La mine de Matawinie de NMG se situe à 120 kilomètres au nord de Montréal, Québec. Avec l’aimable autorisation de NMG
La société québécoise Nouveau Monde Graphite (NMG) a récemment fait état de l’avancement de son programme d’électrification pour Matawinie, une mine de graphite à ciel ouvert située près du village de Saint-Michel-des-Saints, au Québec.
La société s’est engagée à procéder à l’électrification totale de l’équipement qu’elle utilise pour ses activités minières, ainsi que ses activités de concentration de minerai et de traitement, dans les cinq premières années d’exploitation de Matawinie. Cela en ferait la première mine à ciel ouvert entièrement électrique au monde selon l'entreprise. Pour atteindre cet objectif, NMG a fait équipe avec Caterpillar, qui sera le fournisseur d’équipement minier lourd de NMG, assurant la transition progressive des modèles traditionnels alimentés au diesel vers des machines fonctionnant entièrement à l’électricité.
Dans un communiqué de presse du 6 octobre dernier, NMG indiquait que les deux sociétés ont finalisé un partenariat et établi un calendrier pour tester l’équipement sur place, et pour organiser la transition vers des modèles de production n’émettant aucun gaz d’échappement. La chargeuse sur pneus 950 GC de Caterpillar serait le premier modèle pilote à batterie à être utilisé par les sociétés à la mine de Matawinie.
« Ces progrès soutiennent aussi la planification des besoins en infrastructure de recharge », lisait-on dans le communiqué de NMG. « En modélisant et en simulant l’emplacement des bornes de recharge, le fonctionnement de l’équipement sur place ainsi que les cycles de recharge par rapport aux activités quotidiennes et au plan minier, les équipes sont à même d’optimiser la conception du site et les choix technologiques. La simulation des besoins en recharge permet d’identifier la puissance maximale demandée et d’élaborer des stratégies de gestion de l’énergie. »
« Nous disposons désormais d’un plan clair que nous sommes tous prêts à mettre en pratique », déclarait Éric Desaulniers, président et directeur général de NMG à l’équipe du CIM Magazine dans un entretien. « Notre parc compte beaucoup d’équipement différent, qu’il s’agisse de dépanneuses, de chargeuses ou d’excavatrices, [et] le calendrier de leur électrification est très précis. L’idée est d’avoir [en premier lieu] l’équivalent diesel, de recevoir un prototype et d’assurer la productivité, puis de passer progressivement à une version électrifiée. »
Il ajoutait que ce projet d’électrification est unique dans l’industrie. « Caterpillar développe la toute première solution intégrale à ciel ouvert. Cela ne concerne pas que l’équipement, mais aussi les bornes de recharge, toute l’infrastructure entourant le projet ainsi que les solutions sur le chantier [qui seront totalement électrifiées] », ajoutait M. Desaulniers.
Selon lui, grâce à son rôle plus actif dans le projet minier de Matawinie, Caterpillar montrera à d’autres sociétés minières la valeur d’adopter un équipement durable. « L’idée était de collaborer avec Caterpillar et [d’autres fabricants d’équipement] en faveur de la transition », expliquait M. Desaulniers. « Notre plus grand progrès est d’être parvenus à intéresser une entreprise de l’envergure de Caterpillar. »
Nouvelles sources de production de graphite
Une fois opérationnelle, la mine devrait produire 103 000 tonnes de concentré de graphite à haute teneur par année. Elle pourrait devenir la plus grande mine de graphite d’Amérique du Nord et d’Europe.
« Nos gisements sont exceptionnels », déclarait M. Desaulniers. « C’est notre chance et notre devoir de développer ces projets sur le marché nord-américain. »
La pression pour obtenir de nouvelles sources de production de graphite en Amérique du Nord et en Europe est à son comble. À compter du 1er décembre 2023, la Chine, plus grand pays producteur de graphite au monde, limitera la quantité de graphite qu’elle exporte en contraignant les sociétés étrangères à demander des permis les autorisant à réceptionner les expéditions de graphite brut et synthétique.
NMG cherche à s’imposer en tant que chef de file dans la production de matériel d’anode en dehors de la Chine, et devrait devenir le plus grand producteur totalement intégré de graphite naturel en Amérique du Nord. « [Nous devons] montrer que nous savons fabriquer le bon produit et trouver la bonne solution pour tout un éventail de clients », indiquait M. Desaulniers. « En d’autres termes, il s’agit de nous imposer en tant que fournisseur de confiance de ce matériel d’anode. »
Renforcer le permis social
Comme le décrit le communiqué du 6 octobre, la motivation de NMG de transformer la mine de Matawinie en une exploitation fonctionnant intégralement à l’électricité provenait de plusieurs facteurs. D’une part, la société souhaitait limiter son empreinte carbone, engager le dialogue avec les fabricants de batteries et de véhicules électriques (VE) et obtenir l’appui de la communauté environnante pour le développement.
