Le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain a été rejeté par le tribunal, en partie parce que le gouvernement n’a pas su mener une concertation appropriée. Avec l’aimable autorisation de Trans Mountain
La société de services professionnels EY a publié en octobre les résultats de son étude intitulée Top 10 Business Risks and Opportunities - 2020 (les 10 principaux risques et possibilités pour les entreprises - édition 2020). Pour la deuxième année consécutive, pratiquement la moitié des sociétés minières participant à l’étude indiquaient que le permis social d’exploitation constitue le plus grand risque pour elles. Si les facteurs d’obtention des approbations pour un permis social d’exploitation se sont multipliés ces dernières années (dernièrement, la pression accrue exercée par des actionnaires activistes et des pays faisant preuve d’un nationalisme des ressources toujours plus marqué font partie des préoccupations), les sociétés minières au Canada et à l’étranger continuent de rencontrer des difficultés en termes de concertation requise avec les peuples autochtones pour la plupart des projets.
Quand les sociétés abordent la question de la concertation comme une réflexion après coup, les conséquences peuvent être graves. On peut alors s’attendre à des protestations ou des procès qui entraîneront des retards ou la suspension de la construction ou des activités. Le gouvernement de l’Ontario a récemment annoncé qu’il avait abandonné sa précédente entente avec les Premières Nations concernant la région du Cercle de feu après des années de retard au niveau du démarrage des projets. La décision prise par la Cour d’appel fédérale de rejeter le projet de développement de l’oléoduc Trans Mountain en août 2018 s’explique en partie par la consultation inadaptée de la Couronne avec les groupes autochtones.
La concertation n’est jamais un processus garanti. Jonathan Fowler, conseiller indépendant ayant à son actif plus de 50 années de collaboration avec les peuples autochtones et auteur de l’ouvrage Community Engagement with Canadian Indigenous Peoples: A Practitioner’s Handbook (uniquement disponible en anglais), prétend toutefois que le changement de comportement d’une société envers la concertation augmentera ses chances de réussite.
« Si vous prenez le temps d’échanger avec les communautés, de découvrir leurs intérêts et de les comparer aux vôtres, il se peut que vous vous découvriez certains points en commun et d’autres qui n’auront rien à voir », déclarait M. Fowler. « Si vous prenez au moins la peine de leur parler, il sera bien plus simple pour obtenir vos diverses approbations lors de votre rencontre [avec] les autorités réglementaires de vous retrouver à deux contre un à la table des négociations. »
M. Fowler présentait quatre ajustements que les sociétés peuvent faire lorsqu’elles procèdent à leurs concertations initiales, qui peuvent faciliter le processus. Tout d’abord, il convient de commencer le processus de concertation dès que possible, avant même d’avoir posé le pied sur le sol où la société prévoit de travailler.
« En d’autres termes, la société doit se rapprocher d’une ou de plusieurs communautés, indiquer qu’elle envisage de mener un projet dans la région et demander si les deux parties peuvent se rencontrer et discuter », expliquait M. Fowler. « Le seul fait de poser la question montre une certaine ouverture. » Cette approche permettra également d’éviter de commencer des travaux sur des sites sensibles tels que des cimetières ou des lieux historiques.
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Une fois la concertation engagée, le porte-parole de la société devra adopter une approche différente pour les négociations de celle qu’il ou elle adoptera normalement dans la salle de conférences de la société.
« Le Créateur nous a donné deux yeux et une bouche pour une raison, m’a dit un jour l’un des aînés d’un groupe autochtone », indiquait M. Fowler. « Les sociétés doivent être attentives à ce qu’on leur dit ; elles doivent bien appréhender l’objet de la conversation et ce qui n’est pas dit. »
Les sociétés doivent aussi être très prudentes et très claires quant à leurs engagements pendant les négociations. « Mieux vaut ne pas trop s’engager et offrir davantage que le contraire. Ce faisant, on perdrait toute crédibilité, laquelle est difficile à reconquérir. »
Enfin, une fois les premières négociations terminées et tous les permis et approbations accordés, cela ne signifie pas que le processus de concertation s’arrête. Comme l’indique M. Fowler, la concertation doit se poursuivre tout au long de la durée de vie de la mine, même pendant la remise en état, de manière à s’assurer que tout le monde est à l’aise avec le déroulement des opérations.
Toutefois, on rencontrera toujours des situations où, quelle que soit la façon dont la société fonctionne ou l’approche qu’elle adopte pour les négociations, elle ne parviendra pas à un accord avec les communautés autochtones. Dans certains cas, ceci peut s’expliquer par un malentendu concernant le type de travaux que la société souhaite mener.
« Certaines communautés devront être sensibilisées aux implications de l’exploration et de l’exploitation minière. Beaucoup n’en auront pas besoin car elles connaissent ce secteur et y ont déjà travaillé », indiquait M. Fowler. « Certaines devront mettre à jour leurs connaissances car les informations dont elles disposent remontent à 20, 30 ou 40 ans en arrière. Ainsi, dès les premières étapes de la concertation, il faut vous présenter, expliquer qui vous êtes et ce que vous souhaitez faire. »
La concertation avec les peuples autochtones est une étape essentielle du développement des ressources, et les sociétés n’obtiendront pas toujours ce qu’elles désirent. Cependant, c’est en faisant preuve d’honnêteté et en ayant la volonté d’être à l’écoute des préoccupations des communautés dont les territoires sont exploités que vous irez de l’avant.
« Si vous ne savez pas, demandez », expliquait M. Fowler. « Les communautés peuvent ne pas connaître les sociétés pour lesquelles vous travaillez, ou votre industrie… [de] la même façon, les promoteurs de projet doivent bien comprendre les attentes de la communauté, ce qui les rend spéciales et les sujets sensibles qui les préoccupent. »
Traduit par Karen Rolland