Malgré la vague d’opérations attendue, les fusions et acquisitions dans le secteur minier se sont révélées plus modérées que prévu en 2019. Avec l’aimable autorisation de Kirkland Lake Gold

La fusion amicale à la fin décembre d’Equinox Gold et de Leagold Mining Corp. a clôturé une année de fusions et acquisitions (F&A) importantes dans le secteur minier, qui ont entraîné des changements de propriétaires pour de nombreux actifs ; parallèlement, les sociétés d’exploitation aurifère ont essayé de se développer, d’accéder à de nouvelles réserves et de faire face à une réduction du nombre d’investisseurs.

L’année a commencé par l’acquisition très remarquée par Newmont de Goldcorp Inc. pour la modique somme de 10 milliards de dollars américains, peu de temps après la fusion par échanges d’actions de Barrick Gold avec Randgold Resources en 2018, alors que les observateurs de l’industrie spéculaient sur la vague de négociations à venir. D’après les experts, si le nombre de transactions était finalement plus modéré que prévu, l’année 2019 a montré que les producteurs d’or ont tiré des enseignements des transactions mal pensées du passé.

« Le genre de F&A [auquel on a assisté] est prudent et conservateur pour la plupart, sans grosses primes ; on a observé beaucoup de transactions boursières ainsi que de réflexions et de prises de conscience de ce que les actionnaires avaient prédit lors du dernier cycle », indiquait Michael Amm, associé à Torys LLP et codirigeant du groupe Mines et métaux de la société.

Ceci contraste clairement avec 2011, le dernier pic de F&A de l’industrie minière, lorsque le prix de l’or avait atteint 1 900 dollars et plusieurs sociétés s’étaient lancées dans des transactions qui leur avaient laissé entre les mains, outre un fardeau considérable de dettes, des actifs n’ayant une valeur économique que dans un contexte où le prix de l’or était à son comble. « Beaucoup d’acquéreurs avaient payé le prix fort et s’étaient montrés trop agressifs, le climat était à l’annulation de dettes élevées et au manque de profitabilité », indiquait M. Amm.

Comme le montre une analyse de M. Amm et de Michael Pickersgill, second codirigeant du groupe Mines et métaux de Tory, malgré tout le battage qu’a connu le secteur durant l’année, les transactions des neuf premiers mois de 2019 ne se sont pas montrées à la hauteur. La valeur des transactions relatives aux F&A durant cette période était de 40 % inférieure à celle de la même période en 2018. Par rapport à 2011, la valeur des transactions était quatre fois inférieure.

Selon une autre analyse de fin d’exercice réalisée par le cabinet d’avocats Osler, Hoskin et Harcourt LLP, « pendant la majeure partie de l’année, l’activité en matière de F&A... était matériellement à la baisse par rapport aux années précédentes, et la consolidation intermédiaire attendue restait difficile à atteindre malgré une remontée de l’activité aurifère en fin d’année ».

Cette remontée a permis à Kirkland Lake Gold d’acquérir Detour Gold pour la somme de 4,9 milliards de dollars, et à Newmont de céder deux de ses mines à des producteurs australiens (le complexe Red Lake à Evolution Mining pour 375 millions de dollars américains, et sa part dans la mine Super Pit de Kalgoorlie à Northern Star pour 800 millions de dollars américains). La gigantesque société d’exploitation aurifère chinoise Zijin Mining n’a fait qu’une bouchée de Continental Gold pour la somme de 1,3 milliard de dollars. Teranga Gold a acheté la part de 90 % de Barrick dans le projet Massawa pour 380 millions de dollars américains, avec un paiement conditionnel de 50 millions de dollars américains ; enfin, Equinox et Leagold ont fusionné.


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« Selon moi, si l’on observe les décisions prises quant au développement de nouveaux projets, aux entreprises communes et aux acquisitions, ce sont des types de transactions intelligentes créant de la valeur pour les actionnaires qui seront amorties pour toutes les parties prenantes sur le moyen à long terme », déclarait Richard Young, directeur général de Teranga Gold. « On observe beaucoup de F&A sensées, des fusions sans primes, puis des transactions comme les nôtres, qui tombent sous le sens. »

Depuis des années, la demande et les conditions favorables pour les opérations de F&A augmentent, notamment au vu de la hausse des prix de l’or, de la diminution des réserves et du nombre trop important de sociétés, mais l’activité est contrariée par le problème collectif dont souffrent les sociétés et les actionnaires depuis la frénésie de 2011 en matière de négociations.