David Francis Lyon, président de la société de génie Zero Nexus, qui avait déjà travaillé avec NMG en tant que conseiller, déclarait que le programme d’électrification de NMG est révolutionnaire, non seulement concernant le développement d’une mine à ciel ouvert entièrement électrique, mais aussi en raison de l’attention que la société accorde au permis social d’exploitation.
« Si l’on élimine le diesel, on élimine aussi une bonne partie du bruit, de la poussière, et de la pollution dont souffre la communauté locale », indiquait M. Lyon.
La transition vers un équipement entièrement électrique aura un fort impact pour les sociétés minières qui souhaitent réduire leurs émissions de CO2. D’après M. Lyon, beaucoup d’activités portaient sur les solutions électriques pour l’exploitation minière à ciel ouvert au cours des 9 à 12 mois derniers, notamment pour les camions de transport de catégorie ultra-class, dont l’électrification pourrait potentiellement rapporter beaucoup de dividendes. « Ce sont les plus gros émetteurs sur un site minier », expliquait-il. « Dans les [plus] grandes sociétés minières, trouver une solution pour ces camions de transport permettrait d’éliminer une bonne partie de la pression qu’elles subissent pour atteindre leurs objectifs de décarbonation. »
De la mine au marché
La société exploite le réseau hydroélectrique du Québec à sa mine de Matawinie et à son usine de matériau pour batterie de Bécancour, qui récupérera le graphite de la mine et le traitera en un matériau très pur pour batterie. NMG s’est récemment vu octroyer par Hydro-Québec un bloc d’électricité de 77 mégawatts (MW) pour l’usine de matériaux pour batterie de Bécancour. Elle prévoit d’y créer une plateforme de fabrication avancée totalement intégrée pour affiner son concentré de graphite en du matériel d’anode actif pour batteries. « Nous avons tout ce dont nous avons besoin [à Bécancour], et nous prévoyons d’y produire 42 000 tonnes de produits finis et traités », indiquait M. Desaulniers. « Nous sommes en train de déposer toutes les demandes de permis nécessaires pour construire une ligne d’hydroélectricité de 14 kilomètres [pour la mine de Matawinie] avec Hydro-Québec, qui acheminera les ressources jusqu’au site… L’arrivée de l’électricité sur le site avance comme prévu. »
En début d’année, NMG et Caterpillar ont aussi signé une déclaration commune d’intention non contraignante pour établir une chaîne de valeur circulaire intégrale qui transformerait le graphite de NMG de minerai en un matériau pour batterie, et qui alimenterait le parc électrique à la mine de Matawinie.
Prochaines étapes
M. Desaulniers indiquait que NMG cherche encore à atteindre des étapes clés, surtout en termes de financement d’un tel projet. « Si le seul problème était la mine, nous aurions déjà terminé », indiquait-il. « [Mais] c’est aussi la transformation de ce produit en un matériau pour batterie qui est complexe. On passe d’un abattage à l’explosif et d’une exploitation minière qui est généralement très sale, à un niveau de propreté chirurgicale où la qualité est extrêmement importante. »
Les premiers travaux de construction sont en cours sur le site minier. NMG vient de terminer une route d’accès de huit kilomètres et la majeure partie du travail préparatoire sur la plateforme industrielle. D’après M. Desaulniers, la société a aussi terminé ses premiers travaux environnementaux, notamment un bassin de décantation pour gérer l’eau et s’assurer que le site respecte les normes environnementales. La société a également récemment désigné la société de construction canadienne Pomerleau comme responsable de la construction pour l’étape de préconstruction sur les deux sites. « [Notre] prochaine grande étape consistera à ériger le bâtiment et poser les fondations, [puis] nous nous concentrerons sur la construction du concentrateur », expliquait M. Desaulniers. « Le [prochain] grand tournant sera de recueillir plus d’un milliard de dollars pour commencer la construction à grande échelle des projets. »
Une fois le financement du projet de la mine de Matawinie terminé, M. Desaulniers indiquait que la société accélérera aussi ses travaux à son projet minier d’Uatnan, situé au gisement de graphite du Lac Guéret de Mason Graphite, dans la région Côte-Nord du Québec. D’après la dernière évaluation économique préliminaire (ÉÉP), ce projet distinct et bien plus vaste devrait produire environ 500 000 tonnes de concentré de graphite annuellement sur 24 ans. Il deviendrait alors la plus grande mine de graphite naturelle au monde, Chine y compris. La société prévoit aussi de mener une étude de faisabilité sur le projet en 2024.
Pour M. Lyon, les progrès constants de NMG en matière d’électrification ne sont pas seulement un signe positif pour l’électrification dans l’espace minier, mais également une note positive pour l’ensemble de l’industrie minière canadienne. « La majeure partie de l’électrification a lieu, de loin, au Canada, ce qui confère à l’industrie minière du pays une place unique », ajoutait-il.
« Nous sommes des chefs de file dans [cette] technologie… L’industrie minière canadienne pourra partager [les] enseignements tirés avec le reste du monde. »