(de gauche à droite) le modérateur Robin Stickley, aux côtés des conférenciers Freda Campbell, Phillips S. Baker, Jr., Ali Pejman et Jason Sangha
L’édition 2024 de CIM Connect a commencé par la traditionnelle séance plénière d’ouverture, qui s’est tenue le 13 mai. Cette séance s’intéressait à l’avantage décisif du Canada dans la transition énergétique mondiale. Michael Cinnamond, président sortant de l’ICM, a brièvement pris la parole pour présenter la toute nouvelle identité de la marque ICM, avant de présenter le journaliste primé Robin Stickley dans son rôle de modérateur de la séance du groupe d’experts de la matinée.
Mme Stickley a invité sur la scène Freda Campbell, professionnelle indépendante spécialisée dans la mobilisation et la formation, Phillips S. Baker, Jr., président et directeur général de Hecla Mining Company, Ali Pejman, partenaire des services bancaires d’investissement à Fort Capital et Jason Sangha, vice-président à la planification et la stratégie de la division des métaux communs à Teck Resources.
Mme Stickley a lancé le débat entre les quatre conférenciers en citant une phrase de Jonathan Wilkinson, ministre de l’énergie et des ressources naturelles du Canada, prononcée lors du lancement de la stratégie canadienne sur les minéraux critiques en décembre 2022. « Nous devons accélérer le pas. Le Canada ne peut pas se permettre des délais de 12 à 15 ans pour l’ouverture de mines s’il souhaite atteindre ses objectifs dans le contexte de la transition énergétique. » Mme Stickley a demandé au groupe d’experts comment atteindre un équilibre lorsqu’il s’agit de répondre à la demande en minéraux critiques sans augmenter les risques dans des domaines décisifs tels que les relations avec les communautés des Premières Nations.
Mme Campbell évoquait l’importance des sociétés minières et d’autres parties prenantes qui cherchent à établir des relations authentiques avec les communautés autochtones et à développer une collaboration sérieuse avec elles. Malgré les efforts pour y parvenir, elle indiquait que « créer des liens avec les peuples autochtones prend du temps » et n’est pas une question qu’il faut bâcler.
M. Sangha réitérait l’importance du point de vue de Mme Campbell, ajoutant qu’il faut trouver un équilibre entre l’accélération du processus de délivrance de permis pour la mine et la création de relations non transactionnelles avec les peuples autochtones.
M. Baker reconnaissait que, si les délais d’obtention des permis doivent être réduits, le processus au Canada reste toutefois considérablement plus rapide que le processus de délivrance de permis aux États-Unis, qu’il considère « fracturé » et « souvent dicté par des poursuites ».
La conversation s’est ensuite orientée vers l’investissement dans les ressources du Canada. À ce propos, M. Pejman évoquait l’Australie comme exemple clé d’un pays ayant un écosystème d’investissement plus vaste en faveur de l’industrie minière. « La communauté d’investisseurs en Australie est très solide », déclarait-il.
Une question soulevée par un membre du public a entraîné des réactions mitigées de la part des conférenciers. Elle demandait la raison pour laquelle le processus de délivrance de permis devait être accéléré sachant que « nous détruisons plus rapidement les terres que nous ne les assainissons ». M. Baker a rejeté ce point de vue, indiquant que le Canada est « remarquable » dans ses efforts de remise en état. « Il s’agit d’une perception, et non d’une réalité », indiquait-il, qualifiant les personnes prétendant le contraire d’être « mal informées ».
M. Sangha a réitéré le point soulevé par M. Baker, faisant remarquer que cette perception n’est pas le reflet de la réalité dans l’industrie minière contemporaine. « Je suis convaincu que si le public avait une plus grande visibilité des efforts que déploient les sociétés pour protéger les terres, mais aussi pour diversifier la nature… ainsi que de notre collaboration avec les communautés autochtones pour surmonter certaines de ces difficultés, il se rendrait compte que le pendule pointe dans une autre direction ces 20 à 30 dernières années », indiquait-il. Il mentionnait l’initiative Nature positive de Teck Resources comme exemple de l’amélioration des efforts en matière d’assainissement des mines. L’objectif premier de cette initiative est de préserver ou de réhabiliter au minimum trois hectares de terres pour chaque hectare impacté par les activités minières de la société.
