Le nouveau processus d'évaluation environnementale pour les grands projets préconisé par un groupe d'experts dans un rapport publié en avril se révélerait « désastreux », déclarait une dirigeante de l'association minière du Canada (AMC).

D'après Justyna Laurie-Lean, vice-présidente de l'environnement et des affaires réglementaires à l'AMC, si ce groupe lancé en août 2016 par les libéraux fédéraux proposait certaines idées judicieuses quant à la manière de régler les problèmes d'un système parfois inefficace et qui manque de transparence, « la procédure qu'il vient de proposer serait en grande partie irréalisable ».

« Ce rapport constitue une vitrine pour certains […] et le rôle du promoteur de projet est totalement mis sur la touche », déclarait Mme Laurie-Lean. « Ainsi, nous craignons que si le gouvernement venait à décider d'adopter ce genre de proposition, beaucoup de personnes arrêteraient d'investir au Canada. »

Ce groupe de quatre personnes, qui compte notamment l'ancien premier vice-président à la durabilité et aux affaires étrangères de Teck Resources Doug Horswill et est présidé par l'ancienne commissaire fédérale à l'environnement Johanne Gélinas, s'est déplacé dans tout le territoire afin que le public, les groupes autochtones ainsi que les parties prenantes proposent leurs idées pour un nouveau système qui redonnerait confiance au public dans la façon dont sont évalués les grands projets concernant leur impact possible sur l'environnement.

Son rapport préconisait qu'un tribunal quasi judiciaire indépendant soit chargé des évaluations environnementales et de toute résolution de litiges pouvant en résulter. Les appels des décisions prises par cet organisme pourraient être entendus par le conseil des ministres, lisait-on dans le rapport. Le rapport insistait également sur l'engagement des peuples autochtones durant la procédure.

« Personne dans ce pays n'est contre le développement économique. Nous souhaitons simplement voir les choses se faire différemment », déclarait Mme Gélinas, présidente du groupe lors de la conférence de l'International Association of Impact Assessment (IAIA, l'association internationale de l'évaluation de l'étude d'impact) à Montréal, lors de la publication du rapport.

Ce groupe fait partie de l'engagement des libéraux à révoquer les changements controversés de l'ancien gouvernement conservateur apportés à la loi canadienne sur l'évaluation environnementale passée en 2012. Ces changements réduisaient considérablement le nombre d'évaluations environnementales, et déléguaient certaines évaluations à l'office national de l'énergie (ONE) et à la commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), ce qui selon certains montre un manque d'indépendance et de neutralité, lisait-on dans le rapport. Des évaluations distinctes de l'ONE, de la loi sur les pêches et de la loi sur la protection de la navigation sont également en cours.

« Ensemble, ces évaluations permettront de développer de nouveaux processus d'évaluation environnementale qui sont à la fois solides, équitables et transparents, et de regagner la confiance du public », déclarait Catherine McKenna, ministre de l'environnement et du changement climatique, à cette même conférence qui s'est tenue à Montréal en avril. « Notre objectif est d'offrir une certitude réglementaire aux entreprises, de respecter les droits des Autochtones et d'impliquer les communautés, ainsi que de protéger notre environnement au profit des générations à venir. »

Cependant, l'AMC est d'avis que les recommandations du groupe ne suffiront pas à atteindre cet objectif. L'association, qui siégeait au comité consultatif à intérêts multiples transmettant ses commentaires tout au long de l'évaluation, a envoyé à Mme McKenna une lettre mettant en avant ses inquiétudes. Elle évoquait notamment ce qu'elle qualifiait d'indifférence face au rôle qu'occupent les provinces dans le processus, un modèle fondé sur un consensus qui selon l'AMC ne fera pas de différence entre les détenteurs de droits et toute autre entité non directement affectée par un projet et un processus extrêmement complexe sans calendriers établis.

L'association indiquait cependant que certaines idées, telles que celles préconisant un recours plus important aux évaluations régionales et stratégiques, valent la peine d'être explorées. Elles permettraient en effet de réduire la charge qui incombe actuellement aux promoteurs de projets au titre de la loi de 2012 qui les oblige à évaluer l'effet cumulatif de leur projet tout en devant rendre des comptes pour toutes les autres activités dans la région, déclarait Mme Laurie-Lean.

Toban Morrison, porte-parole de l'agence canadienne d'évaluation environnementale, expliquait que le gouvernement étudie actuellement tous les retours suivant la publication du rapport, notamment les propositions d'organisations, les rencontres avec les peuples autochtones et plus de 1 000 commentaires sur le forum en ligne dédié aux retours du public qui a été clôturé le 5 mai dernier.

« Un résumé de ce que nous avons entendu sera mis à disposition du public en ligne dans les semaines à venir », indiquait M. Morrison.

Traduit par Karen Rolland