Sherritt International a mené à bien un essai en laboratoire sur un produit ayant le potentiel d’avoir une incidence importante sur l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta – et de faire économiser beaucoup d’argent aux producteurs. La société torontoise, mieux connue pour ses activités de raffinage du cobalt et du nickel à Cuba et au Madagascar, a présenté plus tôt ce mois-ci un procédé exclusif de valorisation du bitume qui pourrait éliminer le besoin d’avoir à recourir à un diluant, un produit fluidifiant coûteux actuellement utilisé pour le transport du pétrole. « À l’heure actuelle, l’industrie dépense environ 6 milliards de dollars par année sur les diluants, a expliqué David Pathe, chef de la direction de Sherritt. Nous avons mis au point un procédé permettant de valoriser le bitume et d’éliminer ce besoin tout en améliorant la qualité du pétrole. »

S’il porte ses fruits, le produit a le potentiel de changer la donne pour les grandes entreprises actives au sein de l’industrie des sables bitumineux de l’Ouest canadien, en accroissant la capacité d’exportation sans nuire à la qualité ou à la durabilité environnementale.

« S’il a autant de potentiel que nous le pensons, il peut effectivement rendre le produit de bitume de l’Ouest canadien plus accessible et plus facile à transporter, ce qui est une réelle priorité tant pour le gouvernement albertain que pour le pays, alors que nous cherchons à accroître la capacité pipelinière, a expliqué M. Pathe. Notre souhait, c’est que ce produit permette de réaliser une avancée considérable en ce sens. »

Mettant en lumière la nécessité d’améliorer les technologies de valorisation et d’assurer un écoulement plus fluide et plus efficace du pétrole dans les pipelines, l’Alberta a annoncé en février un programme de garanties de prêt et de subventions de 1 milliard de dollars destiné aux sociétés prêtes à mettre en place des installations de valorisation dans la province.


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Alors que d’autres techniques de valorisation partielle permettent d’alléger le pétrole suffisamment pour assurer son transport par pipeline en éliminant le carbone, le procédé utilisé par Sherritt injecte plutôt de l’hydrogène dans le pétrole au moyen d’hyperclaves. La technologie, qui remonte aux années 1950, a initialement été utilisée pour les opérations de liquéfaction du charbon de la société et permet de maintenir le volume de pétrole sans éliminer le carbone de faible teneur. « Si nous démarrons le procédé avec un baril de pétrole, nous nous retrouvons avec la même quantité à la fin », a expliqué M. Pathe. Le bitume est pompé dans un autoclave, tout comme on le ferait avec du minerai. Après avoir injecté de l’hydrogène dans le bitume à pression et température élevées, Sherritt, à l’aide d’un catalyseur et d’un agitateur mécanique exclusifs, peut « induire une réaction chimique dans le pétrole qui entraîne la liaison de l’hydrogène et qui, par conséquent, allège le pétrole chimiquement. »

Les essais, entrepris en 2015 et portant sur le pétrole lourd provenant de Cuba et plus récemment sur le bitume, ont été réalisés dans les installations de recherche de la société à l’extérieur d’Edmonton, à Fort Saskatchewan. L’initiative peut sembler s’éloigner du champ de compétences de la société, mais selon David Pathe, les technologies sous-jacentes au procédé mettent en lumière l’expertise tout à fait unique de Sherritt. « À première vue, il peut sembler étonnant qu’une société qui se spécialise dans l’extraction du cobalt s’intéresse soudainement à l’industrie de la valorisation du pétrole, mais je crois que cela témoigne véritablement des compétences de Sherritt, en tant qu’entreprise, en matière de conception de procédés et d’innovation, compétences qui nous ont toujours permis de nous démarquer », a souligné M. Pathe.

À son avis, l’impact environnement potentiel du procédé revêt une importance cruciale. « Il améliore la qualité du pétrole sans créer de bassins de scories massifs qui n’ont pas d’utilité réelle et qui constituent un enjeu environnemental pour les sociétés de pétrole lourd », a-t-il fait valoir. En plus de réduire les scories résiduelles, le procédé permettrait également d’éliminer les éléments indésirables comme le soufre et les métaux lourds, qui peuvent avoir un effet corrosif sur l’acier carboné des pipelines et qui sont très présents dans les diluants.

Le procédé se trouve toujours en phase d’essai, mais la société s’apprête à l’expérimenter à plus grande échelle, et David Pathe a indiqué que Sherritt, qui concède des licences d’exploitation de ses technologies afin de fournir des services à des entreprises du monde entier, est en pourparlers avec des producteurs de bitume « dans le but de mesurer leur intérêt à l’égard d’un tel procédé et voir comment le faire progresser vers une solution plus commerciale ».