D’après la National Oceanic and Atmospheric Administration, la prolifération d’algues (ou efflorescence algale) est créée par des cyanobactéries, des algues bleu-vert qui produisent des toxines posant des risques à la santé humaine et animale, et ayant des incidences sur les communautés qui dépendent du lac Erie. Avec l’aimable autorisation de l’Agence spatiale européenne

Des chercheurs de l’université Brock à St. Catharines, en Ontario, étudient l’extraction du cuivre dans les efflorescences algales. Vaughn Mangal, professeur adjoint de chimie et Reem Mahamoud, étudiante de quatrième année de chimie, ont fait équipe avec Destiny Copper, une société d’extraction du cuivre située à Thorold, en Ontario, pour mener un projet de validation de principe d’une année qui implique de mener des essais en laboratoire afin d’évaluer la quantité de cuivre que l’on peut extraire des algues en conditions contrôlées.

En 2020, Destiny Copper a obtenu une place au sein de la pépinière d’entreprises BioLinc de l’université pour ses recherches visant à développer une méthode d’extraction du cuivre à partir de petits gisements non viables, en procédant à sa lixiviation avec de l’eau et des produits chimiques à partir de minerai concassé, créant une solution de sulfate de cuivre. Cette solution, nommée « jus bleu », est ensuite traitée pour produire des granules de cuivre. C’est l’une des méthodes qu’utilise l’équipe pour extraire le cuivre des efflorescences algales.

Accumulation de cuivre dans les efflorescences algales

M. Mangal indiquait dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine que son inspiration pour le projet d’extraction du cuivre dans les algues lui était venue de la phytoremédiation, une pratique consistant à utiliser les plantes, les champignons ou les algues pour restaurer des zones polluées en éliminant les contaminants de l’environnement. Selon lui, les efflorescences algales doivent accumuler de petites quantités de nutriments pour leur croissance, et le cuivre finit par être l’un de ces micronutriments.

« Nous utilisons l’accumulation par les algues du cuivre dans leurs cellules comme stratégie de remédiation », indiquait-il dans un courriel de suivi à l’équipe du CIM Magazine. Une fois qu’elles accumulent du cuivre provenant de l’eau dans leurs cellules, ces efflorescences peuvent être récoltées et le cuivre extrait pour des cas d’usage industriels.

« La phytoremédiation est utilisée dans des situations de déversements d’hydrocarbures et d’autres types de polluants qui sont exposés à l’environnement », déclarait M. Mangal.  « Ce type de remédiation est différent. Normalement, on procède avec des plantes pour retirer les métaux accumulés par le sol, mais les algues servent de phytoremédiation pour extraire et retirer une partie du cuivre [de l’eau]. »

L’augmentation de l’azote, du potassium et du phosphore en raison de l’activité agricole et industrielle autour du lac Erie, associée à l’élévation des températures, ont contribué à la prolifération des algues. L’association de cette grande couverture d’algues, d’une eau chaude et de l’apport en substances nutritives a fait du lac Erie un bon candidat pour exploiter les algues, indiquait M. Mangal dans un courriel à l’équipe du CIM Magazine.

« Notre groupe a étudié les concentrations de cuivre dans les sols et l’eau des régions sublittorales du lac Erie à Port Colborne, en Ontario », écrivait-il. « Les concentrations de cuivre dissous étaient supérieures à celles d’autres cours d’eau de la région. Elles pourraient représenter une source d’évacuation du cuivre dans le lac Erie. »

D’après l’Environmental Protection Agency (EPA, l’agence américaine de protection de l’environnement), le lac Erie étant le plus chaud et le moins profond des Grands Lacs, il est davantage prédisposé à l’apparition d’efflorescences algales.

M. Mangal indiquait à l’équipe du CIM Magazine que MmeMahamoud et lui recueillaient des échantillons d’algues pour extraire le cuivre qui serait sinon perdu ou recyclé dans les Grands Lacs.

Tout au long de l’été, les chercheurs ont recueilli des échantillons d’algues Cladophora à divers endroits des régions sublittorales du lac près de Port Colborne. Ils les ont ensuite mis en incubation pendant près d’une semaine avant que Mme Mahamoud mène des expériences avec divers acides pour les décomposer.

Méthodes d’extraction innovantes

L’équipe met à l’essai trois ou quatre méthodes de digestion chimiques ou physiques afin de déterminer laquelle fonctionnerait le mieux pour extraire le cuivre des cellules d’algues, avant de placer la solution dans une chambre d’extraction à Destiny Copper de manière à optimiser l’extraction du cuivre des efflorescences algales. Mme Mahamoud expliquait qu’il faut encore perfectionner ces méthodes et résoudre certains problèmes pour déterminer le meilleur moyen de maximiser la quantité de cuivre extraite des efflorescences algales.

M. Mangal indiquait que Destiny Copper utilise la chimie rédox pour extraire le cuivre des efflorescences. « C’est un procédé relativement simple qui utilise certains des principes chimiques fondamentaux pour extraire ce cuivre d’une solution contaminée », écrivait-il.

Il ajoutait que dans des systèmes contrôlés, les équipes ont observé une élimination de 80 % du cuivre dans la solution environnante. Ceci indique que les algues accumulent la plupart du cuivre pénétrant les systèmes aquatiques, particulièrement en été lorsque les efflorescences algales deviennent plus fréquentes.

Les débuts

Si cette recherche peut s’avérer utile pour l’industrie minière en ouvrant les portes à l’extraction de différents types de métaux dans les efflorescences algales, M. Mangal indiquait que les travaux n’en sont qu’à leurs balbutiements. Jusqu’ici, de petites quantités de cuivre ont été extraites des efflorescences, et il faudra encore du temps et des expérimentations avant que les algues puissent être considérées comme une source de cuivre fiable. S’il devient viable, le procédé pourrait être extrapolé à d’autres métaux de base tels que le nickel et le zinc.

D’après M. Mangal, la recherche pourrait s’avérer utile pour l’industrie minière car elle explore d’autres sources d’extraction de métaux traces et de ressources dans l’environnement.

« Obtenir les ressources, que ce soit par le biais d’incitations provinciales ou fédérales, pour lancer ces initiatives d’assainissement, reste le plus grand obstacle pour commercialiser ce procédé ou le rendre plus aisément exploitable », écrivait-il.

L’équipement spécial du Validation, Prototyping and Manufacturing Institute (l’institut de validation, de prototypage et de fabrication) de l’université Brock a été utilisé par l’équipe pour ces expériences, qui se sont achevées en septembre. L’analyse et les résultats de la recherche sont attendus l’année prochaine.

L’équipement inclut un spectromètre de masse à plasma couplé par induction, qui aide à la quantification des traces de cuivre. En supplément, l’équipe a également accès à la microscopie électronique à balayage, qui permet de visualiser l’internalisation du cuivre par les algues.

La recherche se poursuivra si le projet de validation de principe continue de générer de bons résultats. L’équipe prévoit de revenir au lac Erie l’été prochain pour récolter plus d’échantillons d’algues et pour détecter les problèmes des méthodes qu’ils ont développées en laboratoire afin de vérifier leur viabilité. 

Traduit par Karen Rolland