D'après un nouveau rapport publié par Osler, Hoskin & Harcourt LLP, les sociétés cotées en bourse au Canada font de piètres progrès en matière d'affectation des femmes à leurs conseils d'administration et aux postes de haute direction ; elles déclinent en outre d'établir des objectifs officiels en matière de diversité.
Le pourcentage total de sièges occupés par des femmes au sein des conseils d'administration était de 14,5 % en date du 31 juillet 2017, en légère augmentation par rapport à 13 % l'année dernière et à 12 % en 2015. Concernant les postes occupés par des femmes à la haute direction, le pourcentage était légèrement plus élevé avec une moyenne de 15,2 %, valeur identique aux deux années précédentes.
« Les progrès sont affreusement lents », déplorait Andrew MacDougall, associé chez Osler et l'un des auteurs du rapport. « Cela s'explique selon moi par le fait que les sociétés n'affectent pas de femmes au sein de leurs conseils d'administration à un rythme suffisant pour que l'on observe des changements importants sur une période plus courte. »
M. MacDougall citait un rapport de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO) qui indiquait qu'en l'espace d'un an, seul un quart des postes vacants au sein des conseils d'administration avaient été affectés à des femmes. « Il faudrait considérablement augmenter la part de femmes affectées aux conseils d'administration lorsque les opportunités se présentent », déclarait-il.
Le rapport, publié le 25 octobre dernier, examinait des documents d'information déposés entre 2015 et 2017 par toutes les sociétés cotées à la bourse TSX tenues de divulguer publiquement les informations relatives à la représentation des femmes au sein de leurs conseils d'administration et aux postes de haute direction, conformément au règlement 58-101 sur l'information concernant les pratiques en matière de gouvernance. Pour l'année 2017, le rapport étudiait les divulgations d'environ 700 sociétés.
Avec 225 sociétés émettrices au mois de septembre, le secteur minier constitue une part colossale des sociétés cotées à la bourse TSX, et comme l'expliquait M. MacDougall, leurs résultats font baisser la moyenne de toutes les sociétés. Cette année, la part de dirigeantes au sein des conseils d'administration des sociétés minières n'atteint que 9 %, ce qui représente une baisse par rapport aux 13 % en 2016. Le pourcentage de femmes occupant des postes de dirigeantes est resté inchangé d'une année sur l'autre, à 13 %.
Cependant, M. MacDougall faisait remarquer que la baisse du pourcentage de femmes au sein des conseils d'administration pourrait s'expliquer par le fait que les plus grandes sociétés affectent une seule femme à leur conseil, ce qui vient fausser les moyennes ; en effet, dans un conseil d'administration constitué de 10 personnes, l'affectation d'une seule femme ne représentera par exemple que 10 % du conseil. Le nombre moyen de femmes affectées aux conseils d'administration des sociétés minières a légèrement augmenté, mais ne dépasse pas 0,75.
« Le fait que nous parvenions à maintenir ou à légèrement augmenter [le taux de représentation des femmes ] est selon moi un bon signe, notamment au vu du climat économique qui plane actuellement sur l'industrie minière », déclarait Nancy Komperdo, présidente de l'association Women in Mining Canada (les femmes dans l'industrie minière au Canada, en anglais uniquement), ajoutant que de nombreuses sociétés minières n'avaient pu affecter de ressources aux initiatives dédiées à la diversité au vu du déclin récent des prix des matières premières.
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Pourtant, malgré le peu de changements en termes de représentation des femmes au sein des conseils d'administration et des postes de haute direction, la plupart des sociétés refusent d'établir des cibles officielles pour se rapprocher des objectifs de parité entre les femmes et les hommes ; sur les sociétés ayant accepter de révéler si elles avaient ou non fixé des cibles, seulement 12 % ont reconnu en avoir établies. Pour la majorité ayant choisi de ne pas fixer de tels objectifs, les raisons invoquées comprenaient notamment le fait de ne pas souhaiter « transiger sur les principes de méritocratie », ainsi que la crainte de ne pas choisir le « meilleur candidat ».
