Moises Castillo inspecte un panneau de fermeture de benne creusante fabriqué à la mine Peñasquito de Goldcorp au Mexique | Avec l'aimable autorisation de Goldcorp

Depuis son entrée en production en 2010, la mine Peñasquito de Goldcorp opère quatre pelles excavatrices électriques Bucyrus 495 –un mastodonte de près de 1500 tonnes capable de ramasser 100 tonnes de roche en une seule pelletée. Dans l’état aride de Zacatecas, au centre-nord du Mexique, peu d’employés locaux peuvent se targuer d’avoir déjà vu une bête aussi énorme. Son entretien est rapidement devenu un défi majeur pour le département de soudure, peu familier de la plupart de ses composantes.

À l’origine, c’est surtout le point de contact du Bucyrus 495 qui stressait les soudeurs de Peñasquito. Le fond de la benne consiste en une gigantesque trappe dont le couvercle tend à se fracturer prématurément. Or, sa taille rend la manipulation malaisée : la pièce pèse à elle seule quelque 8 tonnes et fait 5 mètres de long sur 5,5 mètres de large.

« On ne connaissait pas ces composantes », admet Moises Castillo, assistant du superviseur à l’atelier de soudure. « Des fractures apparaissaient qui nous ont rapidement inquiétés. » La première année de production, les excavatrices devaient être arrêtées pour permettre aux soudeurs de réparer les craques sur le chantier. Ces interruptions s’avéraient coûteuses. « Nous devions arrêter les opérations jusqu’à 10 heures de temps, un quart de travail complet parfois, avec plusieurs soudeurs sur le site », se souvient M. Castillo.

Un maillon faible

Les administrateurs de la mine craignaient comme la peste ces interruptions dans les opérations. Aussi commandèrent-ils rapidement une trappe neuve à l’usine de Bucyrus à Milwaukee. La commande était coûteuse : la pièce seule vaut 600 000$ US.

Il devint vite évident qu’une seule trappe de remplacement ne règlerait pas le problème. L’atelier de soudure compte 103 techniciens, répartis sur trois quarts de travail. Une seule fissure dans le panneau en mobilise quatre pour une durée indéterminée, selon l’ampleur des dégâts. « Dans les premières années, réparer un de ces couvercles nous prenait entre 20 et 25 heures-personnes, ce qui affectait nos disponibilités pour d’autres travaux d’entretien », évoque Julio Jardon, directeur de l’entretien à Peñasquito.

Sitôt une trappe réparée, une autre se brisait, à un rythme qui ne faisait qu’augmenter en raison de la fatigue des pièces et ajoutant de la pression sur tout l’atelier. « Cela déstabilisait nos horaires de travail », dit M. Castillo. « On faisait bien des plans de travail, mais à chaque fois ces réparations urgentes venaient tout bousculer. »

Un éclair d’inspiration

Les circonstances mondiales commençaient alors à travailler contre Goldcorp. Le prix de l’or –qui avait pourtant atteint son pic de 1800$US en 2011– se mit à dégringoler à l’hiver 2013 et tomba rapidement sous la barre des 1300$US. Parallèlement, les dépenses à Peñasquito allaient enfler les coûts globaux de production à près de 915$US l’once. Commander de nouvelles trappes de Milwaukee devint vite hors de question. « Nous avions trouvé un intermédiaire basé au Wyoming qui nous vendait les couvercles à 450 000$US, mais c’était encore trop cher payé », dit M. Jardon. « Moises venait me voir pour me demander d’en commander de nouvelles, parce que celles qu’on avait étaient toutes fissurées et n’allaient pas durer longtemps. Mais avec toute l’entreprise concentrée sur la réduction de ses coûts, des dépenses aussi dispendieuses étaient hors de question. »

C’est alors que M. Castillo eut un éclair de génie. « Les réparations étaient si intensive, menées sur des composantes si variées de la trappe, que nous avons réalisé que nous les remontions pratiquement au complet », dit-il. « Si bien qu’à un moment, je me suis demandé : ‘pourquoi nous ne les fabriquons pas nous-mêmes?’ »

La suggestion était comme de la musique aux oreilles de M. Jardon. Les différents départements venaient tout juste d’être sommés de trouver de nouvelles stratégies afin de réduire leurs coûts. « C’était une coïncidence », dit M. Castillo. « Le contexte nous a donné une opportunité de mettre notre idée à l’épreuve. »

Celui-ci était bien conscient qu’il avait difficilement droit à l’erreur, alors il prit son temps. « On savait qu’on ne nous accorderait pas une deuxième chance », dit-il. « Le directeur ne nous laisserait sûrement pas multiplier les expériences sur des excavatrices de 1500 tonnes. »

Cela prit quelque cent jours, ou 6000 heures-personnes, pour que l’atelier de soudure mette au point sa toute première trappe. Certaines composantes ne purent être fabriquées à l’interne et durent être commandées à l’extérieur. D’abord, l’atelier ne disposait pas de machines qui puissent rouler une feuille d’acier de deux pouces d’épais. Non plus ne pouvait-il pas usiner des charnières et des écrous du diamètre requis. Toutefois, les autres pièces furent fabriquées à l’interne, l’assemblage se fit à la mine et vers la fin d’octobre 2013 la trappe était installée. Elle fait d’ailleurs toujours partie du cycle d’opération.

« Ce fut tout une réussite ici, parce qu’en plus la trappe a été améliorée », dit M. Jardon. « Elle est plus légère, on a amélioré son design et renforcé les parties plus faibles pour qu’elle dure plus longtemps. » De plus, le modèle original comprenait un revêtement épais qui tendait à boucher les déchargements. « On a enlevé le revêtement pour que la feuille soit plus mince », ajoute-t-il.

Surfer sur une vague de confiance

Le département de soudure jouit maintenant d’une plus grande marge de manœuvre. « Quand on voit qu’un couvercle ne vaut plus la peine d’être réparé, on le jette sans se préoccuper de devoir passer des heures supplémentaires dessus », dit M. Castillo. « On peut mieux prévoir nos horaires. Vous ne voyez plus nos soudeurs grimper sur les excavatrices pendant les heures d’entretien. On s’entend simplement sur le moment où on pourra remplacer la trappe et on l’inscrit dans notre horaire. »

Les gains sont énormes. Selon les estimations de Goldcorp, fabriquer une trappe à l’interne coûte aussi peu que 95 000$US. En 2014 seulement, 1,2$US millions seront épargnés. La deuxième trappe est sur le point d’être terminée, selon M. Castillo. Une troisième pourrait suivre dès 2015. M. Castillo est confiant que l’initiative s’étendra à d’autres applications. « Dans notre département, nous cherchons à économiser sur d’autres composantes », dit-il. « Nous sommes versatiles quant à ce que nous pouvons découper et souder, pas seulement dans les bennes mais dans les structures comme les couloirs, les rampes et les plateformes. Les pièces mécaniques complexes requièrent de la précision, et certaines pièces doivent répondent à des normes élevées. Mais pour ce qui est des structures, il y a toutes sortes d’opportunités. » 

Traduit par SDL