De nombreux économistes estiment que M. Trump sera incapable de raviver l’industrie du charbon, en perte de vitesse depuis des décennies. Avec l’aimable autorisation de Gage Skidmore
« Vous serez de nouveau fiers d’être mineurs », a affirmé le président élu des États-Unis, Donald Trump, lors de son discours de victoire à la primaire de l’Indiana en mai, alors qu’il préparait le prochain arrêt de sa campagne en Virginie-Occidentale, le berceau du charbon et faisait écho à son engagement de campagne de mettre fin à la « guerre au charbon » du président Barack Obama. Ses affiches clamaient « Trump aime le charbon » et les partisans du charbon lui ont rendu la pareille : les quatre grands états producteurs de charbon, le Wyoming, la Virginie-Occidentale, le Kentucky et la Pennsylvanie habituellement démocrates, sont passés aux mains des républicains lors de l’élection présidentielle américaine du 8 novembre dernier.
Le sentiment global dans l’industrie est « positif », selon Liam Fitzgerald, le leader national des services au secteur minier de PwC Canada. À court terme, le titre de la plus importante société d’exploitation houillère américaine Peabody Energy a bondi de 49 % après l’élection de M. Trump, et ce malgré sa déclaration de faillite en avril. « Mais la question qu’on se pose : jusqu’où ira-t-il avec son mandat de déréglementation? Il faudra encore attendre avant de le savoir », a indiqué M. Fitzgerald.
Selon Stephen Schork, rédacteur en chef de The Schork Report, une publication qui analyse les marchés énergétiques, l’engagement de M. Trump à verser 1 billion de dollars américains pour l’amélioration d’infrastructures avantagera particulièrement l’industrie du charbon métallurgique. « On parle de projets d’infrastructures d’envergure », a précisé M. Schork. « Il est question de fabriquer beaucoup de béton et d’acier pour réaliser ces projets. »
De nombreux économistes estiment que M. Trump sera incapable de raviver l’industrie malmenée du charbon, en déclin depuis des décennies en raison d’enjeux environnementaux, du prix abordable du gaz naturel et de l’automatisation de l’exploitation minière. En effet, les exportations américaines de charbon ont diminué de 24 % globalement en 2015 et encore de 32 % durant la première moitié de 2016. Traditionnellement, le Canada est le cinquième plus grand importateur de charbon américain, et la décision récente du gouvernement d’éliminer progressivement le recours au charbon d’ici 2030 (consultez l’article à la page 18) contribuera au ralentissement de l’industrie.
M. Fitzgerald a noté que même si le mandat de déréglementation et l’engagement envers les infrastructures de M. Trump réussissent à stimuler l’industrie du charbon, il reconnaît que « [M. Trump] ne peut que déréglementer, il ne peut pas créer une demande ».
De plus, l’engagement envers le charbon de M. Trump déroute les analystes, car cela va à l’encontre de sa promesse de permettre au « marché de décider » quel type d’énergie l’emportera, et de son soutien simultané aux autres combustibles fossiles, dont le gaz naturel, qui ont directement sonné le glas du charbon. John Coequyt, directeur des campagnes climatiques fédérales et internationales du Sierra Club, a été cité dans un rapport en matière d’énergie de S&P Platt avant l’élection, affirmant que « le plus important mensonge du discours [de M. Trump], c’est cette idée qu’il ranimera l’industrie du charbon tout en faisant simultanément la promotion du gaz naturel, de l’énergie renouvelable et de l’énergie nucléaire ».
M. Fitzgerald a qualifié la promesse du M. Trump de laisser le marché décider de « déconcertante », se demandant si « vu l’abondance du gaz naturel [aux États-Unis], il y a un réel besoin de revenir au charbon, si ce n’est pour stimuler une industrie chancelante ». Les politiques des États jouent également un rôle important dans le cadre de ces décisions. « Il ne dispose pas de tout le pouvoir pour privilégier une source d’énergie plutôt qu’une autre ».
