(De gauche à droite) Reginald Bellerose, chef de la Première Nation Muskowekwan et Stavros Daskos, président et chef de la direction d'Encanto posent aux côtés de Bobby Cameron, responsable de la fédération des nations autochtones souveraines. D'après M. Daskos, M. Bellerose a joué un rôle « fondamental » dans le succès qu'a rencontré la société avec le projet de potasse qu'elle développe actuellement sur le territoire Muskowekwan. Avec l'aimable autorisation d'Encanto Potash Corp.
À la fin du mois de mars, la Première Nation Muskowekwan devenait le quatrième groupe autochtone à mettre en application la législation fédérale autorisant le développement de ressources sur les terres d'une réserve habitée. Ceci lui a ouvert la voie pour la construction de la première mine sur les terres de la réserve d'une Première Nation au Canada.
La Première Nation prévoit de développer un projet de potasse de 3,5 milliards $ dans le sud-ouest de la Saskatchewan, en partenariat avec la petite société minière Encanto Potash Corp. basée à Vancouver.
La loi sur le développement commercial et industriel des Premières Nations (LDCIPN) vient combler une lacune dans la réglementation qui empêchait les gros investissements, notamment le développement de projets miniers, sur les terres des Premières Nations. Cette lacune émane du fait que les Premières Nations relèvent du champ de compétence du gouvernement fédéral, lequel ne dispose pas des systèmes réglementaires nécessaires pour gouverner les grands projets d'exploitation des ressources et de développement. La LDCIPN transpose en réalité les réglementations provinciales aux terres d'une réserve spécifiée.
La législation, prônée par une poignée de Premières Nations ayant envisagé des projets de développement des ressources, a été présentée en 2005. Les Premières Nations souhaitant appliquer la LDCIPN doivent passer par une « phase exploratoire » durant laquelle elles se rapprochent du ministère des affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), du promoteur de projet ainsi que du gouvernement provincial afin de déterminer si la législation répondra à leurs besoins, et si la province est disposée à administrer et réglementer le projet.
La Première Nation doit ensuite promulguer une résolution du conseil de Première Nation demandant la législation, et lancer une procédure dans laquelle les réglementations sont élaborées puis négociées entre les trois parties, chacune étant responsable des frais juridiques engendrés.
La Première Nation Muskowekwan a entamé la procédure pour la LDCIPN en 2013. « Nous avons besoin de ces réglementations pour protéger les peuples et leurs terres », expliquait Alison Auramenko, directrice du développement économique pour les Muskowekwan. Les avocats de la Première Nation, ajoutait-elle, ont passé les lois en revue les unes après les autres, et ont fini par « se calquer » sur la législation provinciale. « Nous souhaitions assurer des conditions équitables », indiquait-elle. « Nous ne voulions pas être laissés pour compte. »
Du point de vue de l'investisseur, la réglementation confère une certaine crédibilité au projet. « Ceci signifie que notre investissement peut se faire en toute sécurité », expliquait Stavros Daskos, président et chef de la direction d'Encanto Potash Corp. Ceci nous assure également que les Muskowekwan « ne peuvent pas décider de clôturer la propriété et nous empêcher d'y entrer. Ce projet nous survivra tous, aussi nous avons besoin d'un cadre juridique qui protégera les investissements ».
En avril, Encanto annonçait la conclusion d'un marché de 70 millions $ avec le cabinet de courtage Taylor-DeJongh pour financer les activités de la phase de développement de la société. Cette somme servira à soutenir la société durant l'élaboration des plans d'ingénierie, la mobilisation des fonds et la création d'une équipe de gestion. Lorsqu'on lui a demandé s'il existait selon lui un lien entre la mise en application de la LDCIPN et l'apport de fonds, M. Daskos déclarait que « cela avait indéniablement aidé », mais il ajoutait que « ce n'était pas le seul facteur ».
La société minière et la Première Nation entretiennent actuellement de bonnes relations et, d'après M. Daskos, le chef Reginald Bellerose a joué un rôle « fondamental » dans la réussite du projet. En 2010, M. Bellerose a accompagné M. Daskos lors d'un voyage en Inde afin de rencontrer les représentants officiels de sociétés de placement publiques. Ce voyage a abouti à la conclusion de deux nouvelles ententes de 20 ans visant à vendre un total de sept millions de tonnes de potasse annuellement.
Ce projet devrait entraîner l'embauche d'environ 1 800 personnes durant la phase de construction, et la durée de vie de la mine est estimée à 50 ans. Encanto n'a pas encore fixé ses quotas d'embauche au sein des populations autochtones, qui seront déterminés ultérieurement, précisait Mme Auramenko. « Bien entendu, l'un des piliers de ce projet réside dans l'embauche de membres des Premières Nations », ajoutait-elle.
D'après Neil Burnett, directeur des politiques pour l'AANC et responsable de la LDCIPN, l'adoption de la législation par la Première Nation est un « bon exemple de réussite montrant que les gouvernements provincial et fédéral peuvent collaborer avec les Premières Nations pour promouvoir les possibilités économiques de ces dernières ». Le projet proposé, indiquait-il, « montre bien que les Premières Nations sont des partenaires commerciaux viables pour le développement commercial et industriel à grande échelle ».
Deux des trois autres Premières Nations à avoir mis en application la LDCIPN s'y réfèrent pour développer des projets d'exploitation des ressources, expliquait M. Burnett. La Première Nation de Fort McKay en Alberta espère pouvoir développer un projet d'exploitation des sables bitumineux dès que le prix du pétrole aura remonté la pente ; la Première Nation de Fort William, en Ontario, s'est quant à elle appuyée sur la législation pour développer une scierie sur les terres de la réserve.
La Première Nation de Squamish en Colombie-Britannique (C.-B.) s'est référée à la législation pour appuyer un projet d'immeuble en copropriété. En Colombie-Britannique et sur le territoire du Yukon, de nombreuses Premières Nations ne disposent pas de traités et se battent pour bénéficier des projets de développement des ressources qui, selon leurs dires, occupent leur territoire traditionnel. Au cours des 20 dernières années, les accords de partage des revenus sont devenus monnaie courante entre les sociétés minières et les Premières Nations ; cependant, les projets miniers à grande échelle dirigés par des Autochtones restent encore relativement rares.
La Première Nation Muskowekwan a investi la somme de 3 millions $ chez Encanto et détient une action minoritaire dans la société. Si la Première Nation ne tient pas les rênes, il n'en reste pas moins qu'elle récoltera des avantages financiers. La Première Nation aura la possibilité d'équilibrer les redevances ; elle développe actuellement un cadre avec la commission de la fiscalité des Premières Nations et le gouvernement fédéral pour percevoir des taxes foncières. Cependant, l'AANC conserve des pouvoirs importants sur la Première Nation, et c'est le ministère qui recueillera pour le compte de la Première Nation Muskowekwan les redevances et les frais associés au bail.
L'argent perçu, expliquait Mme Auramenko, servira à financer des projets de développement des investissements ainsi que des initiatives à caractère éducatif dédiées à la revitalisation de la langue et de la culture autochtones. Les avantages potentiels sont énormes, déclarait-elle. « Si les membres de la [Première Nation Muskowekwan] peuvent obtenir leurs propres recettes autonomes, ils pourront alors définir leurs propres priorités. »
Traduit par Karen Rolland