Jerry Asp et Jerrod Downey.

Comment l’industrie minière peut-elle collaborer avec les communautés autochtones pour les autonomiser et leur permettre de devenir des acteurs résilients et prospères de notre économie moderne ? Jerry Asp a fait de cette question le thème central de son discours-programme stimulant et informatif, qui marquait le lancement de la troisième journée du CIMVTL21.

En 1985, M. Asp cofondait la Tahltan Nation Development Corporation (TNDC, la société de développement de la nation Tahltan), la plus grande société de construction lourde détenue et dirigée par des Autochtones dans l’ouest du Canada. Il a abordé cette question en nous exposant un bref historique des efforts déployés par la société pour accroître l’autonomie fiscale de la nation Tahltan. Pendant son discours, M. Asp a communiqué des informations précieuses aux personnes souhaitant comprendre le rôle des chefs d’entreprise pour non seulement élargir les possibilités offertes aux communautés autochtones, mais également leur donner les outils nécessaires pour tirer parti de ces possibilités de manière à entraîner un réel changement et à promouvoir un avenir prospère et digne au sein de la nation.

Asp a décrit la récente histoire économique des Tahltans comme un périple oscillant « entre affluence et pauvreté, puis un retour à l’affluence ». Au début des années 1980, l’opposition contre le piégeage des animaux à fourrure a fait rage et a sapé la principale assise économique des Tahltans. Durant l’hiver 1983-1984, le taux de chômage sur le territoire des Tahltans dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique a flambé et a atteint 98 %, puis 65 % l’été suivant. « Dans la communauté, 80 % des citoyens dépendaient de l’aide sociale. Un grave problème d’alcool et de drogue rongeait la communauté, assorti d’un taux de suicide très élevé et de normes d’éducation très faibles. En 2006, le taux de chômage atteignait un pic, avec 95 % en hiver, et 100 % en été », indiquait M. Asp, un retournement de situation tout aussi catastrophique.

« La grande question que tout le monde nous pose est comment nous sommes parvenus à redresser la situation. Notre méthode était relativement simple. Nous avions une vision, celle d’éradiquer le chômage et de ramener un peu de fierté et de dignité au sein de notre nation. [...] Le véhicule que nous avons choisi était la Tahltan Nation Development Corporation. » Dans les termes de M. Asp, la TNDC a été créée pour échapper à l’approche dépourvue de vision du ministère des affaires autochtones et du Nord Canada (AANC), qui prévoyait d’accorder des financements à de petits projets locaux dans les communautés autochtones, lesquels n’auraient eu ni l’ampleur ni le potentiel de croissance nécessaires pour parvenir à l’indépendance au niveau communautaire. C’est ce qui a inspiré l’inclusion du terme « nation » dans le nom de la société. Notre objectif était non pas d’encourager une indépendance individuelle à court terme, mais bien un changement structurel au sein de l’économie dévastée des Tahltans.

Cette stratégie de reconstruction de la nation a incité la TNDC à se tourner vers l’extérieur afin de trouver des solutions plutôt que de s’en remettre à l’AANC. « Nous nous sommes intéressés à l’exploitation minière, la sylviculture et l’aménagement hydroélectrique. Nous avons compris que nous devions traiter avec les développeurs de ressources. Mais avant cela, nous avons rédigé une politique de développement », laquelle exigeait des développeurs, entre autres choses, qu’ils accordent des offres d’emploi et une formation aux travailleurs tahltans, qu’ils respectent les droits autochtones des Tahltans, et qu’ils assurent la protection de l’environnement et l’accès à l’éducation.

Asp décrivait ensuite certains projets miniers auxquels a participé la TNDC, notamment Golden Bear, Galore Creek, Red Chris et Brucejack. En 2019, concluait-il, les Tahltans avaient reçu environ 16,5 millions de dollars en revenus résultant de l’emploi et de contrats avec l’industrie minière. D’après M. Asp, la TNDC a eu une grande incidence sur le redressement de l’emploi, et elle continue de générer des revenus et de créer des emplois en faveur de l’économie des Tahltans. « Durant l’exercice fiscal 2019-2020, nous avons généré 27,6 millions de dollars de revenus et payé 11,6 millions de dollars en salaires. En outre, 85 % des employés sont des Tahltans et 94 % sont des membres des Premières Nations. »

Ce que retire M. Asp de cette expérience est que, « si les Tahltans y sont parvenus, toutes les communautés autochtones peuvent le faire ! Il vous faut simplement une vision, une stratégie et un véhicule pour concrétiser cette vision ».

Étant donné sa longue carrière dans l’industrie minière, M. Asp concluait sa présentation en donnant des conseils plus ciblés sur « la façon dont les sociétés peuvent aider les communautés autochtones à devenir plus résilientes et prospères ».

« Tout d’abord, prenez le temps de rencontrer les communautés autochtones et demandez-leur comment elles envisagent l’évolution de cette relation. C’est très important… À un moment donné, vous serez contraints de boire beaucoup de thé. [Ensuite], mettez en pratique ce que préconise le rapport d’Engineers Without Borders (EWB, Ingénieurs sans frontières), intitulé The Mining Industry and Aboriginal Procurement (l’industrie minière et l’approvisionnement auprès des Autochtones). [...] Si vous suivez cette approche, vous contribuerez grandement à faire avancer les choses pour les communautés autochtones et l’industrie minière », indiquait-il. « [Enfin], n’oubliez pas qu’il ne suffit pas de mettre à disposition une source ou un lac pour pêcher, il faut aussi fournir les outils. Car d’après moi, quel intérêt d’avoir des possibilités si l’on ne peut en tirer profit ? »