir de là, à mesure qu’augmente la capacité de production. Mi-novembre, l’objectif initial de production était atteint, avec une capacité de traitement de 575 tonnes par jour (t/j), et Harte espérait atteindre la production commerciale et terminer son installation de gestion des résidus et son usine de remblai en pâte d’ici fin 2018.

Harte et son ancien partenaire Corona Gold ont commencé l’exploration à Sugar Zone il y a 20 ans, juste après le scandale de la mine d’or Bre-X qui a décimé le marché des petites sociétés minières. Ensemble, ces deux sociétés ont passé une décennie à définir une ressource à haute teneur conforme à la norme internationale NI 43-101 de près d’un million de tonnes affichant une teneur d’environ 10 grammes par tonnes (g/t) d’or. Le projet a pourtant eu du mal à prendre son envol.

En 2009, Stephen G. Roman (fils du fondateur de Denison Mines et personnalité de l’industrie minière Stephen B. Roman) a pris les rênes de Harte et a commencé à remettre de l’ordre dans les activités financières de la société. En mars 2010, Harte obtenait l’approbation pour racheter la part de 51 % de Corona dans la propriété Sugar Zone. Début 2011, la société disposait de fonds suffisants pour amorcer une campagne de forage de 10 000 mètres. En mai l’année suivante, le cours de l’or atteignait des sommets à 1 600 dollars américains l’once, et Harte publiait sa première évaluation économique pour le projet ; elle proposait une exploitation traitant 750 tonnes par jour qui produirait 66 000 onces par an sur six ans.

Accidents de parcours

La voie vers la production s’est toutefois révélée houleuse et parsemée d’embûches. Il devenait de plus en plus difficile d’obtenir le financement nécessaire à l’avancement du projet. De son niveau record à 1 900 dollars américains l’once en 2011, le cours de l’or commençait à dégringoler, entraînant l’effondrement simultané des actions de Harte Gold. À l’automne 2015, Harte lançait cependant un programme d’échantillonnage massif de 70 000 tonnes de substances minérales à Sugar Zone, que la société a transportées par camion pour leur traitement à l’exploitation Hemlo de Barrick à 60 kilomètres (km) à l’ouest ; elle obtenait également un prêt d’or allant jusqu’à 6 millions de dollars américains. Cette activité a attiré l’attention de la société de capital-investissement britannique Appian Capital.

« Notre société a vraiment passé un tournant lorsque Appian nous a rendu visite en 2016 ; elle trouvait intéressante notre façon de chercher le corps minéralisé, et nous a fait une proposition de financement. Ce sont les 25 millions de dollars que nous a prêtés Appian initialement qui ont véritablement contribué à l’essor de notre programme ; ils nous ont permis d’intensifier le forage et le développement et d’attirer l’attention du marché », expliquait M. Roman, président et chef de la direction de Harte. « Appian aimait notre idée de parvenir rapidement à la phase de production du projet et n’était pas uniquement axée sur la réalisation par notre équipe d’une étude de faisabilité négociable en banque. »

2018 marquait une autre année importante pour le projet. Un programme d’exploration agressif lancé en 2017 a permis à Harte de tripler ces ressources au gisement de 500 000 onces à 1,5 million d’onces (2,6 millions de tonnes à une teneur de 8,52 g/t d’or en ressources indiquées, et 3,6 millions de tonnes à une teneur de 6,59 g/t d’or en ressources présumées). Une évaluation économique préliminaire (EEP) indiquait que Sugar Zone présente une valeur actualisée nette de 244 millions de dollars et un taux de rentabilité interne de 42 % (après déduction des impôts) pour un prix de l’or à 1 250 dollars américains l’once, et un coût en capital sur la durée de vie de la mine de 280 millions de dollars, dont 176 millions de dollars destinés au développement souterrain. Cette petite société minière a également obtenu un financement par emprunt de 70 millions de dollars américains auprès d’Appian et de Sprott Resource Lending.

Lorsque Harte a obtenu ses derniers permis d’exploitation en septembre 2018, la société a tout mis en œuvre pour atteindre rapidement la production commerciale avant la fin de l’année. La société Technica Mining de Sudbury, qui s’occupait de l’extraction des échantillons industriels en 2015, a développé la descenderie souterraine ainsi que les premiers chantiers et monteries de ventilation. Redpath Canada a obtenu le contrat d’exploitation minière commerciale pour les deux années à venir ; la société Halyard a quant à elle construit l’usine de remblai en pâte et le concentrateur, qui inclut des fonctionnalités de récupération par gravité et de flottation, afin de récupérer 90 % de l’or.


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Pour obtenir le feu vert du gouvernement, expliquait M. Roman, il aura cependant fallu des années de patience ainsi que de nombreux permis, dont beaucoup ont été retardés. Harte a finalement décidé de limiter sa capacité de traitement à moins de 600 tonnes par jour, de manière à ce que la mine devienne opérationnelle avec des permis provinciaux uniquement, tout en générant un flux net de trésorerie avant de développer l’exploitation.

