L’une des fosses à ciel ouvert sur le site de Renard (photo ci-dessus) sera utilisée par Aquarry pour tester l’amélioration de l’alcalinité des lacs de kettle, un processus impliquant l’ajout de matériaux alcalins dans des fosses inondées de mines à ciel ouvert pour promouvoir l’absorption de CO2. Avec l’aimable autorisation de Winsome Resources
Le 28 janvier, Winsome Resources annonçait un partenariat stratégique avec Isometric, un registre d’élimination du CO2, pour promouvoir sa stratégie de séquestration du carbone sur le site de Renard, dans la région Eeyou Istchee-Baie James au Québec. Cette initiative soutiendra aussi le développement d’Adina, le projet phare d’exploitation du lithium de Winsome situé à proximité. En effet, la société a l’option exclusive d’acquérir la mine de diamants de Renard, immobilisée en 2023, et de reconvertir son infrastructure pour traiter le minerai du projet Adina.
En outre, Winsome a signé des mémorandums d’entente avec Aquarry, Exterra Carbon Solutions et Arca Climate Technologies Inc. pour explorer les technologies d’élimination du dioxyde de carbone (EDC) afin d’envisager leur mise en œuvre sur le site de Renard. La société se concentrera tout d’abord sur la séquestration du carbone à l’échelle industrielle à l’aide de la kimberlite traitée stockée sur le site.
Les partenariats s’inscrivent dans la stratégie de décarbonation plus vaste de Winsome, qui vise à transformer le site de Renard en une installation bivalente pour la production de lithium et la gestion du carbone. Cette stratégie pourrait faire de l’exploitation la première au monde à intégrer ces activités simultanément à grande échelle.
Chris Evans, directeur général de Winsome Resources, déclarait dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine que Renard est un site idéal pour la séquestration du carbone, en raison de la quantité considérable de kimberlite restée sur le site de ses anciennes exploitations de diamants, actuellement dans une installation de stockage.
M. Evans expliquait que la kimberlite concassée est riche en oxyde de magnésium sous la forme d’olivine et de serpentine, qui séquestrent facilement le CO2. Lorsque le CO2 réagit avec ces minéraux riches en magnésium, des carbonates solides se forment, éliminant définitivement le CO2 de l’atmosphère.
« Puisque l’exploitation de diamants a cessé et qu’aucune exploitation minière [n’a lieu], nous pouvons essentiellement détourner toute cette infrastructure vers l’élimination du CO2 pour les trois années à venir, voire plus, en attendant les approbations qui nous permettront de transformer Renard en un centre de traitement du lithium », indiquait M. Evans.
Si les partenariats en sont encore à leurs balbutiements, faisait-il remarquer, les sociétés commenceront toutefois à mener des travaux d’essai sur le site dans les deux à trois mois à venir afin d’évaluer la meilleure utilisation de la kimberlite concassée ainsi que la faisabilité de leurs technologies de captage de CO2. Ensuite, Winsome prévoit de demander un financement fédéral pour le projet. Actuellement, les sociétés mènent des travaux d’essai préliminaires, en exploitant les données de neuf années d’exploitation à la mine de diamants.
Exploiter les partenariats en collaboration
Dans le cadre du partenariat avec Winsome, la société britannique Isometric servira de registre du CO2 pour le projet. Elle proposera des services de surveillance, de communication d’informations et de vérification pour les initiatives d’EDC au site de Renard.
Comme l’expliquait M. Evans, Winsome s’est rapprochée d’Isometric en tant que partenaire en raison de son protocole OSEM (Open System Ex-Situ Mineralization, ou minéralisation en système ouvert ex situ). Le protocole met en avant un procédé dans lequel les résidus et les produits dérivés industriels sont traités de manière à accélérer l’altération atmosphérique naturelle, permettant le stockage durable du CO2 tout en respectant les normes réglementaires. Ce protocole permettra à Winsome et ses partenaires de générer des crédits d’émission de carbone, en attendant la décision finale sur Renard, et aussi de potentiellement créer des revenus au travers de ces crédits.
La société Arca, basée à Vancouver, prévoit de mettre en œuvre un projet d’essai sur le site qui s’aligne sur le protocole OSEM d’Isometric. Le projet pourrait alors prétendre à la génération de crédits carbone. L’une des technologies d’EDC qu’Arca testera sur le site comprend une astromobile autonome qui agiterait la kimberlite concassée afin d’accélérer le processus de minéralisation du carbone.
