D’après l’organisation internationale des constructeurs d’automobiles (OICA), les constructeurs automobiles ont fabriqué 91,8 millions de voitures et de véhicules commerciaux en 2019. En moyenne, chaque véhicule était constitué de 900 kilogrammes (kg) d’acier, 180 kg d’aluminium, jusqu’à 85 kg de cuivre, ainsi que de platine, de manganèse, de nickel, de graphite, de lithium, de cobalt et d’autres métaux. D’après Ford Motor Company, les 1 200 sociétés qui fournissent directement les composants au constructeur automobile utilisent des pièces fabriquées avec près de 1 000 matériaux différents.

Les métaux et minéraux contenus dans chaque composant suivent des trajets longs et complexes depuis la mine jusqu’au fabricant. Si les origines des matériaux ne font pas de grande différence sur la performance du véhicule fini, les marques qui sont en mesure de démontrer de manière transparente qu’elles achètent des matériaux produits de manière éthique récolteront les fruits de leur décision sur leur bénéfice net. De fait, de plus en plus de consommateurs choisissent d’acquérir des produits auprès de sociétés pouvant prouver qu’elles ont recours à des pratiques durables et à un approvisionnement responsable.

Dans une étude de 2020, Accenture Strategy montrait que dans un monde post-COVID, 43 % des consommateurs américains « auraient tendance à s’éloigner lorsqu’ils sont déçus par les mots ou les actions d’une marque concernant les questions sociales ». Ceci réitérait les résultats d’une étude internationale de 2019 auprès des consommateurs qui indiquait que « 65 % des consommateurs souhaitent voir les entreprises prendre position sur des questions qui leur sont chères. Pour les 18 à 39 ans, ce chiffre atteint les 74 % ». Et pour les consommateurs, qu’est-ce qui est important ? En mai 2020, 89 % indiquaient qu’il était probable ou très probable que celles et ceux qui avaient commencé à faire des choix durables poursuivraient sur cette voie.

Reconnaissant l’importance du développement durable et de l’approvisionnement éthique pour les consommateurs, Ford est devenu le premier constructeur automobile américain à adhérer à l’Initiative for Responsible Mining Assurance (IRMA, l’initiative pour l’assurance d’une exploitation minière responsable) en février 2021, rejoignant les constructeurs allemands BMW AG et Mercedes-Benz AG qui étaient déjà membres.

L’IRMA s’inscrit parmi plusieurs initiatives dédiées à la vérification et l’évaluation du respect des normes par les exploitations minières dans l’optique de démontrer leur performance sociale et environnementale. Sachant que l’IRMA s’intéresse à la durabilité environnementale ainsi qu’aux questions relatives aux droits de l’homme, cette affiliation offre à Ford une approche unique pour donner un visage éthique à sa chaîne d’approvisionnement.

Lors de son annonce, Ford présentait son point de vue concernant la chaîne d’approvisionnement en métaux. « Historiquement parlant, les activités minières ont eu une incidence négative sur les plans social et environnemental, notamment en termes de travail des enfants, de ruissellement acide dans les sources essentielles d’eau et de nourriture, ainsi que de pollution sonore et atmosphérique. De nombreux matériaux sont extraits dans des régions du monde que l’on qualifie de zones affectées par les conflits et à haut risque, où une mauvaise gouvernance peut mener à un risque plus élevé de conflit et d’exploitation. »

Selon Sue Slaughter, directrice du service des achats pour la durabilité de la chaîne d’approvisionnement de la société, « tout ce que nous fabriquons et introduisons dans nos produits dans l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement ne doit pas uniquement se conformer aux législations locales, mais également respecter notre engagement envers le développement durable et la protection des droits de l’homme ». Elle ajoutait que le fait d’avoir « rejoint l’IRMA aide notre société et d’autres à invariablement atteindre cet objectif en promouvant les bonnes pratiques pour gérer les questions environnementales, sociales et de gouvernance ».

Les initiatives telles que l’IRMA sont nécessaires. De fait, par rapport au parcours plus direct des matériaux biologiques élevés ou cultivés, par exemple un steak de la ferme à la table ou du vin du vignoble au verre, les minéraux et les métaux sont extraits, traités, fondus, alliés, transportés et mélangés pour fabriquer divers produits finaux, d’un alliage spécifique d’acier à un minuscule composant électrique.

