Le dernier cycle de financement de la société MineSense l’aidera à commercialiser sa technologie d’analyse des minerais ShovelSense. Avec l’aimable autorisation de MineSense
Le 7 décembre 2022, la société MineSense Technologies annonçait avoir conclu un cycle de financement de série E de 42 millions de dollars américains, dirigé par l’équipe de capital-investissement dans la croissance durable de J.P Morgan Asset Management et Evok Innovations. D’après la société, ce fonds de capital-risque axé sur les technologies propres servira à accélérer l’utilisation commerciale de sa technologie de visibilité des données relatives au minerai.
Au moment de l’annonce, MineSense déclarait que ses revenus avaient triplé au cours de l’année qui vient de s’écouler. D’après le cabinet d’audit Deloitte, elle est l’une des sociétés affichant la croissance la plus rapide en Amérique du Nord. Elle n’est toutefois pas la seule. En effet, l’industrie des mines et des métaux connaît sa plus forte hausse d’investissements privés dans la technologie depuis un certain temps.
L’année dernière, un flux régulier de jeunes entreprises du secteur des technologies des mines et des métaux ont amassé d’importantes sommes d’argent, parfois associés à des entités de grande renommée. En février, KoBold Metals et sa technologie d’exploration reposant sur l’intelligence artificielle (IA), financés par Bill Gates, ont recueilli 192,5 millions de dollars américains auprès d’investisseurs tels que le géant minier BHP. Jetti Resources et sa technologie d’extraction du cuivre ont levé 100 millions de dollars américains en octobre avant que BMW n’acquière en décembre une participation non divulguée dans la société. En novembre, le recycleur de batteries Redwood Materials a accepté de fournir des cathodes nickel à Panasonic dans le cadre d’un contrat qui, selon Redwood, s’élève à des milliards de dollars.
Cette liste n’est, bien entendu, pas exhaustive. D’après les données compilées par le groupe Cleantech, les sociétés de technologies des mines et des métaux ont bénéficié d’un financement de 370,6 millions de dollars américains en 2021. L’année suivante, les investissements ont dépassé un milliard de dollars américains, soit près du triple en une année seulement.
Ces ententes n’ont pas surgi de nulle part. La plupart des pays ayant des objectifs de neutralité carbone les ont promulguées entre 2018 et 2020. Pour des pays comme les États-Unis et le Canada, le développement des minéraux essentiels nécessaires à la transition vers une énergie propre constitue une priorité majeure pour l’avenir. D’après Holly Stower, associée principale en charge des ressources et de l’environnement au sein du groupe Cleantech, les chiffres élevés de 2021 ont vu ces engagements de neutralité carbone « se concrétiser », et plusieurs aspects de l’industrie minière sont prêts à subir le bouleversement qui accompagne l’adoption des technologies propres.
« Les métaux nécessaires à la fabrication de batteries sont au cœur du débat. Ils font l’objet d’une forte demande en aval et d’investissements conséquents. Les producteurs de batteries pour véhicules électriques (VÉ) et les producteurs de VÉ en général tentent de sécuriser la chaîne d’approvisionnement en métaux nécessaires à la fabrication de batteries. Les producteurs et les affineurs de lithium connaissent une forte activité, tout comme les sociétés pouvant produire du lithium à partir de sources plus complexes (par exemple, les saumures) », déclarait Mme Stower. « L’électrification des véhicules de l’industrie lourde est une " cible accessible " de la décarbonation des activités minières. En amont, les investissements dans l’imagerie souterraine et la détection des minéraux [augmentent], ce qui rend l’exploitation minière davantage fondée sur les données et mieux informée. »
Avec toutes ces possibilités d’investissement, les fonds commencent à s’y intéresser. L’équipe de capital-investissement dans la croissance durable de J.P Morgan a été créée au début de l’année 2022, forte de 150 millions de dollars américains à investir dans des « solutions promouvant l’efficacité des ressources et l’adaptation aux changements climatiques ». La société de capital-risque BDC a annoncé en novembre la création de son deuxième fonds, Climate Tech Fund II, d’une valeur de 400 millions de dollars américains, faisant suite à son premier fonds de 600 millions de dollars américains en 2018.
Même les sociétés minières commencent à prendre part à l’action. Outre BHP Ventures, la branche dédiée au capital-risque de la société minière lancée en 2020, Vale a annoncé en juin 2022 la création de son unité de capital-risque de 100 millions de dollars américains, baptisée Vale Ventures.
Si la vanne d’injection de fonds semble être ouverte pour les sociétés spécialisées dans les technologies propres, elle ne le sera probablement pas éternellement. Selon un rapport publié par PricewaterhouseCoopers (PwC), il faut s’attendre à une baisse des investissements à la suite de la hausse massive de toutes les technologies propres, compte tenu de la nature souvent cyclique de la conclusion de négociations. Toutefois, selon l’agence internationale de l’énergie (AIE), la demande concernant cinq minéraux critiques essentiels (le lithium, le cobalt, le nickel, le cuivre et le néodyme) pourrait être multipliée par 1,5 à 7 d’ici 2030 si les pays souhaitent respecter leurs engagements en matière de neutralité carbone à l’horizon 2050. En d’autres termes, les technologies contribuant de manière durable à la production de ces matériaux feront probablement l’objet d’autres offres.
Selon Mme Stower, la production durable de minéraux sera essentielle pour que le monde atteigne son objectif de décarbonation.
« Globalement, les technologies dont nous aurons besoin pour le processus de décarbonation nécessitent d’énormes quantités de minéraux. Un VÉ, par exemple, requiert beaucoup plus de composants issus des minéraux et des métaux qu’un véhicule à moteur à combustion interne. La demande en minéraux critiques et en minéraux nécessaires à la fabrication de batteries est importante, mais nous utilisons des techniques et des équipements miniers mis au point il y a 150 ans », indiquait Mme Stower. « De plus, les ressources minérales essentielles sont plus difficiles à trouver et la qualité globale du minerai baisse. Investir dans la durabilité et l’optimisation de l’exploitation minière ne consiste pas seulement à remettre de l’ordre dans la chaîne de valeur des batteries nécessaires aux VÉ. Il faut aussi trouver un moyen durable de fournir les minéraux essentiels à la décarbonation mondiale. »
Traduit par Karen Rolland