Des travailleurs sur le projet Sakatti d’Anglo American, en Finlande. La mine de Sakatti, qui contient des métaux communs tels que le cuivre, le nickel et le cobalt, sera construite de manière à respecter la neutralité carbone. Les normes ESG deviennent toujours plus importantes pour les exploitations minières du monde entier, ce qui a incité à uniformiser quatre normes minières distinctes pour en faire une seule et unique norme. Avec l’aimable autorisation d’Anglo American
La première ébauche d’une norme minière responsable et volontaire consolidée, publiée en octobre dernier, propose ce que les cocréateurs qualifient d’ensemble astreignant d’exigences en matière de performance, qui ne sera atteint qu’au prix d’efforts de la plupart des sociétés minières, et de processus de certification qui exigeront que la performance des sites miniers soit évaluée par un tiers indépendant.
La norme consolidée est le projet collectif de quatre organisations, à savoir le conseil international des mines et des métaux (ICMM), l’association minière du Canada (AMC), le World Gold Council (WGC, le conseil mondial de l’or) et The Copper Mark.
D’après les associations, cette norme consolidée aurait la couverture la plus vaste de toute norme minière volontaire existant à ce jour. Près de 100 sociétés minières dirigeant 600 exploitations dans 60 pays devraient l’adopter initialement.
« Cette norme est relativement intransigeante… ce qui n’est pas, selon nous, un aspect négatif. Je pense que cela contribue [à garantir] sa crédibilité », déclarait Pierre Gratton, président et directeur général de l’AMC, dans un entretien avec CIM Magazine. « Nous souhaitons que cette norme soit suffisamment stricte pour être difficile à respecter, au moins au départ. »
L’année dernière, les organisations ont partagé une première norme avec deux groupes consultatifs de membres de l’industrie et de parties prenantes pour obtenir un premier retour d’informations. Un avant-projet révisé a été publié en octobre pour une consultation publique de 60 jours. Une deuxième période de consultation publique, plus courte, est prévue en 2025.
M. Gratton qualifiait cette norme de système de référence semblable à l’initiative Vers le développement minier durable (VDMD) de l’AMC. Les énoncés de position et les principes de l’ICMM et du WGC y sont inscrits. Le processus de certification est une association des approches de l’initiative VDMD et de The Copper Mark, indiquait-il.
L’ébauche de la norme présente 24 domaines de performance pour les sociétés minières qui sont organisés en quatre « piliers », à savoir les pratiques commerciales éthiques, les garanties sociales et pour les employés, la performance sociale et la bonne intendance de l’environnement.
Le pilier sur les pratiques commerciales éthiques concerne des domaines de performance tels que les chaînes d’approvisionnement responsables et la réinstallation des communautés dans l’éventualité de nouveaux projets ou d’agrandissement. Le pilier sur les garanties sociales et pour les employés couvre des domaines tels que les droits des travailleurs, le travail des enfants et le travail forcé, ainsi que la préparation aux situations d’urgence. La mobilisation des parties prenantes, les répercussions et avantages pour les communautés ainsi que la gestion des doléances dépendent du pilier sur la performance sociale. Enfin, le pilier sur la bonne intendance de l’environnement couvre les questions liées à l’eau, à la biodiversité, aux résidus, au changement climatique et autres.
Aidan Davy, codirecteur de l’exploitation à l’ICMM, déclarait dans un entretien avec CIM Magazine que cette norme pourrait bien être la première à avoir une section importante dédiée au dialogue sur l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE). Elle inclut également des attentes plus détaillées concernant le devoir de vigilance entourant la chaîne d’approvisionnement responsable et la prévention de la pollution que toutes les précédentes normes des organisations.
L’avant-projet de normes expose trois niveaux de performance. La pratique fondamentale est une « position de départ », qui indique que la société se conforme à des normes minimales de l’industrie et s’est engagée à respecter l’exploitation minière responsable. Les bonnes pratiques indiquent l’alignement sur les normes de l’industrie et les normes, directives et cadres internationaux. Il s’agit du niveau de « performance que toutes les sociétés minières responsables doivent, à terme, atteindre », lit-on dans le document. Les pratiques exemplaires vont plus loin pour démontrer le leadership ou les bonnes pratiques dans un domaine de performance donné.
Les sociétés qui ne respectent pas tous les critères associés à un niveau de performance seront automatiquement déclassées au niveau inférieur.
Certaines parties prenantes ont initialement remis en question la valeur d’un niveau de pratique fondamentale, indiquait M. Davy. Toutefois, après avoir consulté l’avant-projet de la norme, elles ont compris que même le niveau le plus bas plaçait la barre relativement haut.
D’après M. Gratton, s’il a espoir que tous les sites finissent par atteindre le niveau de bonnes pratiques, cet objectif reste initialement ambitieux pour beaucoup.
« Satisfaire les 24 [domaines de performance] représente un niveau de bonne pratique qui place la barre déjà haut. Pour certains, même le niveau fondamental constituera une exagération », indiquait-il.
M. Gratton indiquait que les sociétés qui ont participé à l’initiative VDMD présentent souvent une performance variée entre leurs exploitations. Chaque site minier peut s’avérer avoir de bonnes performances dans certains domaines, mais moins dans d’autres.
