Parmi les projets d’exploration de Searchlight Resources en Saskatchewan figurent les ÉTR de sa propriété de Kulyk Lake. Avec l’aimable autorisation de Searchlight Resources Inc.

Le 22 avril 2022, le matin se lève sous un ciel dégagé et des températures de -3 degrés Celsius à Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.). C’est une grande journée pour Cheetah Resources et son projet de Nechalacho. Son premier lot de concentré d’éléments des terres rares (ÉTR) est expédié à Saskatoon pour traitement. C’est une journée révolutionnaire pour le Nord, mais aussi pour le reste du pays. De fait, cette mine est la première exploitation de terres rares au Canada, et la seconde en Amérique du Nord.

Quelques mois plus tard, Ottawa publie sa stratégie canadienne sur les minéraux critiques.

La stratégie identifie 31 minéraux et métaux considérés comme essentiels pour assurer le développement économique durable du Canada et de ses partenaires commerciaux. L’industrie canadienne produit déjà 21 des minéraux figurant sur la liste, et peut assurer l’exploitation d’autres ressources. La stratégie canadienne introduit aussi un nouveau crédit d’impôt de 30 % pour l’exploration de minéraux critiques ciblés, qualifié de « super programme d’actions accréditives ». Ce dernier vise à augmenter l’investissement dans les sociétés minières menant des activités d’exploration des minéraux critiques particuliers. Ce crédit d’impôt mobilise la communauté de l’exploration.

« Au Canada, l’exploration de métaux précieux et communs est importante. De fait, plus de 80 % de tous les investissements canadiens dans l’exploration, soit plus de 3,5 milliards de dollars, concernaient ces métaux en 2022 », déclarait Alex Christopher, président de la Prospectors & Developers Association of Canada (PDAC, l’association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs).

« La transition vers les technologies vertes constitue une occasion sans précédent pour l’industrie des mines et de l’exploration. Le Canada est particulièrement bien placé pour devenir le fournisseur de prédilection et un partenaire stratégique pour les minéraux et les métaux requis. Environ 20 % des dépenses au Canada au cours de la dernière décennie ont été injectées dans les minéraux critiques tels que le cuivre et le nickel, et 4 % dans d’autres minéraux stratégiques tels que le lithium, le cobalt, le graphite ou les éléments des terres rares. Ces dépenses ne cessent d’augmenter. »

Cette nouvelle stratégie et d’autres initiatives fédérales ont eu des répercussions positives et un effet dynamisant sur le secteur de l’exploration des minéraux critiques. « En 2020, moins de 35 millions de dollars ont été investis au Canada dans l’exploration du lithium, du cobalt, du graphite ou des ÉTR. Le lancement de ce nouveau CMETC a véritablement favorisé l’investissement dans cette série de minéraux, avec plus de 200 millions de dollars investis dans l’exploration en 2022 », indiquait M. Christopher. « Le CMETC a ouvert la porte à l’investissement dans de nouveaux projets dans le secteur. Nous ne manquerons pas de surveiller le montant des financements pris en considération dans l’incitation offerte par le CMETC en 2023. »

L’association minière du Canada (AMC) partage cet enthousiasme. « Les activités d’exploration ont redoublé depuis que le gouvernement a fait son annonce d’intérêt public, mais cela s’explique aussi par la demande insatiable en minéraux critiques », indiquait Photinie Koutsavlis, vice-présidente des affaires économiques et du changement climatique de l’AMC. « Davantage de petites sociétés se lancent dans l’exploration et tentent de découvrir le prochain gisement. »

Une recherche à l’échelle du Canada

Searchlight Resources fait partie de ses sociétés. « C’est une bonne période pour explorer les métaux critiques au Canada », indiquait Alfred Stewart, vice-président de l’expansion de l’entreprise de la société. « La demande exponentielle en énergie verte, notamment l’éolien et le solaire, associée à la transition vers des véhicules électriques, a engendré une demande croissante en métaux critiques. Les sources canadiennes de roches dures pour ces métaux sont largement non testées, et un marché des réserves de métaux critiques émerge, mené par l’uranium et le lithium. »