M. Pejman indiquait que nombre de récits positifs ne font pas la une de la presse généraliste, par exemple concernant les efforts d’assainissement des sites miniers ou les répercussions positives de l’industrie minière sur les communautés. « Ce sont des informations positives, mais qui ne sont pas relayées au public », indiquait-il. « Nous sommes face à une bataille difficile [en ce qui concerne] la perception de l’industrie minière. On ne s’en vante pas beaucoup, et aucune campagne ne parle vraiment des répercussions positives de l’exploitation minière. » M. Pejman ajoutait que la presse a tendance à se focaliser sur les situations négatives dans l’industrie minière, par exemple les catastrophes environnementales.
L’attention a tourné à l’avantage du Canada par rapport à d’autres pays à tradition minière, notamment en ce qui concerne les minéraux critiques. D’après M. Baker, le Canada a un avantage considérable à cet égard, notamment un gouvernement stable et une offre variée de minéraux critiques. Il comparait brièvement les possibilités d’exploitation minière du Canada à celles du Mexique, pays qui a récemment proposé une interdiction des mines à ciel ouvert, ce qui a entraîné la suspension de certains projets miniers menés dans le pays.
M. Sangha partageait l’avis de M. Baker concernant la stabilité du Canada par rapport à d’autres pays. « Nous bénéficions de cette stabilité au sens large, que nous tenons souvent pour acquise au Canada. On ne se rend pas toujours compte à quel point il peut être difficile, dans d’autres pays du monde, de tout mettre en œuvre pour développer un projet et le faire avancer », ajoutait-il. « On a tendance à penser que le monde entier fonctionne de la même manière que l’Amérique du Nord, mais ce n’est pas le cas. »
Mme Campbell poursuivait en se concentrant sur certains domaines dans lesquels le Canada peut mieux faire s’il souhaite préserver son avantage. Une amélioration importante, selon elle, consisterait à tirer profit des compétences techniques variées des travailleurs autochtones et des étudiants à l’échelle locale.
La dernière demi-heure du débat s’est de nouveau tournée sur le thème des perceptions à l’égard de l’industrie minière, et sur la manière dont l’industrie peut continuer à améliorer sa réputation. M. Sangha a préconisé une plus grande participation des Autochtones dans l’industrie, mais a aussi appelé à renforcer la diversité des genres. « Au Canada, nous avons fait de grands progrès [en matière de diversité des genres] au cours des dix dernières années, mais il reste encore beaucoup à faire. » Mme Campbell évoquait brièvement son expérience personnelle en tant que femme autochtone dans l’industrie minière. Lorsqu’elle a commencé sa carrière, expliquait-elle, on lui a souvent dit que « les femmes n’avaient pas leur place dans le secteur minier ».
Une autre étape importante dans l’évolution des perceptions à l’égard de l’industrie explorée durant la séance concernait la défense de l’exploitation minière et le débat sur ce thème avec des personnes ne travaillant pas dans cette industrie. M. Sangha attirait l’attention sur le fait que ces conversations doivent avoir lieu avec des personnes qui sont étrangères à l’industrie minière, afin qu’elles comprennent le rôle important que joue l’industrie minière dans nos vies quotidiennes. Cette « déconnexion » observée entre la dépendance des personnes à l’égard de l’exploitation minière et la perception qu’elles ont de l’industrie doit faire l’objet d’une remise en question perpétuelle, dans un contexte où le pays participe à la transition énergétique mondiale.
La séance s’est terminée par une dernière question sur la plus grave erreur que l’industrie minière commet ces 20 dernières années. D’après M. Baker, « l’engloutissement » des sociétés canadiennes par des sociétés internationales en est une. Il ajoutait toutefois que les règles de gouvernance de l’entreprise ont évolué ces dernières années, ce qui rend plus difficile pour les géants internationaux d’absorber les sociétés canadiennes à l’heure actuelle. M. Pejman partageait cet avis, ajoutant que la perte de certaines de ces sociétés avait eu des répercussions sur l’écosystème d’investissement du pays.
Concluant sur une note d’espoir, les conférenciers ont partagé certaines de leurs aspirations pour l’avenir de l’exploitation minière au Canada. Mme Campbell espérait assister à une participation continue des Autochtones et à une collaboration accrue avec eux. Quant à M. Sangha, il souhaiterait voir davantage de personnes et de sociétés mettre en avant la valeur qu’offre l’industrie minière à notre société.
Traduit par Karen Rolland