« Fixer un objectif ou une cible est extrêmement important ; en effet, sans objectif défini, sur quoi se base-t-on pour l'atteindre ? », déclarait M. MacDougall, ajoutant que la méritocratie était « trop souvent invoquée pour se justifier d'un manque d'action. Certaines candidates extrêmement qualifiées pour un poste de direction passeraient haut la main n'importe quel test de méritocratie. »
Mme Komperdo expliquait que l'affectation au sein des conseils d'administration est « généralement fondée sur l'expérience dans le secteur », mais suggérait que les sociétés ne se cantonnent pas à « l'expérience classique de 20 ou 30 ans propres aux dirigeants du secteur minier » et étudient également les propositions de personnes qualifiées possédant une expérience dans d'autres secteurs tels que l'industrie automobile, l'avionique ou la finance, qui peuvent offrir au secteur d'autres perspectives. « Nous devons nous éloigner du groupe actuel de personnes que nous connaissons tous », indiquait-elle.
Près de la moitié des sociétés indiquaient cependant avoir adopté une « politique écrite sur la diversité au sein du conseil d'administration », une augmentation marquée par rapport à seulement 34 % l'année dernière. Les autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont précédemment indiqué la corrélation qu'il existait entre les sociétés détenant des politiques officialisées en matière de diversité et le nombre plus élevé de femmes au sein de leurs conseils d'administration.
Deborah Rosati, cofondatrice et directrice générale de Women Get On Board (en anglais uniquement), une société qui met en relation les femmes et les promeut au sein des conseils d'administration, déclarait que ces politiques en matière de diversité ne sont efficaces qu'à la condition qu'elles soient « réellement appliquées » par les dirigeants de la société. « Disposer d'une politique écrite est une chose », déclarait-elle dans un courriel ; « la mettre à exécution en est une autre ».
Mme Komperdo indiquait cependant que ces politiques constituaient une avancée positive. « Le fait de publiquement déclarer [une politique] permet de s'exposer aux actionnaires et de leur montrer que ce point est important pour la société. » Elle ajoutait également que les actionnaires commencent à s'enquérir à propos des politiques des sociétés en matière de représentation des femmes au sein des conseils d'administration et de la haute direction.
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Le rapport indiquait que les plus grosses sociétés du Canada, cotées à l'indice S&P/TSX 60, continuent d'être des « chefs de file en matière de diversité entre hommes et femmes », et comptent en moyenne 25,6 % de femmes à leurs postes de haute direction. Seules deux sociétés sur les 56 appartenant à cette catégorie ont déclaré ne compter aucune femme au sein de leur conseil d'administration, notamment la société minière First Quantum Minerals basée à Vancouver, qui a depuis nommé Kathleen Hogenson, directrice générale de Zone Oil and Gas, à son conseil d'administration.
M. MacDougall indiquait également que de nombreuses sociétés ne comptant aucune femme au sein de leur conseil d'administration en ont depuis affecté une. « Les sociétés entièrement composées de membres masculins sont vraiment une minorité. »
On observe depuis quelques années une tendance à promouvoir la diversité au sein des conseils d'administration et des équipes de haute direction ; la CVMO a adopté en 2014 des modifications aux lois sur les valeurs mobilières suivant le principe « se conformer ou s'expliquer », qui obligeaient les sociétés cotées à la bourse TSX à divulguer le nombre de femmes au sein de leurs conseils d'administration et occupant des postes de haute direction, ainsi qu'à formuler une politique visant à réduire les déséquilibres entre les hommes et les femmes ou à expliquer la raison pour laquelle elles ne faisaient aucun effort pour y remédier.
L'automne dernier, le gouvernement fédéral proposait des modifications qui contraignent les sociétés constituées en vertu de la loi canadienne sur les sociétés par actions à communiquer chaque année aux actionnaires les informations relatives à la diversité parmi leurs directeurs et leurs équipes de la haute direction, suivant un modèle similaire au principe « se conformer ou s'expliquer ».
Cependant, ce principe n'impose aucune pénalité en cas de non amélioration, contrairement au fait de fixer des quotas de représentation. La France, l'Allemagne et la Norvège, entre autres pays, ont mis en œuvre des quotas et ont observé des résultats bien plus rapidement que les pays disposant de modèles suivant le principe « se conformer ou s'expliquer » tels que le Royaume-Uni ou l'Australie.
Traduit par Karen Rolland