Parmi les projets d’exploration de Searchlight Resources en Saskatchewan figurent les ÉTR de sa propriété de Kulyk Lake, et trois des 31 minéraux critiques spécifiés par le gouvernement fédéral (le gallium, le tantale et le césium) sur sa propriété de Hanson Lake. M. Stewart pense que cette explosion va durer quelque temps. « Searchlight prévoit de continuer l’exploration des métaux critiques au cours des années à venir en raison des prix forts et en hausse de nombreux métaux critiques », indiquait-il.

« C’est vraiment le bon moment pour explorer les minéraux critiques », convenait Tyrone Docherty, président et directeur général de First Tellurium. « De nombreux gouvernements dans le monde entier sont à la recherche de minéraux critiques pour favoriser la transition énergétique de leur pays dans les années à venir. Le Canada, c’est évident, a beaucoup de chance de disposer de ces minéraux en telle abondance (apparente). Cela permet aux sociétés minières de s’intéresser à ces minéraux en sachant que si elles parviennent à les trouver, un marché très intéressé les attend. » First Tellurium détient des propriétés d’exploration en Colombie-Britannique (C.-B.) et dans le Colorado qui affichent de hautes teneurs en tellure.

« Le CMETC a été très utile pour toutes les petites sociétés, car il nous a permis de financer nos projets plus facilement », ajoutait-il. Il est aussi d’avis que les conditions sont idéales pour préserver cet essor de l’exploration des minéraux critiques. « First Tellurium augmentera son exploration et son exposition au tellure et à d’autres minéraux critiques qui se trouvent sur ses propriétés, ainsi que toute autre propriété que nous évaluerons. »

Chris Grove, président de la société Commerce Resources basée à Vancouver, partage cet enthousiasme naissant pour l’exploration des minéraux critiques. « Selon moi, le moment est idéal pour mener des activités d’exploration plus poussées sur les minéraux critiques inclus dans la liste du Canada, car ces produits de base s’avèrent être toujours plus indispensables pour la planète entière. Le Canada peut devenir un chef de file dans ce domaine et dans le développement d’actifs économiques », indiquait-il. Parmi les propriétés d’exploration de la société figurent le gisement d’Ashram, l’un des plus grands gisements d’ÉTR au monde, et celui de Blue River, le projet d’extraction de tantale et niobium en C.-B. dans lequel la société a investi plus de 34 millions de dollars à ce jour.

D’après M. Grove, l’initiative récente du CMETC a indéniablement engendré un intérêt accru notable de la part des investisseurs pour les minéraux critiques, même si « ces avantages fiscaux ne sont utilisables que pour l’exploration et la définition d’une ressource, et donc simplement pas pratiques ni utilisables par une société menant un projet de développement en phase finale, comme c’est le cas pour notre gisement d’ÉTR et de spath fluor d’Ashram », indiquait-il.

Toutefois, Commerce Resources pourrait à l’avenir augmenter ses dépenses dans l’exploration des minéraux critiques, tout comme son potentiel avec le niobium et le tantale. « De manière générale, nous sommes impatients de pouvoir renforcer nos travaux sur les actifs qui sont très prometteurs pour les minéraux critiques, ou les actifs pour lesquels nous disposons déjà de ressources définies des minéraux critiques », indiquait-il. « Globalement, au cours des 24 années de l’histoire de la société, nous avons travaillé sur des produits de base qui font partie des listes de tous les gouvernements, qu’il s’agisse des ÉTR, du spath fluor, du tantale ou du niobium. »

Imperial Mining Group, dont le siège se trouve à Montréal, fait également partie de ces petites sociétés d’exploration des minéraux critiques notables. Plus particulièrement, le scandium fait partie de ses forces et de son grand potentiel. Le projet Crater Lake d’Imperial dans le nord-est du Québec explore le scandium, les ÉTR, le niobium et le tantale.

