Le chevalement du puits C de la mine Giant près de Yellowknife est entouré de conduites utilisées dans le cadre d'une étude sur l'optimisation de la congélation qui a permis de déterminer comment confiner la poussière de trioxyde de diarsenic de la mine pour le siècle à venir | Dave Brosha Photography/AANDC
Si l'on devait désigner l'enfant-vedette des mauvais jours de l'exploitation minière, la mine Giant de Yellowknife serait sans aucun doute la tête d'affiche. Cette mine a été construite à l'époque des chercheurs d'or dans le Nord, dans un contexte où les réglementations environnementales étaient encore souples et où le concept de l'obtention d'un permis social auprès de la population autochtone des Dénés qui vivait à proximité n'existait pas. Entre 1948 et 2004, une série de propriétaires ont extrait des puits à ciel ouvert et des chambres souterraines plus de sept millions d'onces d'or. Le grillage du minerai a laissé derrière lui 237 000 tonnes de poussière de trioxyde de diarsenic à quelques kilomètres seulement de la capitale du territoire.
En 1999, la mine Giant est passée sous la responsabilité du gouvernement fédéral lorsque son propriétaire, Royal Oak Mines, a été mis sous séquestre. L'exploitation s'est poursuivie après que le gouvernement fédéral ait vendu les actifs de la mine à Miramar Mining Corporation, mais cette vente stipulait qu'Ottawa continuerait d'endosser l'entière responsabilité des passifs environnementaux de la mine. Miramar a mis fin à ses obligations de remise en état en 2005, se tournant vers d'autres projets, et la mine Giant est alors officiellement devenue un site abandonné.
Ce qu'il en reste aujourd'hui représente l'un des sites les plus pollués du pays. Ottawa estime à près de 1 milliard $ la remise en état du site. L'ampleur des travaux est colossale : cinq bâtiments destinés au grillage chargés d'arsenic ont été rasés l'année dernière, et il en reste encore cinq autres à démanteler ; il faudra réaligner et sans doute détourner un cours d'eau entier pour qu'il évite le site ; 95 hectares de résidus doivent être recouverts ; et l'arsenic doit être enfermé pendant au moins un siècle. D'innombrables petites tâches secondaires viennent s'ajouter à cette liste déjà longue. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (G.T.N.-O.) a achevé cette année pour 16 millions $ le réalignement d'une portion de sept kilomètres d'Ingraham Trail (la route qui reliait autrefois la mine Giant et plusieurs autres sites miniers hérités de la ceinture de roches vertes de Yellowknife à la capitale des T.N.-O.).
Démanteler ou démolir ?
La déconstruction complexe du four de grillage s'est poursuivie cet été sous la supervision de la société californienne d'assainissement Parsons Ltd. dans le cadre d'un contrat de 27 millions $. Des équipes entières ont passé tout l'été dernier à décontaminer 10 bâtiments et structures répartis sur plus d'un hectare. En tout, indique Clint Miller, directeur principal de projet chez Parsons Canada, une équipe de plus de 60 employés a récupéré 2 000 tonnes d'arsenic qui seront stockées sous terre, et 7 000 livres supplémentaires d'autres polluants tels que du mercure et des diphényles polychlorés qui ont été détruits en dehors du site.
Comme l'explique M. Miller, l'élimination des polluants était un processus rigoureux. Chaque structure doit être enfermée dans un emballage moulant puis aspirée à l'aide de filtres à haute efficacité pour les particules de l'air (HEPA) pour piéger la poussière toxique. Les matières sont ensuite lavées à la pression et grattées à l'aide de brosses métalliques avant d'être recouvertes d'un matériau d'étanchéité à base d'eau.
Il est prévu de démanteler tous ces bâtiments dans le courant de l'année. « Nous évitons d'utiliser le mot " démolition " », indique M. Miller, « car il suggère une destruction non contrôlée d'un bâtiment. Ce que nous prévoyons de faire sur ce site est un procédé extrêmement contrôlé. Nous éliminons les matières dangereuses et procédons à la déconstruction du bâtiment pièce par pièce ».
Reste également la question de la pollution persistante par l'arsenic dans le sol autour du site de la mine Giant. Jusqu'en 1951, les propriétaires de la mine ne se souciaient guère des conséquences de la diffusion dans l'environnement de l'arsenic libéré durant le procédé de grillage. Au printemps de cette même année, le décès d'un jeune garçon de la Première Nation des Dénés après qu'il ait bu de l'eau empoisonnée par l'arsenic a contraint le propriétaire de la mine Giant à installer un dépoussiéreur électrique et à commencer à stocker sous terre les résidus d'arsenic.
Une catastrophe unique
Heather Jamieson, experte en arsenic au département des sciences de la Terre et du génie géologique à la Queen's University de Kingston, étudie depuis 15 ans l'arsenic présent sur le site de la mine Giant. Elle explique qu'environ 85 % des émissions de la cheminée du four de grillage de Giant remontent à avant 1963. Dans le monde entier, l'arsenic présent dans le sol de sites semblables semble se dissiper au fil du temps, ce qui n'est pas le cas à Giant et ne manque pas de déconcerter les chercheurs. « Beaucoup de chimistes et de géochimistes sont très surpris que le trioxyde de diarsenic présent dans le sol ne disparaisse pas », explique-t-elle, « car dans d'autres régions du monde, personne ne semble en trouver ».