Projets d'agrandissement

D’après l’EEP réalisée par P&E Mining Consultants, le développement sera progressif ; il commencera par 540 tonnes par jour (t/j) pour augmenter à 800 t/j en 2020 et atteindre 1 400 t/j d’ici 2021 à mesure que les ressources du chantier Middle Zone sont intégrées dans le plan de mine. Le circuit par gravité permet de transformer la majeure partie de l’or en lingots d’or sur place, mais les concentrés de sulfure obtenus par flottation doivent actuellement être traités sur un autre site.

L’or qui n’est pas récupéré dans le circuit de traitement par gravité à la mine est transporté par camion sous forme de concentré à la fonderie Horne à Rouyn-Noranda, au Québec, pour son traitement ultérieur. Avec l'aimable autorisation de Harte Gold« Nous devons envoyer le concentré à un tiers (la fonderie Horne de Glencore à Rouyn-Noranda, au Québec), aussi nous souhaitons obtenir un permis (fédéral) pour mener notre production jusqu’à 1 400 t/j et ajouter un circuit de lixiviation par cyanuration », déclarait M. Roman. « Si toutefois nous avions essayé de procéder ainsi dès le début, il nous aurait fallu plus de cinq années pour y parvenir. »

La conclusion d’une entente sur les répercussions et avantages (ERA) avec les groupes de Premières Nations dans la région a également pris beaucoup de temps. « Le gouvernement a ouvert la boîte de Pandore et ne nous donne aucune règle à suivre », expliquait M. Roman quant aux obligations de l’industrie envers les groupes autochtones. « La structure doit être remise à jour et inclure des lignes directrices qui refléteront ce que les sociétés et les Premières Nations s’efforcent d’atteindre. Il convient d’y intégrer une échéance de manière à ce que les entrepreneurs et les employés ne restent pas là à ne rien faire. »

En mai 2018, Harte a signé une ERA avec la Première Nation de Pic Mobert qui propose une participation aux bénéfices nets de 4 % et donne la possibilité d’acheter 500 000 actions ordinaires de Harte au prix de 0,40 dollar pour une période de cinq ans. Le suivi environnemental fait l’objet d’une entente distincte de la société avec la Première Nation de Pic River.


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La durée de vie de Sugar Zone est de 11 ans ; la mine emploie environ 200 personnes des communautés environnantes de White River, Hornepayne, Matheson et Wawa. La société a construit des logements temporaires dotés d’une cuisine centrale à White River, et met à disposition de ses employés un service de transport par bus au départ et à destination du site minier, situé à 25 kilomètres au nord-est.

Harte a choisi d’utiliser la méthode d’exploitation rabattante à longs trous par retrait longitudinal pour un coût d’exploitation total de 128 dollars par tonne traitée. La société souhaite exploiter en premier lieu les chantiers des descenderies Nord et Sud de Sugar Zone à plus faible teneur avant d’atteindre les chantiers à plus haute teneur situés plus bas, de manière à ce que la teneur diluée les 18 premiers mois de la production soit de 5,5 g/t.

Sugar Zone est un gisement aurifère mésothermal situé dans la zone de cisaillement au sein de la ceinture de roches vertes de Dayohessarah. L’or est associé à une altération de silice/sulfure/potasse, et apparaît dans les filons et filonnets de quartz associés de manière prédominante à des filons-couches de porphyre, des zones de contact et des métavolcanites mafiques.

Au début de l’année prochaine, Harte publiera une nouvelle estimation des ressources pour Sugar Zone et continuera l’exploration afin d’accroître les zones connues de minéralisation et de trouver de nouvelles poches le long de l’enveloppe foncière de 83 850 hectares, à cheval sur la ceinture. La société a récemment commencé à forer à environ 1 500 mètres en dessous de la surface (soit 500 mètres plus bas que pour les ressources présumées actuelles de Sugar Zone) pour tester la continuité de la minéralisation en aval-pendage.

M. Roman compare la géologie de Sugar Zone au gisement Hemlo et à d’autres gisements de l’ouest de l’Abitibi, où les exploitants commençaient l’extraction de colonnes minéralisées en surface avant de trouver du minerai à plus haute teneur bien plus profond. « Le forage de trous profonds est très coûteux, mais nous nous efforcerons de minimiser les coûts en utilisant la [polarisation provoquée (ou induite)] en fond de trous et la géologie structurale. »

Sugar Zone donnera au nord de l’Ontario une impulsion économique dont la région a grand besoin, et a le potentiel de se développer considérablement dans les années à venir ; cependant, la voie vers le développement requiert une persévérance exceptionnelle. Lorsque Harte a finalement ouvert ses portes le 24 octobre 2018, le Premier ministre Doug Ford a déclaré qu’il s’agissait d’un « signe au monde entier que l’Ontario est ouvert aux affaires ». Pour M. Roman, ceci ne constitue toutefois qu’une étape durement remportée en vue de libérer le plein potentiel du projet.