L’équipe de direction de la société est aussi d’avis que le moment est idéal pour l’exploration des minéraux critiques.

« Absolument. Ces éléments sont indispensables pour la prochaine génération de technologies », indiquait Peter Cashin, président et directeur général de la société. « Jusqu’ici, nous étions entièrement dépendants de la Chine au niveau de la chaîne d’approvisionnement. Aujourd’hui, nous sommes confrontés aux affrontements et aux litiges entre les États-Unis, la Chine et la Russie, ainsi qu’au conflit en Ukraine. » Il suggérait que, compte tenu de ces éléments, les gouvernements du Canada, des États-Unis et certains gouvernements d’Europe de l’Ouest étaient enclins à réduire leur dépendance envers ces chaînes d’approvisionnement moins désirables. C’est là que le Canada entre en jeu. « Le Canada ne manque certainement pas de potentiel pour des éléments tels que le cobalt, le lithium, le graphite, le nickel et, à mon sens, les terres rares et le scandium », indiquait-il.

Fuse Battery Metals Inc. reconnaît l’importance du cobalt et du lithium dans les années à venir. La société d’exploration basée à Coquitlam, en C.-B., détient une participation de 100 % dans la propriété Bucke de Glencore, au nord-est de Cobalt, en Ontario, soumise à une clause d’intérêt réversif, une redevance sur la production et un accord d’écoulement. À proximité se trouve son projet de cobalt de Teledyne, pour lequel il détient également une participation de 100 %, soumise à une redevance. Cette propriété abritait l’ancienne mine de cobalt d’Agaunico, qui a produit 4 350 000 livres (l’équivalent de 1 973 tonnes) de cobalt entre 1905 et 1961. À ce jour, plus de 25 millions de dollars ont été investis dans l’exploration de la propriété de Teledyne.

Fuse a également annoncé l’expansion de ses avoirs immobiliers avec Lithium Springs, un nouveau projet d’exploration du lithium dans le Nevada. D’après l’annonce, la société s’attendait raisonnablement à ce qu’un programme d’exploration en phase préliminaire procède à un nouvel échantillonnage de la zone, mène un levé géophysique et entreprenne un programme d’exploration progressif.

Enjeux économiques

Quelques facteurs viennent toutefois ébranler cet enthousiasme grandissant pour l’exploration des minéraux critiques. « Pour les études de faisabilité nécessaires, [les sociétés] n’ont pas accès à ce crédit pour la partie amont de la chaîne de valeur », indiquait Mme Koutsavlis de l’AMC. « Nombre de projets n’avancent pas car ils ne disposent pas du capital nécessaire pour passer à la phase de construction de la mine. Nous demandons une aide pour les dépenses liées à la préproduction et à la mise en valeur, les dépenses d’immobilisation en d’autres termes. Les délais d’attente pour atteindre la phase de construction et pour faire avancer un projet sont actuellement trop longs, et cela doit changer. »

M. Stewart de Searchlight faisait remarquer que « l’introduction par le gouvernement fédéral d’un crédit d’impôt renforcé pour l’exploration des métaux critiques est une démarche positive pour le secteur de l’exploration minérale. Toutefois, ces avantages sont anéantis par des marchés des actions globalement faibles dans un contexte de durcissement des conditions monétaires. » Cependant, poursuit-il, « Searchlight prévoit de continuer l’exploration des métaux critiques au cours des années à venir en raison des prix forts et en hausse de nombre d’entre eux ».

M. Christopher de la PDAC reconnaît lui aussi que le CMETC est une excellente première initiative pour aider à attirer davantage d’investissement dans les projets dédiés aux minéraux critiques au Canada. « Malheureusement, le manque d’infrastructure de transport, de communication et énergétique dans une bonne partie du pays complique encore la tâche déjà difficile de l’exploration », ajoutait-il.

Malgré ces quelques inconvénients, l’enthousiasme pour les minéraux critiques qui anime la communauté de l’exploration n’est pas près de s’éteindre.

Traduit par Karen Rolland