La mine Sierrita de Freeport-McMoRan fait partie des sites qui ont fermé leurs portes ces derniers mois alors que les effets pérennes du ralentissement économique pèsent lourdement sur les sociétés minières. Avec l'aimable autorisation de Freeport-McMoRan

Plusieurs grandes sociétés minières ont pris des mesures drastiques pour faire face au ralentissement économique actuel, générant ainsi une série de suspensions de dividendes, de fermetures de mines et de réductions de la production qui ont fait la une des journaux. PotashCorp a annoncé mi-janvier qu'elle suspendait les opérations à sa mine Picadilly, et allait licencier entre 420 et 430 employés. Deux semaines plus tôt, Imperial Metals arrêtait la production à sa mine de cuivre Huckleberry et licenciait 100 employés en raison de la chute du prix du cuivre. Freeport-McMoRan a fermé sa mine Sierrita de cuivre et molybdène en décembre dernier. Anglo American a suspendu ses dividendes et licencié 85 000 personnes cette même semaine, en raison notamment de la restructuration prévue.

Au cours des trois dernières années, Anglo American a licencié près de 70 % de sa main-d'œuvre (en comptant les licenciements de décembre), et a commencé à liquider ses actifs, en promettant en décembre de ne préserver que 20 de ses 55 exploitations. D'après James Wyatt-Tilby, porte-parole de la société, ces mesures permettront à la société de « résister pendant les cycles baissiers des prix des marchandises ». Il ajoutait que la décision de réduire les dividendes faisait partie « d'une série de mesures que prenait la société pour renforcer son bilan dans le contexte économique actuel ».

Anglo American et Freeport sont deux des nombreuses sociétés qui ont réduit ou suspendu leurs dividendes en 2015, aux côtés de Glencore, Vale et Teck. BHP Billiton pourrait prendre le relais en 2016 si ses dirigeants suivent les directives des analystes de Crédit Suisse et Goldman Sachs, lesquels ont vivement recommandé à la société de suivre l'exemple de ses homologues (si BHP Billiton ne réduit pas ses dividendes d'ici le 23 février, date à laquelle elle fixe la valeur de ses dividendes, elle atteindra sa 28e année sans réduction des dividendes, ce qui s'inscrit dans la stratégie progressiste de la société en matière de dividendes). 

Comme l'indiquait Patricia Mohr, vice-présidente de l'économie et spécialiste du marché des produits de base chez Banque Scotia, les prix des métaux communs ont certes énormément baissé l'année passée, mais au cours des derniers mois, les prix du cuivre et du zinc ont rejoint ceux du nickel en-deçà du seuil de rentabilité moyen à l'échelle mondiale. Les coûts correspondant au seuil de rentabilité couvrent les coûts décaissés plus l'amortissement, les frais d'intérêt, les redevances et les coûts indirects.

Actuellement, les prix se situent à peu près au niveau de 2002, juste avant le super-cycle d'une décennie résultant de la croissance industrielle en Chine qui a engendré une hausse considérable des prix des marchandises. Le ralentissement économique a commencé il y a environ trois ans, lorsque la demande de métaux communs en Chine a commencé à baisser. « La Chine représente environ 47 % de la demande mondiale de métaux communs », expliquait Mme Mohr. « Pensez-y une minute. » Les inquiétudes des investisseurs quant à la demande de Chine ont également résulté en une baisse des prix, ajoutait-elle.

Bien que les prix aient considérablement baissé pendant la récession de 2008-2009 aux États-Unis, Mme Mohr faisait remarquer que la faiblesse actuelle qui affecte le marché des produits de base est plus vaste et touche de nombreux types de marchandises, dont le minerai de fer et le charbon cokéfiable. « Ceci s'explique par les conditions économiques mondiales peu brillantes », indiquait Mme Mohr. « Nous en sommes à notre cinquième année consécutive de croissance économique mondiale médiocre. »

La récession se poursuit, aussi les sociétés ont dû prendre des mesures radicales, et devront peut-être faire des choix difficiles dans un proche avenir.

« Je pense que l'on comprend petit à petit qu'il ne s'agit pas d'une récession temporaire, mais qu'il faudra un certain temps pour remonter la pente, et c'est la raison pour laquelle nous assistons à d'importantes décisions », indiquait Liam Fitzgerald, chef de file national de l'exploitation minière chez PriceWaterhouseCoopers.

M. Fitzgerald soulignait la décision d'Anglo American de réduire la production et de liquider ses actifs pour se préparer à ce ralentissement économique plus long. Barrick a aussi décidé de liquider ses actifs et de se concentrer sur certaines de ses principales exploitations. « Il sera intéressant de voir si d'autres sociétés dont la production est diversifiée prennent ce genre de mesures, car ces choix ont été particulièrement radicaux », indiquait-il.

« Nous nous trouvons dans une phase difficile en ce moment, et ce qui rend les choses encore plus douloureuses est que cette situation suit une période d'expansion », déclarait Neal Rigby, conseiller interne en exploitation minière chez SRK. Les prix élevés des marchandises ont peut-être initialement rendu les minerais à faible teneur plus économiques et intéressants, mais ce prix plus élevé par unité n'a maintenant plus de sens. « Nous assistons actuellement à des mesures drastiques », expliquait M. Rigby. « C'est un peu comme si l'on essayait de faire changer de cap à un pétrolier - ce n'est pas simple. »

Le seul point positif est la chute du dollar canadien par rapport au dollar américain, qui pourrait bien avoir engendré des conditions économiques plus favorables pour les sociétés minières canadiennes, notamment par rapport à leurs compatriotes américains. Mme Mohr et M. Fitzgerald faisaient tous deux remarquer que si les coûts opérationnels sont en dollars canadiens, les prix des métaux restent exprimés en dollar américain. Ainsi, le taux de change constitue un avantage pour les sociétés canadiennes.

D'après les analystes, les sociétés devront prendre patience avant que le marché ne remonte la pente. Le zinc et le lithium constituent deux marchandises intéressantes mises en avant par les investisseurs dans l'édition du 21 décembre dernier de l'indice des prix des produits de base de la Banque Scotia. D'après Mme Mohr, l'équilibre entre l'offre et la demande pour les métaux communs pourrait commencer à s'améliorer d'ici 2017 ou 2018.

Traduit par Karen Rolland