Rosa Moazed (à gauche), étudiante en doctorat qui a participé à la recherche pour l’essai du cours Active Allies, aux côtés de Jocelyn Peltier-Huntley, la facilitatrice et créatrice du cours. Avec l’aimable autorisation de Jocelyn Peltier-Huntley
Les données de recensement les plus récentes du Canada ont également révélé que, si la représentation des femmes dans l’industrie minière avait augmenté entre 2011 et 2021, ces dernières restent sous-représentées à toutes les étapes du processus minier.
Cette disparité persistante entre les femmes et les hommes est ce qui a déclenché la recherche postsecondaire de Mme Peltier-Huntley sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI).
Alors qu’elle terminait son diplôme de master, elle a découvert un appel à la recherche de 2020 de l’International Minerals Innovation Institute (IMII, l’institut international de l’innovation dans les minéraux), une organisation à but non lucratif financée par l’industrie minière et le gouvernement de la Saskatchewan. L’IMII cherchait des recherches sur l’EDI, ce qui a incité Mme Peltier-Huntley à envoyer une proposition orientée sur l’entretien de champions de l’équité et de partisans du changement, tout en testant des solutions avec des étudiants et l’industrie minière. La proposition a été acceptée. Ceci l’a mené à créer Active Allies, un cours intensif visant à aider les professionnels du secteur minier à développer des compétences en matière d’alliance (le terme allyship fait référence à un concept basé sur la recherche de la justice sociale et du respect des droits par des membres d’une organisation en faveur de groupes minoritaires ou marginalisés) et à mieux comprendre l’EDI.
Développer le cours
En 2020, elle a poursuivi ses recherches sur l’EDI dans le cadre de son projet de doctorat interdisciplinaire de quatre ans. En 2022, dans le cadre de sa recherche de doctorat, Mme Peltier-Huntley était soutenue par Rosa Moazed, doctorante, pour mettre au point une version d’essai de quatre semaines du cours Active Allies, dont le premier s’est tenu à la faculté de génie de l’université de la Saskatchewan. Au total, plus de 100 personnes ont participé au cours, notamment un mélange d’étudiants et de personnes travaillant dans l’industrie minière au Canada. Les retours de ces participants ont aidé à modeler les supports du cours utilisés pour Active Allies.
Pendant le développement, un conseil consultatif et plusieurs individus qui ont participé aux premières phases de recherche du projet de doctorat ont contribué à la modélisation et à l’examen du contenu. Des insuffisances ont été constatées dans les supports didactiques, mais de nouvelles ressources ont été ajoutées pour y remédier. Après avoir terminé le projet et avoir reçu les commentaires des participants, Mme Peltier-Huntley a officiellement proposé la première cohorte du cours Active Allies par l’intermédiaire de sa société de conseil, Prairie Catalyst, en septembre. Mme Peltier-Huntley est la principale facilitatrice d’Active Allies et Mme Moazed est présentée comme facilitatrice du cours dans tous les modules en ligne qu’elles deux ont créés ensemble en 2022.
Mme Peltier-Huntley expliquait qu’en raison des modalités de financement de son doctorat, elle avait négocié un accord avec l’IMII pour continuer à proposer le cours par l’intermédiaire de Prairie Catalyst Consulting à l’avenir.
« Ceci indique que l’IMII et ses membres comprennent la valeur du cours et souhaitent le voir se poursuivre au-delà de la phase de recherche », indiquait-elle dans un courriel à l’équipe du CIM Magazine.
Le format du cours reflète étroitement la version qu’elle avait testée pendant ses travaux de recherche de doctorat, mais il est désormais proposé sur six semaines plutôt que quatre. Selon elle, une formation à l’EDI est plus efficace lorsqu’elle s’étend sur une période prolongée, plutôt que dans un format condensé tel que des ateliers d’une demi-journée.
« Je ne sais pas si l’on pourrait [autant] inciter les personnes à modifier leur comportement et leur manière de penser si le cours se tenait sur une période plus concentrée », indiquait-elle dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine. « La beauté de ce cours porte sur la présentation d’idées. Les personnes découvrent certaines choses [au fil du temps], puis elles commencent à penser et à agir différemment. »
Le cours comprend des modules en ligne d’environ 30 minutes chacun, suivis d’une discussion de groupe hebdomadaire d’une heure. Les participants sont invités à poser des questions, à mettre en œuvre des concepts liés à l’EDI et à réfléchir à la manière d’appliquer les compétences acquises à des situations réelles.
D’après Mme Peltier-Huntley, ces discussions en groupe visent à créer un espace sûr pour le dialogue ouvert, dont l’objectif est de comprendre plutôt que de chercher la faute et de désigner des coupables. Selon elle, c’est la meilleure manière d’amorcer les changements.
« En tant qu’ingénieure, j’essaie d’être pragmatique quant à ma manière d’enseigner aux personnes afin qu’elles puissent réellement faire ces choses, que ce ne soit pas simplement une idée abstraite », ajoutait-elle.
