Heather-WhiteJ'avouerai dès maintenant avoir un parti pris : mon premier ordinateur était un Commodore 64, j'ai précédé l'ère du World Wide Web, et je me souviens encore de l'époque où le mot Google n'était pas un verbe mais bien une faute d'orthographe en anglais. La révolution de l'Internet s'est produite alors que j'étais adolescente, et comme de nombreuses personnes de ma génération, je considère les transactions électroniques comme un agrément et non une nécessité. Je ne suis ni technophobe ni technophile, mais plutôt technosceptique, surtout au travail.

Lorsque j'ai obtenu mon diplôme universitaire en génie minier, j'ai décroché mon premier poste dans une mine qui utilisait AutoCAD comme logiciel de dessin de prédilection. Des milliers d'heures-personnes avaient été consacrées à la numérisation de dessins à l'encre sur papier de lin, au codage de bases de données Microsoft et au développement de tableurs pour moderniser la tenue de documents.

Lorsque j'étais interne en génie, l'utilisation d'un ordinateur faisait partie intégrante de notre formation, aussi je n'ai jamais envisagé cet outil comme un phénomène nouveau. J'appréciais tout simplement d'avoir à ma disposition deux plans de travail, un pour mon ordinateur et une table à dessin, qui me permettaient de m'étaler autant que je le souhaitais. J'utilisais des crayons-feutres à mine fine pour griffonner et prendre des notes. On se servait d'une équerre à dessin pour garder la fenêtre ouverte. Il a fallu trois mois pour que l'on m'informe que le dessous de verre que j'utilisais pour ma tasse à café était en réalité un presse-papiers qui servait à tenir les dessins sur du papier de format A0.

Les ordinateurs avaient fait leur entrée en scène et l'industrie les avait adoptés. On saisissait les résultats des échantillonnages de la qualité de l'air dans les bases de données dédiées à la ventilation et on les mettait en corrélation avec le temps, le lieu de travail et l'activité. Les données sismiques étaient saisies dans une base de données et tracées en temps réel. Les tracés des supports de câbles et les concepts de forage étaient tous élaborés à l'aide d'un logiciel et pouvaient être modifiés en un clic de souris. Tout était bien plus efficace. Seuls les géologues et les arpenteurs-géomètres utilisaient la salle où étaient stockés les documents d'archives.

À cette époque, on évoquait la possibilité de bureaux « sans papier » dans un avenir fantastique lointain, un concept presque incompréhensible étant donné notre amour du papier. Les murs vierges étaient rares ; des esquisses grand format et des dessins animés sans humour se disputaient les espaces de présentation. Les couloirs étaient bloqués par de petits groupes qui débattaient des caractéristiques d'une mine en observant l'esquisse de sa coupe longitudinale. Sur les tableaux d'affichage étaient accrochées des informations concernant les tous derniers avancements des travaux. On ne mettait pas de plaques sur nos portes ; on se déplaçait dans les espaces de travail en scannant les données affichées au mur.

Quinze ans plus tard, le logiciel est devenu bien plus sophistiqué et occupe une place bien plus importante. On trouve encore une ou deux tables à dessin et peut-être qu'une personne du service d'arpentage sait encore où se trouve la salle des archives. Les bureaux ne sont pas totalement dépourvus de papier, mais la prolifération de dessins sur A0 a pratiquement disparu. On n'affiche plus l'avancement des travaux au mur.

Si j'approuve l'accessibilité de la tenue de documents, ainsi que l'efficacité de la conception électronique et des logiciels de planification, il n'en reste pas moins que le papier me manque. Nos conversations autour des esquisses de coupes longitudinales me manquent aussi, lorsque nous étions entre deux et douze à étudier la situation générale de la mine d'un point de vue différent. Les discussions sur tous les éléments débattus dans l'ensemble du contexte me manquent. Maintenant que tout se fait sur ordinateur, il semblerait que nous n'étudions la situation qu'en lots individuels (agencement du trépan pour la production, conception d'une galerie montante, section de développement d'une galerie d'accès), sur invitation et avec une expérience bien plus restreinte. Seulement deux ou trois paires d'yeux peuvent voir l'écran d'un ordinateur de 21 pouces.

Les imprimés toujours changeants nous donnaient un point de référence, ils soulignaient les points importants à un moment précis...et ils me manquent. Au sens propre comme au sens figuré, nous savions où nous nous trouvions, où nous allions et nous discutions de la façon de parvenir à nos fins. Voilà ce que nous avons perdu.

En plus d'être l'organe de stockage de nos données, l'ordinateur en est devenu le gardien. Au vu des protocoles informatiques, des exigences en matière de connexion et de la faillibilité infaillible des conspirateurs, le tableau général s'est fragmenté. Comme pour faire un puzzle, il faut avoir de l'expérience ou une grande familiarité pour rassembler les 1 000 pièces en un ensemble cohérent. On ne peut pas demander à l'intégralité de la main-d'œuvre qu'elle contribue efficacement à un projet qu'elle ne peut se représenter. Nous sommes des êtres visuels, qui devons voir pour le croire.

Si la première étape du transport des tonnes de matériaux jusqu'au concentrateur implique de coucher sur papier les tonnes prévues, la seconde étape consistera bien évidemment à accrocher ce papier au mur afin que tout le monde puisse le voir.

Traduit par Karen Rolland


Ingénieure des mines souterraines, Heather White a acquis son expérience dans ce domaine en travaillant dans des mines d'or et de métaux australiennes et canadiennes avec des sociétés telles que Barrick Gold, Cameco et INCO.

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