Malgré l’ampleur de la difficulté, les constructeurs automobiles, aux côtés des fabricants d’électronique et des joailliers, augmentent la transparence de leur chaîne d’approvisionnement et embrassent les initiatives et les certifications d’approvisionnement responsable en minéraux et métaux dont ils ont besoin.

Les engagements publics à mieux faire

« La réputation est le principal moteur [pour les fabricants] », indiquait Steven Young, écologiste industriel et professeur agrégé à la faculté de l’environnement, de l’entreprise et du développement de l’université de Waterloo. M. Young évoquait les pressions imposées par les consommateurs, les investisseurs et les employés des sociétés ainsi que l’attention croissante de la part des autorités réglementaires, des gouvernements et des organisations non gouvernementales (ONG) comme facteurs incitant les marques orientées clients à apparaître sous un jour plus éthique et à répondre aux questions concernant le véritable impact de leurs produits sur les citoyens et l’environnement.

Le premier programme d’approvisionnement responsable dans le secteur minier à être connu du consommateur moyen était le système de certification du processus de Kimberley pour le commerce international des diamants bruts de 2003. Il visait à éviter le flux des diamants de conflits issus de pays tels que l’Angola, expliquait Aidan Davy, directeur de l’exploitation et directeur de programme environnemental à l’International Council on Mining and Metals (ICMM, le conseil international des mines et métaux).

Ensuite, l’attention s’est tournée vers le travail des enfants dans la chaîne d’approvisionnement en cobalt en République démocratique du Congo (RDC) ainsi que vers la violation des droits de l’homme liés à la production d’or et des trois T (éTain, Tantale et Tungstène) dans les pays en développement.

Même si elles venaient d’industries différentes et de géographies disparates, les premières personnes et organisations à lancer des programmes d’approvisionnement responsable l’ont généralement fait dans un objectif commun. « Que l’on parle de diamants de conflits ou de travail des enfants comme point d’entrée, le thème fédérateur [au départ] était les questions liées aux droits de l’homme », déclarait M. Davy.

Un éventail plus large d’inquiétudes relatives au secteur minier, principalement d’ordre environnemental, a également commencé à attirer l’attention du public et de l’industrie. Ceci a mené au développement d’initiatives visant à établir des normes pour la production responsable de métaux et minéraux (des normes développées et élargies pour englober les préoccupations d’ordre social et environnemental). Parmi ces approches vastes et relatives à l’ensemble des produits de base figurent les principes de l’ICMM sur le développement durable de 2003, le programme Vers le développement minier durable (VDMD) de l’association minière du Canada (AMC) de 2004, le Responsible Jewellery Council (RJC, le conseil pour une joaillerie responsable) de 2005, la Responsible Minerals Initiative (RMI, l’initiative responsable en matière de minéraux) de 2008 et les principes miniers étendus de l’ICMM de 2020.

La plus récente génération de normes concerne les produits de base. Elle inclut notamment l’Aluminium Stewardship Initiative (ASI, un organisme de normalisation et de certification à but non lucratif réunissant d’importants acteurs mondiaux de la chaîne de valeur de l’aluminium) en 2012 et le Bettercoal Code en 2013, ainsi que l’organisation ResponsibleSteel en 2015 et le cadre de garantie crédible The Copper Mark en 2019.

« Dans certains cas, [la chaîne d’approvisionnement] est complexe, dans d’autres, elle est vraiment simple. Tout dépend du nombre de processus et d’étapes intermédiaires que doivent subir les matériaux avant d’arriver chez le fabricant », expliquait M. Davy. L’aluminium, par exemple, est souvent géré par une seule société dans la plupart des chaînes d’approvisionnement, alors que dans d’autres cas, on compte des dizaines de matériaux et de circuits d’approvisionnement provenant du monde entier.

« Très souvent, le point commun autour duquel se rallient toutes les sociétés est la fonderie », expliquait M. Davy. « Un certain nombre d’initiatives portaient spécifiquement sur la fonderie. »


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Au cœur du melting-pot : les fonderies

Les fonderies marquent le point approximatif à mi-parcours entre le matériau brut et le consommateur. En amont figurent l’exploitation minière, la fusion et l’affinage. En aval, les marques gèrent la fabrication finale, l’assemblage et la vente aux consommateurs.

