L’exploitation de North American Lithium se trouve encore en phase de montée en cadence, et il reste beaucoup à faire. Avec l’aimable autorisation de Sayona Mining Par Matthew Parizot

Le 30 mars dernier, Sayona Québec annonçait la réouverture réussie de son exploitation de North American Lithium (NAL). Et c’est ainsi que l’unique source majeure de concentré de spodumène en Amérique du Nord a rouvert ses portes.

Actuellement, la mine prévoit une production de 226 000 tonnes de concentré de spodumène pour les quatre années à venir. La première expédition aura lieu en juillet 2023. Sayona compte actuellement deux acheteurs principaux pour le produit de la mine. Le premier, LG Chem, a signé un accord d’écoulement de la production pour 200 000 tonnes sur quatre ans, et le second, le constructeur automobile géant Tesla, a acheté 125 000 tonnes sur trois ans.

À ce jour, Sayona Québec a investi 98 millions de dollars dans l’acquisition de NAL, et 55 millions de dollars dans la remise en service de l’exploitation de l’Abitibi, au Québec, pour la mener jusqu’au stade de la production. La mine a une longue histoire en termes de changement de propriétaires. Le premier propriétaire, Canada Lithium, a eu beaucoup de mal à atteindre la production commerciale. Après une fusion et acquisition avec Sirocco Mining et un changement de nom en RB Energy, les activités ont été suspendues en 2014, et la société a fini par déposer le bilan. Les activités à la mine ont repris en 2017, mais la chute des prix du lithium a obligé la société à placer l’exploitation en mode de soins et maintenance en 2019. La même année, NAL, une filiale de l’entreprise chinoise Contemporary Amperex Technology Co. Ltd (CATL), a déposé une demande de protection de la loi sur les faillites.

Sayona Québec, une entreprise commune à 75 % - 25 % entre la société minière australienne Sayona Mining et la société américaine Piedmont Lithium, a acheté NAL en août 2021. Les nombreux précédents propriétaires avaient déjà investi des sommes considérables dans l’exploitation, notamment pour la construction de la mine à ciel ouvert, l’usine de broyage, le concentrateur, l’usine de flottation et plus encore. Patrick Brindle, vice-président directeur et directeur de l’exploitation de Piedmont, estimait qu’environ 400 millions de dollars avaient déjà été investis dans l’exploitation lorsque Sayona l’a rachetée. Ceci a permis à la société de se concentrer sur les améliorations des procédés pendant les 18 mois nécessaires pour sortir l’exploitation du mode de soins et maintenance.

« Ce projet était en cours de réalisation depuis longtemps, et nous sommes heureux qu’il se soit enfin concrétisé », indiquait-il.

La majeure partie du capital que Sayona a investi visait à optimiser le rendement du concentrateur. « [Il] a vraiment fallu s’appuyer sur les connaissances développées par l’ancienne équipe de l’exploitation et de direction en termes de ce qui serait nécessaire pour désengorger l’exploitation et pour améliorer la disponibilité mécanique, la capacité, la récupération et la teneur », indiquait M. Brindle. « Il n’y avait pas de secret. Il s’agissait vraiment de réunir les recommandations de la direction et de les assembler en un programme exhaustif d’amélioration d’anciens sites industriels. »

L’exploitation se trouve encore dans une phase de montée en cadence, et il reste beaucoup à faire. Il faudra notamment ajouter une décharge supplémentaire pour le stockage du minerai broyé, finaliser un monte-charge pour la digue à stériles et mettre à niveau la sous-station.

Sayona a publié une étude de faisabilité définitive le 14 avril qui décrit la mine de NAL et inclut son projet Authier d’extraction du lithium, également situé dans la région de l’Abitibi. D’après l’étude, la valeur actualisée nette après déduction des impôts de NAL est d’environ 1,4 milliard de dollars, avec un taux d’actualisation de 8 % et une durée de vie de 20 ans. La mine aura la possibilité d’élargir son programme de forage de 50 000 mètres prévu pour cette année. Ses réserves prouvées et probables totalisent 235 000 tonnes d’oxyde de lithium contenu issues de 21,7 millions de tonnes à une teneur de 1,08 %. Sayona prévoit aussi de publier une étude de préfaisabilité sur l’achèvement total et le redémarrage de l’usine de carbonate de lithium de NAL durant le premier semestre de cette année.

Les véhicules électriques (VÉ) sont le principal moteur de la demande en lithium, car il s’agit du métal principal nécessaire à la fabrication des batteries. D’après le cabinet de conseil McKinsey, 60 % du lithium est destiné aujourd’hui aux applications relatives aux batteries. Ce chiffre pourrait atteindre 95 % d’ici 2030. Toutefois, toujours d’après McKinsey et l’agence internationale de l’énergie (AIE), la demande de ce métal devrait dépasser l’offre d’ici le début de la prochaine décennie si aucun nouveau projet n’est lancé. L’AIE prévoyait une hausse de la demande de l’ordre de trois à sept fois d’ici 2030, en fonction de l’agressivité dont feront preuve les pays pour décarboner leurs économies. Quant à McKinsey, il estimait que l’offre mondiale à compter de 2030 serait 55 % inférieure à ce qui est requis.

Toutefois, en dépit de la demande prévue, les facteurs économiques à court terme présentent un tableau bien différent. Après avoir atteint un pic à 600 500 yuans chinois (l’équivalent de 117 000 dollars) par tonne en novembre 2022, le prix au comptant a considérablement chuté en 2023 après que CATL a offert aux constructeurs automobiles des réductions pour son carbonate de lithium de qualité requise pour la fabrication des batteries. Comme l’indiquait Reuters, des analystes de Goldman Sachs prévoient que l’offre remonte la pente d’environ 34 % par an jusqu’en 2025, devançant un taux de croissance annuel de la demande de 25 %.

D’autres projets d’extraction du spodumène sont en cours au Québec, notamment la mine de Whabouchi de Nemaska Lithium et la propriété Corvette de Patriot Battery Metals. On assiste également à un élan pour trouver d’autres sources de lithium, notamment le projet d’E3 Lithium d’extraire ce métal des saumures contenues dans l’aquifère Leduc d’Alberta. M. Brindle considère toutefois qu’il est extrêmement important pour le premier fournisseur principal en Amérique du Nord d’essayer de prouver qu’il est possible de créer un marché des métaux pour batteries sur ce continent.

« Les économies occidentales adoptent un récit selon lequel il faut créer des écosystèmes favorables à la fabrication de batteries hors de Chine », ajoutait-il. « La performance à North American Lithium est véritablement importante et sera suivie de près par le marché et par les gouvernements dans les mois à venir et jusqu’à l’année prochaine, car nous souhaitons montrer que l’Amérique du Nord en général, et le Québec en particulier, peuvent être des producteurs fiables d’unités de lithium. »

Traduit par Karen Rolland