Jennifer Prospero, directrice principale de la durabilité à Eldorado Gold Corp., siégeait au comité consultatif de l’industrie. Elle indiquait dans un entretien avec l’équipe du CIM Magazine que la société a mis en œuvre son propre système de gestion mondial il y a des années, qui intégrait les principes d’exploitation responsable de l’or de l’initiative VDMD et du WGC. La société n’adhère pas encore à la norme consolidée en raison de la consultation en cours, précisait-elle. Toutefois, elle avait le sentiment que « ce qu’englobe la norme est ce sur quoi que les producteurs responsables doivent se concentrer. »
Mme Prospero ajoutait qu’il était important selon elle de participer au groupe consultatif en tant que société à capitalisation moyenne. « Ceci va vraiment faire la différence pour les sociétés à capitalisation moyenne, et les sociétés plus petites ont la possibilité de participer et de s’assurer que les normes leur sont aussi adaptées. Ce n’est pas que les grandes sociétés minières ont résolu tous leurs problèmes, mais elles ont indéniablement d’autres ressources et des niveaux d’expérience différents avec les quatre normes existantes. »
Mohammed Ali, vice-président à la durabilité et aux affaires réglementaires à Mines Agnico Eagle, a aussi participé au groupe consultatif de l’industrie. Il indiquait dans un entretien avec CIM Magazine qu’Agnico organisait une série de réunions pour comprendre les domaines de performance de la norme et leur application à sa société.
Il saluait les travaux du comité consultatif des parties prenantes, qui comprenait des communautés autochtones, des organisations non gouvernementales (ONG), des universitaires, des spécialistes de l’environnement, des sociétés de la chaîne de valeur et des investisseurs. Les deux comités consultatifs se sont rencontrés pendant le processus initial de consultation pour explorer ensemble les problèmes. « Les deux parties ont fait beaucoup de travail et ont fait preuve d’un grand dévouement », indiquait M. Ali.
Le document indique aussi que The Copper Mark et son comité feront la transition vers une entité indépendante de gouvernance qui surveillera la gestion et l’évolution future de la norme. L’entité sera gérée par un conseil d’administration de 17 membres, dont quatre représentants de chaque société, des sociétés de la chaîne de valeur, des parties prenantes du secteur minier et de la chaîne de valeur, ainsi qu’un ou une président(e) pour les épreuves subsidiaires. Un secrétariat, qui rend compte au conseil, présentera la stratégie et les objectifs de l’entité.
Une fois que la norme aura été officialisée et que l’entité de gouvernance aura été officiellement établie, M. Davy indiquait que les trois autres organisations se retireront de toute implication sur le contrôle dans la norme.
Les sociétés qui participent à la norme déposeront en premier lieu leur demande au secrétariat pour que leurs installations soient évaluées. Le secrétariat passera en revue les listes de sanctions publiques dans les pays d’accueil et les pays d’origine de la société, ainsi qu’au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans l’Union européenne. Toute mention de problèmes tels que blanchiment d’argent, pots-de-vin, corruption ou fraude entraînera la disqualification de la société. Le secrétariat mènera aussi une revue des médias et partagera toute information avec le bureau de certification.
Les sociétés évalueront tout d’abord leur propre performance, puis la feront valider par un bureau de certification tiers, lequel sera sélectionné à partir d’un registre de bureaux de certification.
Les bureaux de certification peuvent être des particuliers, des équipes de particuliers ou une société. Les particuliers doivent détenir un diplôme universitaire et/ou avoir une expertise technique dans un domaine couvert par la norme, ainsi qu’une expérience antérieure avec la certification externe des thèmes environnementaux ou sociaux. Ils doivent aussi prendre part à un programme de formation des bureaux de certification propre à la norme consolidée avant d’être approuvés, et doivent repasser cette formation tous les trois ans.
Les bureaux de certification doivent aussi être totalement indépendants des installations et des sociétés qu’ils évaluent, et ne peuvent avoir été directement employés par ces dernières au cours des trois années précédentes.
Le bureau examinera l’évaluation de la société, visitera le site et mènera des entretiens auprès des employés et des membres de la communauté locale, s’ils souhaitent participer. Les rapports finalisés seront publiés en ligne.
M. Gratton indiquait que les bureaux de certification devront aussi envoyer un plan au secrétariat avant de commencer leur évaluation, conformément à l’expérience d’AMC avec l’initiative VDMD. « S’il y a bien quelque chose avec lequel la plupart des normes ont des problèmes, c’est la cohérence dans les travaux. Ainsi, l’examen du plan par le secrétariat est un élément préliminaire qui garantit… qu’elles étudient bien toutes les choses qu’elles doivent examiner », indiquait-il.
Les sociétés doivent donner au moins un mois de préavis au bureau de certification pour la visite des communautés locales, indiquait M. Gratton. La norme donne aussi la possibilité aux parties prenantes d’examiner la manière dont leurs retours ont été intégrés dans le rapport de vérification.
Le secrétariat préposé à la norme gérera tout désaccord entre les sociétés et leurs bureaux de certification. Un mécanisme de réclamation sera également mis en place pour les communautés ou les employés qui ne sont pas d’accord avec les conclusions du rapport ou qui sont préoccupés par certains aspects du processus.
Traduit par Karen Rolland