« Le plus important est d’avoir confiance et d’être certain que tout ce qui se rapporte à ce point d’agrégation a été produit de manière responsable », indiquait M. Davy. « La manière dont les exploitants de fonderies doivent faire acte de diligence représente une courbe d’apprentissage extrêmement pentue. Ils doivent s’assurer que les matériaux qu’ils acquièrent répondent véritablement aux exigences des autorités réglementaires et des clients. »

C’est la raison pour laquelle les aciéries sont au cœur des priorités de l’initiative de certification et de normes de Responsible­Steel.

« Une tonne d’acier peut contenir des matériaux bruts provenant de centaines de mines », déclarait Francis Sullivan, vice-président du développement des affaires pour ResponsibleSteel. L’expédition des principaux ingrédients du minerai de fer, du charbon métallurgique et du calcaire, en plus des divers additifs qui confèrent à l’acier ses propriétés spécifiques tels que le zinc, le chrome et le vanadium, représente l’un des plus grands secteurs commerciaux au monde. « Les bateaux traversant les océans transportent certainement plus de matériaux destinés à la fabrication de l’acier qu’autre chose », expliquait M. Sullivan, « encore plus que du pétrole ».

Pour suivre l’évolution, ResponsibleSteel a décidé de ne pas créer d’autre système de certification. « Nous étions d’avis qu’il existait déjà suffisamment de systèmes en cours de développement par des personnes qualifiées, et que la duplication n’était pas nécessaire », déclarait M. Sullivan. Avant de certifier l’acier, ResponsibleSteel procède actuellement à la vérification des fonderies et des aciéries et contrôle en amont si les mines ont été reçues par l’un des systèmes de certification minière en cours d’évaluation par ResponsibleSteel, notamment l’IRMA, l’initiative VDMD et Bettercoal. « Cela permettrait par la suite de formuler des revendications concernant le site fabriquant l’acier, ainsi que l’acier sortant de ce lieu. »

Devenir chef de file

Anglo American est membre de ResponsibleSteel, de l’IRMA et, au travers de ses exploitations De Beers, du RJC car sa réputation est essentielle à l’avenir de l’entreprise.

« La société réclame de plus en plus, et c’est tout à son honneur, des produits fabriqués à partir de métaux et minéraux provenant de sources responsables et durables », indiquait Jonathan Samuel, responsable du groupe des partenariats commerciaux responsables à Anglo American. « Anglo American a un engagement de longue date en tant que chef de file dans le domaine du développement durable, et a développé des objectifs audacieux qui sont délibérément ambitieux et conçus pour nous mettre au défi de diriger et d’innover. »

Dans le cadre de son Sustainable Mining Plan (plan d’exploitation minière durable), Anglo American s’engage à faire évaluer de manière indépendante le respect des normes d’exploitation minière crédibles et responsables dans tous ses sites d’exploitation d’ici 2025. C’est la raison pour laquelle Anglo American a choisi l’IRMA, qui est la première et la seule initiative à avoir offert une définition mondiale de la notion de pratiques exemplaires en matière de responsabilité sociale et environnementale pour les exploitations minières à grande échelle, indiquait M. Samuel.

Anglo American a sélectionné sa mine de platine d’Unki au Zimbabwe comme premier site où sera évalué le respect des normes de l’IRMA. Il s’agit en effet d’une mine relativement récente, mise en service en 2011, qui a fait l’objet de l’une des premières vérifications pilotes conformément aux normes de l’IRMA.

L’exploitation de nickel de Barro Alto d’Anglo American au Brésil, et l’exploitation d’éléments du groupe du platine (ÉGP) d’Amandelbult en Afrique du Sud sont en cours d’autoévaluation par l’IRMA, qui doit consulter l’industrie pour la mise à jour de la norme en 2021, indiquait M. Samuel. Anglo American, quant à elle, prévoit de contribuer en s’appuyant sur les leçons qu’elle a tirées de son expérience à Unki. Elle préconise une formation et une préparation ciblées supplémentaires avant la vérification et recommande de donner un sens plus spécifique à certaines des exigences.

M. Samuel reconnaissait que « les frais professionnels associés à la procédure de vérification à proprement parler sont relativement mineurs, mais étant donné que nous investissons déjà énormément dans la performance sociale et environnementale, nous n’avons pas encouru de dépenses matérielles supplémentaires. Le résultat a été un reflet de cet engagement de longue date ».