M. Schork se dit néanmoins « prudemment optimiste » au sujet de l’avenir des marchés énergétiques. Il estime que permettre aux marchés de choisir encouragera l’innovation et le « potentiel d’autres technologies », notamment le captage et le stockage de carbone.
Par le passé, le président élu a soutenu le secteur pétrolier et gazier, quoique moins vigoureusement que lors de sa campagne. Son site Web officiel indique que « plutôt que de poursuivre sur la voie actuelle de déstabilisation et de blocage des producteurs de combustibles fossiles des États-Unis, l’administration Trump encouragera la production de ces ressources grâce à l’ajout de concessions terrestres et en mer sur les terres et les eaux territoriales fédérales ».
Selon M. Schork, les promesses de M. Trump en matière d’infrastructures se solderont inévitablement par « l’augmentation de la demande potentielle pour le gaz naturel, le diesel pour l’industrie lourde et également l’asphalte » en plus du charbon.
L’affiliation de M. Trump aux projets d’oléoducs constitue un autre signe positif pour l’industrie pétrolière et gazière. Ses formulaires de divulgation fédéraux, publiés on mai, ont révélé qu’il détenait des actions de la société mère de l’oléoduc Dakota Access, Energy Transfer Partners, ce qui présente un possible conflit d’intérêts, l’oléoduc ayant fait l’objet de nombreuses manifestations à la réserve de Standing Rock dans le Dakota du Nord. La porte-parole de M. Trump, Hope Hicks, a annoncé aux médias qu’il a vendu ses actions à la mi-2016, mais n’a pas précisé s’il détient toujours des parts dans Phillips 66, une société affiliée au controversé projet d’oléoduc. Le président élu a également affirmé qu’il approuverait l’oléoduc Keystone XL, rejeté par le président Barack Obama à la suite d’énormes manifestations environnementales en novembre 2015.
On s’attend à ce que les règlements environnementaux et l’adoption d’énergie renouvelable soient relégués au placard lors du passage de M. Trump à la Maison-Blanche : il a promis de mettre fin aux mesures incitatives pour l’adoption d’énergie de rechange et souhaite éliminer plusieurs mesures de protection environnementale actuellement en vigueur.
Il a même suggéré d’abolir l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), ce qui n’est peut-être pas si surprenant pour quelqu’un ayant déjà écrit sur Twitter que le réchauffement climatique est un « canular des Chinois » et qui a depuis nommé le climatosceptique Myron Ebell à la tête de l’équipe de transition de l’agence. Même si M. Schork ne croit pas qu’il soit possible d’abolir l’EPA, il espère que le gouvernement assouplira la réglementation des secteurs du pétrole et du gaz ainsi que du charbon.
Peu importe si M. Trump respecte ses autres promesses environnementales ou non, dont l’abolition du plan d’énergie propre du président Obama en plus de l’EPA et le rejet de l’accord historique de Paris conclu en 2015, qui prévoit des cibles de réduction des gaz à effet de serre, M. Fitzgerald ne pense pas que cela influera sur les activités de la plupart des sociétés minières internationales. « Qu’il modifie la politique des États-Unis ou non, cela ne changera pas les politiques [des sociétés minières internationales] qui poursuivent des activités dans de nombreux territoires de compétence ». Les sociétés internationales sont assujetties à la législation et aux ententes de responsabilité sociale d’entreprise en vigueur dans les autres pays. Seule une poignée de sociétés minières américaines seront touchées par quelque nouvelle politique environnementale que ce soit.
M. Fitzgerald croit que la valeur du dollar américain, le prix des marchandises et les opérations de change seront tous imprévisibles sous un gouvernement Trump, et les sociétés minières œuvrant dans différents territoires de compétence doivent composer avec les trois. « La volatilité sera le nouveau mot d’ordre », a-t-il affirmé, ajoutant que les sociétés minières doivent se méfier, « car [la volatilité] est aussi difficile à gérer qu’une chute des prix ».
Traduit par CNW