Vous les connaissez sans doute mieux sous le terme d’études de faisabilité ; pourtant, le véritable objet de ces études est d’obtenir l’approbation nécessaire pour un projet, et non de déterminer si ce projet est faisable ; sauf, bien entendu, si les membres de votre conseil d’administration considèrent que les termes faisable et acceptable sont synonymes.

Pourquoi les projets d’investissement dépassent-ils leur budget et ne respectent-ils pas leur calendrier ? Tout d’abord, il convient d’admettre que cette tendance généralisée pour les projets d’investissement ne se limite pas au secteur minier, mais touche tous les secteurs de l’économie mondiale. Dans une étude internationale de 2015 dédiée aux mégaprojets, Matti Siemiatycki étudiait 258 grands projets de construction dans 20 pays au cours des 70 dernières années. Neuf projets sur dix connaissent des dépassements budgétaires, de 28 % en moyenne. Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas une nouvelle tendance, mais plutôt une situation que l’on rencontre depuis de nombreuses années, sans pour autant la gérer.

La bonne nouvelle, cependant, est que la sécurité des projets d’investissement s’est largement améliorée tous secteurs confondus, et elle s’accompagne notamment de changements très positifs au fil des ans dans notre industrie. Bon travail pour le secteur minier !

Dans son étude, M. Siemiatycki identifie les mesures généralement prises face aux enjeux que posent les projets d’investissement, à savoir le suivi des performances, les mesures d’incitation, la formation aux compétences en matière de gestion de projet, les prévisions plus précises et les partenariats. Toutefois, malgré toutes les bonnes intentions et les efforts déployés pour mettre en application ces solutions traditionnelles, les projets se trouvent souvent confrontés à des dépassements budgétaires et à un calendrier non respecté. Tous ont un dénominateur commun : les personnes qui les composent.

Dans son ouvrage Thinking Fast and Slow, Daniel Kahneman met en avant un certain nombre de processus de réflexion et de préjugés propres à tous les êtres humains (certains plus que d’autres). Nous avons tendance, par exemple, à généraliser en nous fondant sur bien trop peu d’informations. L’un des processus qui ressort tout particulièrement de ce phénomène est celui de « l’erreur de planification », à savoir notre tendance en tant qu’humains à établir des prévisions bien trop optimistes pour des résultats peu réalistes se rapprochant des cas de figure les meilleurs. En d’autres termes, comme j’aime à le dire, on sous-estime la sous-estimation.

Pour paraphraser Léon Tolstoï, nous voulons tous que le monde change, mais refusons nous-mêmes de changer. Une question fondamentale en ce qui concerne les projets d’investissement est de savoir si nous devons continuer à agir comme nous l’avons toujours fait en nous efforçant de mieux faire, ou si nous devons faire les choses différemment.

Il est peut-être temps pour nous d’accorder une plus grande attention aux aspects comportementaux du développement et de l’exécution des projets d’investissement. Pensez-vous qu’une telle approche soit faisable, et est-elle acceptable ?

Traduit par Karen Rolland