Exterra prévoit de tester la technologie de minéralisation du carbone sur le site, et profitera de cette occasion pour valider sa technologie alors qu’elle se rapproche de l’étape de commercialisation.
Dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine, Olivier Dufresne, directeur général et cofondateur de la société Exterra basée à Québec, indiquait que la société testera la carbonatation minérale artificielle, un processus naturel reproduit dans un environnement spécifiquement conçu pour séquestrer le CO2 capté dans les installations industrielles ou directement dans l’air. La technologie ROC (Reactive Oxide to Carbonate, ou système de transformation d’oxydes réactifs en carbonates) d’Exterra vise à retirer des oxydes métalliques des résidus miniers contenant de la serpentine et à les transformer en minéraux carbonatés en les associant à du CO2.
« Notre technologie prend ce CO2 et le minéralise avec divers types de déchets miniers, notamment les résidus miniers de kimberlite situés à l’extrémité nord du site », indiquait M. Drufesne. La kimberlite étant déjà concassée, cela constitue un avantage non négligeable pour les procédés de carbonatation minérale, précisait-il.
Transformer les fosses minières en actifs de CO2
Kate Murphy, directrice générale et cofondatrice d’Aquarry, déclarait dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine qu’après les essais sur les matériaux du site de Renard en laboratoire, la société passera à des essais de terrain à échelle limitée sur le site au printemps 2026.
Aquarry, dont le siège se trouve à Emeryville, en Californie, se spécialise dans l’amélioration de l’alcalinité des lacs de kettle, une nouvelle approche vis-à-vis de l’élimination du CO2. Ce procédé implique l’introduction de matériaux alcalins dans des mines à ciel ouvert inondées, les convertissant en actifs d’élimination et de stockage de carbone tout en améliorant simultanément la qualité de l’eau.
« Ces [essais] seraient intégralement maîtrisés et auraient pour objet la validation scientifique du bon fonctionnement de notre procédé », déclarait Mme Murphy. « Si tout se déroule comme prévu, nous envisagerons un projet à l’échelle pilote sur le site. » Dans le cadre de son travail pour préparer ses essais sur le terrain à échelle limitée, Aquarry mènera des travaux en laboratoire dans les mois à venir, en commençant par un échantillonnage de la fosse R65, qui est la seule des trois fosses de Renard à contenir de l’eau.
Mme Murphy expliquait que la société utilise des matériaux alcalins extraits des profondeurs des lacs de kettle, dissous dans l’eau pour améliorer l’absorption du CO2 dans l’atmosphère. Pendant sa dissolution, le CO2 réagit avec les minéraux pour former des carbonates de calcium ou de magnésium, lesquels coulent ensuite au fond de la fosse.
Mme Murphy précisait que le procédé permet, d’une part, de garantir le stockage indéfini du CO2, et d’autre part, qu’il utilise le site de Renard, actuellement sous-exploité depuis l’arrêt des activités minières.
« Ce qui est intéressant dans le site de Renard, c’est que nos matières premières sont disponibles juste à côté de la fosse », ajoutait-elle. « Nous n’avons pas tellement besoin de transporter beaucoup de matériaux, et nous avons peu d’équipement. De ce point de vue, les choses devraient être faciles. »
Elle ajoutait qu’un autre avantage du site de Renard est qu’il n’y a pas de rejets d’eau dans l’environnement, expliquant que l’eau de la mine à ciel ouvert que la société va tester est traitée par le biais d’une usine de traitement de l’eau, atténuant ainsi les incidences possibles sur l’environnement.
Elle insiste sur le fait que l’EDC présente de grandes possibilités pour l’industrie minière, pas seulement comme moyen de parvenir à la neutralité carbone, mais aussi en offrant une grande valeur d’un point de vue économique. Dans un contexte où l’élimination du carbone se répand, elle pense que l’industrie minière est bien placée pour tirer parti de ses produits dérivés, ses flux de déchets et ses anciens sites.
« Une chose vraiment exceptionnelle concernant le monde des start-ups spécialisées dans l’EDC est que nous comprenons que cela nous concerne toutes et tous », indiquait Mme Murphy. « Nous souhaitons toutes et tous voir cette industrie se développer pour le bien de la planète, et c’est encourageant. On ne voit pas souvent ce genre de communauté dans d’autres industries. »
Traduit par Karen Rolland