Cultiver l’alliance
Le cours examine l’alliance dans la perspective de cinq groupes en quête d’équité, à savoir les femmes, les groupes autochtones, les individus racisés, les personnes en situation de handicap et celles s’identifiant comme faisant partie de la communauté 2ELGBTQI+.
Le cours est structuré de telle sorte que la première moitié s’attarde sur l’aide aux participants pour qu’ils comprennent les difficultés présentes sur les lieux de travail du secteur minier et dans la société canadienne, notamment les politiques, les lois et les systèmes qui pourraient ne pas soutenir l’inclusivité.
« L’une des activités qui a vraiment un impact sur les gens consiste à observer la chronologie des droits de l’homme pour ces cinq groupes différents et à comprendre que certains changements sont très récents », indiquait-elle.
L’une de ces chronologies visait à déterminer la date à laquelle ces différents groupes avaient obtenu le droit de vote au Canada. Mme Peltier-Huntley expliquait dans un courriel à l’équipe du CIM Magazine que l’affaire « personne » a ouvert la voie au droit de vote des femmes en 1918. Certaines minorités visibles ont obtenu ou réobtenu le droit de vote en 1949 (certaines personnes l’avaient perdu pendant la Seconde Guerre mondiale). Les populations autochtones ont été les dernières à obtenir le droit de vote, en 1960.
La deuxième partie du cours porte sur le développement des compétences, et met en avant trois principales capacités que chaque allié(e) doit développer ou améliorer, à savoir l’écoute active, l’engagement en tant que spectateur ou spectatrice et les excuses sincères.
Mme Peltier-Huntley insistait sur l’importance d’appliquer ces compétences en matière d’alliance. Les données provenant de ses recherches de doctorat, expliquait-elle, montraient que les participants se sentaient bien plus en confiance de parler de l’EDI dans leurs lieux de travail après avoir suivi ce cours. Ils indiquaient aussi avoir des conversations plus fréquentes sur ce thème, laissant apparaître un changement positif dans le comportement.
« J’ai appris au travers de ma recherche de doctorat que les personnes issues de groupes sous-représentés ont aussi beaucoup retiré du contenu du cours. Cela leur a permis de comprendre certains des schémas entourant les préjudices et la discrimination, le harcèlement et les systèmes dans lesquels nous vivons toutes et tous et dans lesquels nous évoluons », ajoutait-elle. « Si elles ont été confrontées auparavant à des cas de traumatisme au travail ou d’environnement de travail toxique, par exemple, cela les a aidées à mieux comprendre qu’elles n’étaient pas à l’origine du problème. »
Elle insistait aussi sur le rôle essentiel des dirigeants, hommes et femmes, pour promouvoir un lieu de travail inclusif. Elle est convaincue qu’ils constituent non seulement des alliés pour celles et ceux qu’ils supervisent, mais qu’ils façonnent également la culture sur le lieu de travail en donnant le ton pour l’environnement.
Expérience des participants
Tyrel Lloyd, ingénieur principal spécialisé dans les ressources en eau à NewFields, un bureau d’études techniques dont le siège se trouve à Saskatoon, a décidé de s’inscrire au cours afin de mieux comprendre les expériences vécues par des groupes en quête d’équité et d’en savoir plus sur la manière de développer son alliance.
M. Lloyd faisait partie de la première cohorte d’Active Allies proposée par l’intermédiaire de Prairie Catalyst, qui comptait trois participants par classe.
« Plusieurs choses m’ont permis d’ouvrir les yeux », déclarait-il dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine. « Pendant le cours, Mme Peltier-Huntley présente les données qui étayent le besoin d’une alliance. En tant qu’ingénieur, j’aime voir des chiffres et [je sais] évaluer des graphiques qui montrent des informations sur la représentation au sein des professions et d’autres données relatives à l’apparition de préjudices. »
M. Lloyd a trouvé les discussions du cours particulièrement utiles. De fait, il considère que les conversations entre participants jouent un rôle important dans la promotion de l’alliance et de l’inclusion.
« Je pense que c’est en entendant les récits d’autres personnes que nous [pouvons] mieux comprendre ou mieux apprécier ce qu’ont vécu les autres », indiquait-il.
Tournés vers l’avenir
En 2025, le cours sera proposé en janvier, mai et octobre. Des dates supplémentaires pourraient être proposées. Afin de s’adapter aux programmes de chacun, Mme Peltier-Huntley a aussi développé des formats d’ateliers en direct du cours, ainsi qu’un manuel pour celles et ceux qui n’ont pas accès au contenu du cours en ligne. Elle a structuré le contenu du cours sous forme d’un atelier de six heures, répartis en quatre sessions. Cette année, 32 participants se sont déjà inscrits au cours sous le format d’atelier.
À ce jour, 105 personnes ont participé au cours Active Allies. Elle expliquait que, si la taille idéale des groupes de discussion ne devait pas dépasser les six personnes, elle prévoit que la classe puisse accueillir entre 20 et 60 personnes par cohorte, avec le soutien d’autres professeurs.
Les personnes souhaitant participer au cours Active Allies peuvent s’inscrire sur prairiecatalyst.ca/active-allies-course.
Traduit par Karen Rolland