« Les conditions semblaient être mûres pour la F&A », déclarait Omar Jabara, directeur des communications de l’entreprise à Newmont, « [mais] beaucoup de sociétés pansaient encore leurs plaies à l’époque car elles s’étaient trop diversifiées ».

Si les sociétés se sont efforcées dans les années intermédiaires d’effacer les dettes de leurs bilans et de renforcer leur position, le contexte de l’investissement dans le secteur minier a changé et nombre de sociétés courent après un nombre décroissant d’investisseurs et de fonds.

« Si l’on devait revenir en arrière pour voir qui investissait dans les ressources il y a 5 ou 10 ans et comparer cette époque à la situation actuelle, on constaterait probablement que 75 % des investisseurs ont disparu ou que les fonds ont été requalifiés en des fonds à portée différente », indiquait Kerry Smith, vice-président, analyste principal spécialisé dans l’exploitation minière et directeur de Haywood Securities. « On observe un investissement très modéré dans le secteur aurifère ou minier de manière générale, mais il reste toutefois bien inférieur à ce qu’il était. »

M. Smith attribue ce déclin à la hausse de popularité des fonds négociés en bourse (FNB) gérés passivement, lesquels offrent aux investisseurs un plus grand choix d’investissements et une alternative moins coûteuse aux fonds communs. D’après le sondage de mai 2019 auprès des directeurs d’actifs canadiens mené par Greenwich Associates, les investisseurs institutionnels se tournent toujours plus vers les FNB pour diverses raisons, notamment en tant qu’allocation principale, pour la diversification internationale ou pour des raisons de liquidité, ou encore comme stratégie de gestion des risques. Il est intéressant de noter que 41 % des personnes interrogées dans le sondage utilisaient les FNB pour remplacer des fonds communs actifs dans leurs portefeuilles.

« La plupart des investisseurs ont désormais des FNB et, s’ils sont propriétaires d’une action, ils n’en ont qu’une ou deux », indiquait M. Smith. « Les titres à faible capitalisation ne les intéressent pas ; ils seront plutôt tournés vers les titres à forte capitalisation. La taille a toute son importance. »

Mark Bristow, directeur général de Barrick, l’avait d’ailleurs déjà expliqué lorsque sa société avait fait une offre publique d’achat (OPA) hostile pour Newmont en février. Lors d’une conférence téléphonique avec les investisseurs à l’époque, M. Bristow expliquait que le fait d’être une grande société était un facteur important dans la réussite des producteurs d’or.

« De fait, nous voulons vraiment attirer des non-spécialistes dans l’industrie », indiquait-il. « Nous voulons être pertinents. »

M. Smith expliquait qu’actuellement, seuls quelques acteurs de l’industrie minière disposent de la capitalisation boursière nécessaire pour attirer les investissements des non-spécialistes, et citait Newmont, Barrick, Agnico Eagle, Newcrest Mining d’Australie et Franco-Nevada. Les sociétés considérées comme de grands acteurs du secteur durant le dernier cycle, ajoutait-il, ne le sont plus aujourd’hui. Pour cette raison, M. Smith déclarait qu’il s’attendait à continuer à voir des transactions au niveau des sociétés intermédiaires et à faible capitalisation.

Mis à part l’acquisition controversée par Pala Investment de Cobalt 27 pour 4 dollars l’action, le rachat par Impala Platinum Holdings de North American Palladium pour la somme d’un milliard de dollars en décembre, et la participation majoritaire de Newcrest dans la mine de cuivre et d’or Red Chris d’Imperial Metals en mars, la vaste majorité des transactions ont eu lieu dans le domaine de l’or. Ceci s’explique en grande partie par les prix « stagnants » des métaux communs, associé au même conservatisme dont ont fait preuve les producteurs d’or, indiquait M. Amm.

« Cette prudence et ce conservatisme sont indissociables des bas prix des métaux », indiquait-il. « Tant que cette situation perdure, il est peu probable que l’on assiste à des changements sur le court terme. »