Un procédé innovant visant à développer le gisement de minerai de fer et de vanadium de Clear Hills, dans le nord-ouest de l'Alberta, devrait permettre l'extraction de 300 milliards de tonnes de fer se trouvant dans des gisements similaires de minerai de fer oolithique à l'échelle mondiale. Si l'on trouve des gisements de minerai de fer oolithique dans de nombreux pays, dont la Chine, l'Algérie, la Russie et le Canada, il n'a jusqu'à présent pas été possible de les exploiter à l'échelle commerciale. Ironstone Resources Ltd. et Hatch Ltd. espèrent pouvoir remédier à ce problème grâce à une nouvelle technique de valorisation du fer permettant de produire du fer de réduction directe (FRD) à partir des gisements oolithiques ; cette technique a été baptisée le procédé Hatch-Ironstone de ségrégation du chlorure (Hatch-Ironstone Chloride Segregation process, ou HICS).

Ironstone Resources a été fondée et constituée en société en 2007 dans l'optique d'exploiter l'immense potentiel de Clear Hills, qu'elle avait acquis cette même année. Malgré des activités considérables d'exploration et de forage sur le gisement dans les années 1950 et au début des années 1960, ce dernier est resté inexploité pendant près de 50 ans. Dans les années 1960 et 1970, l'Alberta Research Council (ARC, le conseil de recherche de l'Alberta) s'était même intéressé au procédé de ségrégation du chlorure comme moyen d'exploiter les ressources et avait breveté certaines de ses avancées (telles que le « procédé d'élargissement des particules ». Cependant, les recherches n'ont jamais dépassé le stade des études en laboratoire. Comme l'explique Barry Caplan, directeur général d'Ironstone, le développement du gisement n'avait à l'époque pas de sens du point de vue financier. « À l'époque, les concentrés de fer se vendaient à 30 $ la tonne, aussi ce procédé n'était pas intéressant du point de vue économique car de nombreux gisements riches en fer d'Australie et du Brésil arrivaient sur le marché et faisaient de l'ombre au développement à Clear Hills. »

Conscient des recherches qui avaient été menées antérieurement et de l'expiration des brevets de l'ARC, Ironstone a pu collaborer avec les premiers chercheurs et a embauché dès le début comme conseiller l'ancien chargé de projet Ed Bertram. Ironstone est ensuite partie à la recherche de partenaires qui l'aideraient à développer un procédé commercial, et a finalement opté début 2011 pour la société Hatch, basée à Mississauga.

Le succès du développement des techniques de ségrégation du chlorure à petite échelle en laboratoire varie grandement pour des gisements latéritiques de nickel, mais l'adaptation de cette technologie au minerai de fer représente une étape importante et innovante. Comme le fait remarquer Victor Hernandez-Avila, spécialiste des procédés chez Hatch, les obstacles au développement commercial de cette méthode portaient essentiellement sur le processus technique et non sur la chimie. « [Le problème] ne concernait pas la chimie, mais [plutôt] la mise en œuvre commerciale de cette chimie », explique-t-il. Un article auxquels ont contribué des employés de Hatch et d'Ironstone, présenté lors de la conférence des métallurgistes cette année, réitère ce point et fait remarquer que « l'on comprend remarquablement bien la chimie et la thermodynamique fondamentales du procédé de ségrégation du chlorure. C'est l'application de ces connaissances en vue de développer un procédé commercial permettant d'extraire [du nickel, du cuivre ou du fer] qui pose problème ».

La complexité des gisements oolithiques

Mis à part les expéditions expérimentales occasionnelles, la plupart des gisements de fer oolithiques n'ont pas fait l'objet de beaucoup d'attention et ce, pour une bonne raison. Ces gisements présentent un certain nombre de caractéristiques complexes qui rendent inadéquates les méthodes traditionnelles de valorisation du fer (ou même de réduction directe) à plusieurs égards. Tout d'abord, la faible concentration de fer et les niveaux relativement élevés de silice et de phosphore rendent les techniques traditionnelles inutilisables. La minéralogie du fer oolithique est souvent non magnétique, aussi on ne peut obtenir de concentré par séparation magnétique. Ensuite, les minéraux qui contiennent du fer sont extrêmement fins et sont répartis de manière aléatoire dans les oolites ; ainsi, même après avoir effectué le micro-broyage nécessaire pour les séparer, ils ne peuvent être concentrés par flottation. Enfin, une fraction importante du phosphore fait partie du cristal ferrifère, aussi les moyens mécaniques de séparation ne peuvent être utilisés. « La teneur en fer est faible, et la teneur en silice, de même que celle en phosphore, sont trop élevés », résume M. Hernandez-Avila.

La solution

Le HICS est un procédé pyrométallurgique qui permet de transformer par réduction directe du minerai de fer en un produit constitué à 90 % de fer métallique. Ce procédé consiste à former un chlorure de fer par volatilisation du fer et séparation du phosphore et des déchets (lesquels pourraient contenir d'autres minéraux à valeur commerciale tels que du vanadium). Une réaction avec le carbone (par l'ajout de charbon) réduit le chlorure de fer en fer métallique.