Jane Amphlett, gestionnaire des opérations à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC), explique que des stations de surveillance ont été installées sur le site de la mine et autour de Yellowknife afin de détecter les niveaux élevés d'arsenic dans l'air. Des données communautaires sont disponibles en temps réel sur le site Internet du G.T.N.-O. dédié à la qualité de l'air, et les rapports de toutes les stations sont publiés une fois par semaine et mis à la disposition du public.
Tous ces travaux préparent le terrain pour la partie essentielle du projet d'assainissement, à savoir ce que les représentants officiels de l'AADNC appellent le « programme de congélation ». Les 237 000 tonnes de poussière de trioxyde de diarsenic sont entreposées dans le réseau existant de chambres et d'enceintes souterraines. Le projet consiste à utiliser un réseau de thermosiphons pour congeler la roche entourant ces enceintes afin de maintenir l'arsenic à l'intérieur pendant au moins un siècle. Un thermosiphon fonctionne comme une thermopompe passive en utilisant du dioxyde de carbone (CO2) pressurisé. Le procédé fonctionne comme un cycle continu ; le CO2 emprisonné sous terre se volatilise en gaz et remonte à la surface, permettant à la chaleur souterraine d'être libérée dans l'air frais de l'hiver par l'intermédiaire des ailettes de radiateurs. Le CO2 refroidit ensuite et se condense en liquide, retombant lentement goutte à goutte vers les enceintes, et le procédé recommence.
Ce programme de congélation devrait constituer l'élément de construction le plus coûteux de ce projet d'assainissement (il s'élèvera à environ 200 millions $) et il sera également le plus long à mettre en œuvre (jusqu'à 10 ans).
La logistique du programme de congélation est décourageante. Certaines des cavités ont la taille d'un édifice de 12 étages, explique Mme Amphlett, et la plupart des cloisons servant à la stabilisation datent des premières années de l'exploitation minière à la mine Giant et devront être renforcées avec du ciment.
La majeure partie de la poussière est stockée sous terre depuis des années, voire des décennies. Au fil des ans, les propriétaires de la mine ont stocké la poussière de trioxyde de diarsenic dans des chambres construites à cet effet ou des enceintes où le travail minier était terminé. Daryl Hockley, conseiller technique chez SRK Consulting, indique que les chambres sont relativement symétriques et seront faciles à congeler et à remplir. SRK a été retenu en tant que conseiller technique pour l'assainissement. « Si la chambre a été construite dans une forme relativement rectangulaire et si elle n'a qu'une seule entrée, il suffira de bloquer cette entrée », explique M. Hockley. Toutes les conduites utilisées pour injecter la poussière dans les chambres devront être retirées et placées à l'intérieur et ensuite, « il ne restera plus qu'à congeler le tout ».
Ce ne sera pas aussi simple avec les enceintes, qui étaient exploitées pour suivre les filons aurifères, précise M. Hockley. « Elles comportent généralement bien plus d'entrées et de sorties », ajoute-t-il. « On y trouvera des cheminées à minerai, des travers-bancs [et] toutes sortes de géométries étranges dont seuls les ingénieurs des mines peuvent vous expliquer la signification. Dans certains cas, il faudra creuser de manière à pouvoir correctement stabiliser les entrées. Chacune de ces enceintes représente un mini-projet minier. »
Les ingénieurs du projet sont confiants que le programme de congélation assurera le confinement de l'arsenic. Les longs hivers glacés des T.N.-O. aident, bien évidemment, et M. Hockley explique que la roche entourant la poussière restera congelée pendant « de nombreuses années » avant que les particules de poussière ne commencent à dégeler, même dans l'éventualité très improbable d'une panne totale du système de refroidissement. « C'est là que réside la beauté de ce plan. Même en cas de problème avec les thermosiphons, [nous aurons] plusieurs années pour y faire face et nous adapter. »
Tout le monde à Yellowknife n'est cependant pas favorable à cette approche. Des militants locaux préfèreraient voir l'élimination totale de l'arsenic et son stockage dans une autre région car ils craignent qu'il ne se répande dans l'environnement local. C'est l'une des raisons pour laquelle l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie (OEREVM) a exigé de l'AADNC que le calendrier du projet soit révisé. L'arsenic ne sera pas stocké à perpétuité comme cela était prévu initialement, et le projet sera soumis à un nouvel examen dans 100 ans afin que le gouvernement réévalue le meilleur moyen d'éliminer l'arsenic à ce moment-là.
D'après Mme Jamieson, il est légitime que les habitants de Yellowknife s'inquiètent du devenir de leur région, mais elle ajoute que le site de la mine Giant n'est pas accessible au public, ce qui réduit le risque d'exposition. Parallèlement, ce projet alimente constamment le débat dans la presse des T.N.-O. et une équipe spécialisée a été créée par les gouvernements fédéral et territorial afin de surveiller l'assainissement. « L'avantage d'un site géré par les pouvoirs publics est que chacun peut communiquer ses inquiétudes », conclut-elle.
Traduit par Karen Rolland