L’exploitation de Hemlo de Barrick Gold Corporation en Ontario (en photo). Barrick Gold Corporation annonçait dans un communiqué de presse du 28 novembre 2023 qu’elle s’investit activement depuis des années dans l’élaboration d’une norme consolidée en faveur de l’exploitation minière responsable. Avec l’aimable autorisation de Barrick Gold
Quatre grandes organisations minières s’efforcent de fusionner leurs normes et codes facultatifs respectifs en matière d’exploitation minière responsable dans l’optique d’élaborer une norme unique pour l’industrie minière.
Ce travail de fusion mené par l’International Council on Mining & Metals (ICMM, le conseil international pour les mines et les minéraux), l’AMC (l’association minière du Canada), The Copper Mark et le World Gold Council (WGC, le conseil mondial de l’or) intervient à la suite des requêtes des investisseurs, de la société civile, des législateurs et des clients en aval, ainsi que des membres de l’industrie, de créer une norme commune.
« J’ai été impliqué par le passé dans l’industrie et l’élaboration des normes, et nous avons assisté à une véritable croissance organique des initiatives en matière de normes relatives à l’exploitation minière responsable. On pourrait les comparer à la floraison de mille fleurs et, à bien des égards, c’est quelque chose de positif et de sain. Jusqu’à ce que la situation prenne un autre tournant », déclarait Aidan Davy, codirecteur général de l’ICMM, dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine. « Les choses sont trop complexes et difficiles à appréhender pour les différents groupes de parties prenantes. C’est ce qui nous a poussés à nous engager sur cette voie. »
Les organisations indiquaient que cette norme consolidée pourrait avoir l’étendue la plus vaste de toutes les normes facultatives en matière d’exploitation minière responsable élaborées jusqu’à présent. En effet, si tous leurs membres y participent, elle serait appliquée dans un premier temps par plus de 80 sociétés minières dirigeant environ 700 exploitations dans près de 60 pays. D’après M. Davy, la « plus grande récompense » est la capacité potentielle à faire évoluer les choses à grande échelle en atteignant des sociétés qui n’ont pas participé dans le passé.
« Quand on pense à la capacité de mettre en œuvre l’une de ces [quatre normes], on se rend compte qu’elles sont aujourd’hui bloquées par un système d’adhésion payant », indiquait-il. « Imaginez un avenir où la norme serait confiée à une entité indépendante et où l’adhésion ne serait plus un obstacle. Cela permettrait à un plus grand nombre de sociétés de participer à cet effort. »
Pierre Gratton, président et directeur général de l’AMC, expliquait à l’équipe du CIM Magazine que l’ICMM a contacté les autres partenaires au début de l’année 2023 et que les quatre organisations ont collaboré pour élaborer une première version de la norme commune l’année dernière. Cette version a été envoyée à deux groupes consultatifs composés de membres de l’industrie et de parties prenantes afin de recueillir leurs avis, ce qui a suscité de « nombreuses remarques », indiquait-il.
« Ce n’est pas une mince affaire et cela va prendre du temps », expliquait-il. « Les possibilités offertes par une norme commune et globale soutenue par autant de sociétés intéressent beaucoup de monde, et pas seulement l’industrie. Toutefois, cela demandera beaucoup de travail. L’important n’est pas seulement de savoir à quoi elle ressemblera [en fin de compte], mais aussi la manière dont nous y parviendrons, et le fait que les parties prenantes auront la possibilité de participer à son élaboration. »
M. Davy indiquait que les associations espèrent pouvoir soumettre une version préliminaire comprenant les commentaires des groupes consultatifs à la consultation publique au cours de l’année 2024.
Associer quatre normes différentes
Les organisations expliquaient qu’elles retiennent les meilleurs éléments de chaque norme individuelle comme fondement de la nouvelle norme. Parmi ces éléments figurent les principes miniers de l’ICMM, le système de performance de l’initiative Vers le développement minier durable (VDMD) de l’AMC, le cadre d’assurance The Copper Mark ainsi que les principes d’exploitation aurifère responsable du WGC.
Les principes miniers de l’ICMM fixent les exigences environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) applicables à ses membres, à travers 39 objectifs de performance en matière de pratiques commerciales éthiques, de santé et de sécurité, de gestion des risques et plus encore, ainsi que neuf prises de position de la part du conseil concernant les enjeux auxquels l’industrie est confrontée, notamment la transparence des revenus de l’exploitation minière, le changement climatique, l’intendance de l’eau et la gestion des résidus miniers.