Le procédé HICS fonctionne à 80 % grâce à la technologie conventionnelle de FRD. Les deux premières étapes du procédé HICS (qui en comprend cinq au total), à savoir la préparation et la calcination du minerai, dépendent en effet entièrement de la technologie classique et de la chaleur résiduelle générée lors des dernières étapes. La troisième étape, décrite comme « le cœur du procédé » par Liam Murphy, géologue chez Ironstone, concerne la ségrégation du chlorure, et implique, comme il l'explique, l'utilisation d'un certain équipement sur mesure, dont un four spécialement conçu à cet effet. Une fois que le fer est transformé sous sa forme métallique, il est concentré par des séparateurs magnétiques lors de la quatrième étape (étape à laquelle on peut extraire des rejets restants des sous-produits tels que du vanadium). À la dernière étape, il est aggloméré en fer briqueté à chaud.

Hatch a ouvert la voie, et les partenaires collaborent avec deux usines d'essais aux États-Unis, à savoir Hazen Research Inc. à Golden, dans le Colorado, et FLSmidth à Bethlehem, en Pennsylvanie. À ce jour, le procédé HICS a été testé à l'échelle du laboratoire, et les essais se sont récemment terminés à Hazen, avec un traitement à quatre kilogrammes par heure (kg/h). Les résultats, explique M. Hernandez-Avila, se sont avérés encourageants. « Nous avons obtenu de très bons résultats. » L'équipe se penche maintenant sur les installations de FLSmidth dans l'optique de commencer des essais pilotes sur un équipement modulable à l'échelle commerciale. Au cours de l'année à venir, elle souhaite accélérer les essais pour atteindre 100 kg/h. Avec ces informations en main, toute l'équipe souhaite attirer davantage d'investissement et présenter le procédé à l'échelle commerciale dans une usine de démonstration pilote située au sud de Clear Hills à Hines Creek, en Alberta. À ce jour, quelque 30 millions $ ont été investis dans le projet, et 50 millions $ supplémentaires seront nécessaires pour procéder à la phase de démonstration. D'après les estimations, les dépenses en immobilisations totales pour commencer la production à Clear Hills qui, l'espère Ironstone, devrait être opérationnelle d'ici les cinq prochaines années, s'élèvent à 1,75 milliard $.

L'aspect économique

Étant donné le prix relativement bas du fer, ce n'est pas la meilleure époque pour investir dans cette technologie. Hatch et Ironstone établissent cependant une vision à long terme et souhaitent être prêts lorsque les gisements de minerai de fer de bonne qualité s'épuiseront et d'autres gisements plus complexes feront leur entrée en scène. « Si nous ne nous y attelons pas dès maintenant, nous ne disposerons pas de la technologie adéquate pour traiter les ressources lorsqu'elles seront épuisées », explique M. Hernandez-Avila.

En ce qui concerne le gisement de Clear Hills, Ironstone est convaincu de la profitabilité du projet pour plusieurs raisons. La mine affiche un cycle de production minimal de 50 ans et Ironstone souhaite extraire 2,5 millions de tonnes par année à plein rendement de fer briqueté à chaud, une sorte de déchet de fonte qui se vend aujourd'hui à environ 450 $ la tonne. La société pourrait aussi produire jusqu'à 20 millions de livres de pentoxyde de vanadium chaque année sous forme de paillette ou d'électrolyte, ce qui ferait d'Ironstone l'un des plus grands producteurs de vanadium du continent. En outre, l'équipe d'Ironstone espère pouvoir capter suffisamment de chaleur résiduelle pour pouvoir revendre au réseau électrique environ 500 mégawatts d'électricité et l'utiliser pour alimenter ses propres activités. Un gisement de charbon se trouve également à proximité du site, ce qui pourrait permettre de réaliser d'autres économies étant donné que le procédé requiert du charbon. « Cette entreprise sera très profitable car nous pouvons réduire nos dépenses d'exploitation et vendre deux produits de très grande valeur », indique M. Caplan.

Bien entendu, Ironstone et Hatch prévoient d'obtenir les autorisations nécessaires pour le procédé, et Hatch mène une importante campagne de commercialisation. Les deux sociétés ont convenu de partager les droits de propriété intellectuelle du procédé HICS à 50/50, et FLSmidth détiendra les droits relatifs à tout équipement conçu sur mesure par ses soins pour le procédé. Les sociétés ont déjà engagé le débat avec certaines parties intéressées et s'attendent à ce que les choses prennent forme une fois que les essais à l'échelle commerciale se termineront à FLSmidth. « Nous sommes très encouragés par la qualité du travail et très impressionnés des résultats obtenus à ce jour », indique M. Caplan. « C'est sans hésitation que l'on peut dire que [Hatch a dépassé] nos attentes initiales. »

Traduit par Karen Rolland