Le projet de Teck financé par TDDC dans l'optique d'éliminer la fusion en plaçant les affineries à proximité de gisements de cuivre à forte teneur en arsenic imposera des travaux sur le site de l'autoclave de son usine pilote CESL. Avec l'aimable autorisation de Teck

La fondation autonome Technologies du développement durable Canada (TDDC) a récemment annoncé l'octroi d'un financement de 206 millions $ visant à soutenir 36 projets de technologies propres au Canada, dont quatre projets menés par les sociétés minières Alliance Magnesium, Avalon Advanced Materials, Quest Rare Minerals et Teck Resources. Navdeep Bains, ministre de l'innovation, des sciences et du développement économique, a annoncé début mars l'octroi de ce financement à la TDDC.

En 15 ans, la fondation TDDC a financé plus de 300 projets. Si seulement 10 projets (totalisant 40 millions $) émanaient du secteur minier, quatre des candidats retenus cette année sont issus de l'industrie minière et montrent bien l'intérêt croissant dont fait preuve ce secteur. « C'est un secteur dans lequel nous souhaitons nous impliquer davantage », déclarait Leah Lawrence, présidente et directrice générale de TDDC. « [L'industrie] reconnaît l'importance d'intégrer la durabilité dans l'exploitation minière. Nous sommes en présence de chefs de file dynamiques dans ce domaine, et commençons à gagner du terrain. »

En matière de projets miniers, la fondation TDDC accorde la priorité à plusieurs domaines d'investissement. L'un d'eux, qui n'est pas représenté dans les projets retenus cette année, est l'exploitation minière intelligente, ou l'application des données au processus minier.

Un deuxième domaine d'intérêt concerne les tentatives d'éliminer la méthode de fusion en procédant à l'affinage près des gisements, une approche adoptée par Teck qui cherche à installer des affineries à proximité des gisements de cuivre à haute teneur en arsenic. « L'affinage sur place ou près des mines semble être une évidence des points de vue du coût, de l'environnement et de la durabilité », déclarait Keith Mayhew, directeur des opérations CESL de la société. Teck a fait équipe avec la société allemande d'affinage Aurubis en vue de développer une nouvelle technologie permettant de traiter les concentrés de manière hydrométallurgique plutôt qu'en ayant recours à la fusion, laquelle sera testée dans une usine pilote de deux ans à Richmond, en Colombie-Britannique.

Les gisements de cuivre à haute teneur deviennent rares, aussi les sociétés se tournent de plus en plus vers des gisements à faibles teneurs qui contiennent souvent des niveaux élevés d'arsenic. « On prévoit une augmentation considérable de la quantité de concentrés de cuivre contenant de l'arsenic », indiquait M. Mayhew, « et les fonderies ne sont malheureusement pas vraiment conçues pour supporter des matériaux à forte teneur en arsenic ».

Le procédé utilisé par Teck consiste à extraire le cuivre à des niveaux plus élevés que ce que permettent les fonderies, et simultanément il stabilise l'arsenic dans le résidu. Il ne génère aucune des émissions de dioxyde de soufre ou d'arsenic propres à la fusion, et réduit considérablement la consommation d'énergie et d'eau.

Le troisième domaine d'investissement prioritaire de la fondation TDDC concerne le recyclage des déchets en produits, semblable au procédé développé par Alliance pour réhabiliter les résidus d'amiante afin de produire du magnésium. Alliance modernise l'ancienne usine Magnola à Asbestos, au Québec, et améliore les procédés hydrométallurgiques et électrolytiques utilisés à l'usine par Noranda de 2000 à 2003. Le financement octroyé par la TDDC contribuera à tester les autres améliorations à apporter à cette technique dans l'optique de produire 50 000 tonnes d'ici 2017, la pleine capacité de production étant prévue peu de temps après.