Le programme VDMD de l’AMC évalue les performances sociales et environnementales des sociétés au niveau des sites miniers sur la base de 30 indicateurs de performance. Ces derniers prennent notamment en compte les relations avec les Autochtones et les collectivités, la prévention contre le travail des enfants et le travail forcé, la gestion de la biodiversité et de la conservation ainsi que la gestion des crises. Tous les trois ans, les sociétés doivent faire valider leurs résultats par un organisme de vérification indépendant reconnu par l’AMC.
Elles doivent également prévenir un mois à l’avance les collectivités vivant à proximité des mines afin qu’elles puissent participer si elles le souhaitent. Par ailleurs, les sociétés doivent publier leurs performances. Onze associations minières dans le monde ont adopté le programme VDMD depuis son lancement en 2004.
The Copper Mark est un ensemble de normes relatives à l’exploitation minière responsable du cuivre, du nickel et du zinc. Elles concernent, pour ne citer que quelques exemples, l’engagement des parties prenantes, les chaînes d’approvisionnement responsables, la négociation collective, la santé et la sécurité, l’action climatique et la réduction des gaz à effet de serre, ainsi que les droits de l’homme. Les sociétés qui y adhèrent réalisent des évaluations au niveau des sites et doivent ensuite les faire vérifier par une entité indépendante. Plus de 20 % du cuivre mondial est actuellement produit par des exploitations certifiées par The Copper Mark.
Les principes d’exploitation aurifère responsable du WGC portent sur les critères ESG qui s’appliquent aux exploitations aurifères. Ils concernent la conduite éthique, les droits du travail et l’utilisation des terres ainsi que la fermeture des mines. Les sociétés qui y adhèrent doivent en rendre compte publiquement et obtenir une garantie indépendante qui confirme leur conformité à ces principes.
Les avantages, sans les inconvénients
M. Davy expliquait que les quatre partenaires se sont engagés à mettre en place un système de gouvernance multipartite pour encadrer la norme, comme le font actuellement VDMD et The Copper Mark. En ce qui concerne la norme en elle-même, il indiquait que l’ICMM ainsi que le WGC reposent tous les deux sur des principes qui couvrent un éventail plus large de critères, là où les programmes VDMD et The Copper Mark ont moins de domaines de performance, mais dont l’approche est beaucoup plus normative. D’après lui, la norme commune associera les deux approches et sera, à terme, plus normative, tout en couvrant un large éventail de thèmes.
Il prévoit également que la norme sera encadrée par un processus d’assurance qui implique des organismes tiers indépendants, en conformité avec les principes du programme VDMD, de The Copper Mark et du WGC, plutôt que par les autoévaluations que prévoient les principes de l’ICMM.
M. Davy évoquait toutefois une question qui reste sans réponse, à savoir comment garantir un processus d’assurance « suffisamment solide » sans que les coûts ne soient excessifs pour les plus petites sociétés qui désirent y participer.
Il n’a pas souhaité dévoiler le nom des membres du groupe multipartite et du groupe consultatif de l’industrie tant que la norme n’aura pas été soumise à la consultation publique. Il précisait toutefois que le groupe multipartite est composé de représentants de la communauté d’investisseurs, d’acheteurs de produits issus de l’extraction minière, de la société civile et d’organisations internationales. Le groupe consultatif de l’industrie est représenté par diverses zones géographiques, matières premières et sociétés qui ont participé à chacune des quatre normes.
Barrick Gold Corporation annonçait dans un communiqué de presse du 28 novembre 2023 qu’elle « s’investit activement » depuis des années dans l’élaboration d’une norme consolidée en faveur de l’exploitation minière responsable. Elle siège au comité consultatif de l’industrie, et est membre de trois des organisations.
Mark Bristow, président et directeur général de Barrick Gold Corporation, indiquait dans ce communiqué que la société soutenait l’initiative et qu’elle était depuis longtemps en faveur de la fusion des normes.
« Disposer d’une norme unique en matière d’exploitation minière responsable ne servira pas seulement à nous indiquer clairement comment bien faire. Elle permettra aussi de réduire la complexité liée à la multitude de normes qui existent actuellement », concluait M. Bristow.
Traduit par Karen Rolland