Ce procédé remplacera la méthode thermique Pidgeon utilisée en Chine, le plus gros pays producteur primaire de magnésium au monde. Le procédé Pidgeon tel qu'on l'utilise aujourd'hui repose énormément sur l'énergie tirée du charbon et ses émissions de CO2 sont conséquentes, expliquait Joël Fournier, président et directeur général d'Alliance. « C'est aussi un procédé très coûteux car il requiert une grande quantité d'énergie, cinq fois la quantité requise par l'électrolyse. » Le procédé utilisé par Alliance réduit considérablement les émissions de CO2 et élimine pratiquement toutes les émissions restantes par le biais du captage du dioxyde de carbone.

Les avantages en aval sont également intéressants ; la demande en magnésium augmente, émanant principalement du secteur automobile qui cherche à améliorer le rendement des carburants et à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) en diminuant le poids du véhicule. Le magnésium est une option plus légère que les métaux utilisés traditionnellement par l'industrie des transports et de l'aérospatiale, par exemple l'acier.

La fondation TDDC s'intéresse également aux projets dédiées aux terres rares, qu'elle souhaite soutenir. « Nous apprécions ces projets car ils soutiennent la chaîne de valeur de nombreuses autres initiatives que nous finançons (DEL, panneaux solaires ou aimants plus puissants), tous ces projets qui promeuvent les technologies propres et les énergies renouvelables », indiquait Mme Lawrence. « C'est un domaine dans lequel le Canada peut, selon nous, jouer un rôle important et devenir, qui sait, le chef de file au niveau mondial. »

La Chine domine le marché des terres rares, notamment celles indispensables aux technologies propres telles que le dysprosium, le terbium, l'europium, le néodyme et l'yttrium, qui sont déjà limitées. Le projet Strange Lake de Quest dans le nord du Québec pourrait bien changer la donne. « On trouve à Strange Lake l'une des plus fortes concentrations au monde de terres rares présentant un intérêt du point de vue environnemental », déclarait Dirk Naumann, président de Quest. « Les possibilités en aval sont immenses. La quantité de ressources dont on dispose à Strange Lake nous permettra d'exploiter ce projet sur 150 ans, à un taux de 10 000 tonnes par an. »

L'extraction des terres rares consomme beaucoup d'énergie et génère de grandes quantités de déchets. M. Naumann, ingénieur chimiste de métier, a rejoint le projet pour reconcevoir le procédé en l'adaptant à l'usine Bécancour de Quest. « J'en suis revenu aux notions de base de la physique et la chimie, et ai éliminé de nombreuses étapes du procédé qui me semblaient inutiles », indiquait-il.

Le procédé de sulfatation sélective thermique (STS, de l'anglais Selective Thermal Sulphation) qui en a résulté utilise la chaleur et non les substances chimiques pour trier les impuretés. Les températures élevées décomposent tous les sulfates de métaux autres que les terres rares en composants insolubles, et les terres rares restantes se dissolvent dans l'eau. L'acide sulfurique servant au traitement est réutilisé et non pas neutralisé avec du calcium, procédé qui génère généralement de grandes quantités de résidus solides. Ceci se traduit par bien moins de résidus et d'émissions de GES, ainsi que par une réduction de deux tiers des coûts d'investissements. « Par rapport aux estimations de notre étude de préfaisabilité, la quantité de résidus à Bécancour ne dépassera pas 15 % », indiquait M. Naumann.

Avalon a également obtenu un financement pour son projet Nechalacho sur les terres rares dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) ; cependant, en raison de la conjoncture économique actuelle, le projet a été gelé et le financement reporté. Avalon cherche à recycler les substances chimiques qu'elle utilise dans le processus de récupération, réduisant ainsi les résidus ainsi que les émissions de GES.

« Nous sommes heureux de voir que TDDC reconnaît l'importance de l'innovation dans le domaine de la métallurgie extractive pour le développement durable, et que nombre de ces métaux et minéraux spéciaux tels que les terres rares sont indispensables à la majeure partie des technologies propres », déclarait Don Bubar, président et directeur général d'Avalon. « C'est très encourageant de voir que certains reconnaissent ce point et soutiennent l'innovation dans ce secteur. »

Ceci vient prouver que contrairement à ce que l'on peut croire, l'industrie minière se renouvelle et innove, indiquait M. Bubar. « Beaucoup de changements se produisent ; et on finit par obtenir une certaine reconnaissance. » 

Traduit par Karen Rolland