Certification dès l’étape de l’exploration

Peu de programmes existent pour des projets se trouvant à l’étape de l’exploration, où les répercussions sociales et environnementales sont plus faibles, tout comme les budgets des sociétés. À la fin de l’année 2019, l’association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) et ses partenaires ont mis au point un nouveau programme de certification spécifiquement destiné au secteur de l’exploration minière. Si l’AEMQ prévoit d’élargir ce programme de certification à l’intégralité du Canada, il se limite pour l’instant à la province.

En Colombie-Britannique, Deer Horn Capital Inc., qui développe un gisement d’argent, d’or et de tellure dans la région centre-ouest de la province, a décidé d’être le premier projet à l’étape de l’exploration à déposer une demande de certification par l’IRMA. Comme l’indiquait Tony Fogarassy, président de Deer Horn, « si l’on envisage de bien faire les choses du point de vue de l’exploitation minière responsable, et de tenir compte des peuples autochtones, il est tout à fait logique de commencer à aborder les sociétés d’exploration ».

L’affiliation à l’IRMA pour une société dont le budget annuel ne dépasse pas 100 millions de dollars américains est de seulement 1 000 dollars américains par an. Pour cette somme, M. Fogarassy expliquait que le timbre d’approbation de l’IRMA rend un projet plus intéressant aux yeux des investisseurs et des grandes sociétés envisageant d’acheter ou d’établir un partenariat en vue du développement du gisement. Cependant, la principale motivation était « impossible à quantifier », et elle concernait la condition préalable d’IRMA en matière de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (CPLCC).

« En tant que société d’exploration, nous nous devons de respecter les peuples autochtones et leurs terres sur lesquelles nous nous trouvons », expliquait M. Fogarassy. « Si l’on prévoit de procéder à une exploration avancée et, à terme, si l’on envisage la production, il faudra obtenir le consentement des populations autochtones concernées. La norme IRMA est la seule à exiger cela. »

Aborder le problème des exploitations minières artisanales

L’un des grands problèmes pour les initiatives d’exploitation minière responsable et les systèmes de certification réside dans le fossé qu’il existe entre les entreprises immatriculées au registre du commerce et les exploitations minières artisanales et à petite échelle (EMAPE), qui pourraient avoir recours au travail des enfants ou au travail forcé, ainsi qu’à des pratiques préjudiciables pour l’environnement.

« On pointe principalement du doigt les exploitations minières qui se trouvent dans des situations non contrôlées, non réglementées et illégales », déclarait M. Young. L’une des grandes difficultés est d’éviter que les matériaux extraits par des exploitants d’EMAPE indépendants, en particulier l’étain, le tantale, le tungstène, l’or et le cobalt, ne soient blanchis par un réseau d’exploitants voisins certifiés puis vendus avec un timbre d’approbation responsable.

Les solutions à ce problème sont complexes et impliquent de grands exploitants travaillant étroitement avec les communautés, les gouvernements locaux, les ONG et les exploitants des EMAPE, expliquait M. Young. Il est impossible de tracer une ligne imaginaire autour d’une exploitation relativement grande et de bonne réputation, tout en continuant d’ignorer l’activité des EMAPE autour d’elle.

Les rouages des systèmes de suivi

Il est difficile de suivre un atome de métal le long d’une chaîne d’approvisionnement complexe et, dans la plupart des cas, tout est souvent question de bonne comptabilité. Contrairement aux molécules biologiques, aux cellules et aux fibres que l’on peut localiser à l’aide d’essais chimiques ou de la génomique, on dispose de peu d’options physiques ou chimiques pour repérer les minéraux ou les métaux quittant la mine, ou pour localiser leur source.

L’un des rares exemples vient du Federal Institute for Geosciences and Natural Resource (BGR, l’institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles), qui a développé l’Analytical Fingerprint (AFP, l’empreinte analytique), une technique permettant de retracer l’origine des expéditions de minéraux pour l’étain, le tungstène et le tantale. Les géologues ont mesuré les éléments traces et caractérisé les attributs minéralogiques typiques de certains gisements. À l’aide de ces informations, ils ont pu comparer les attributs minéralogiques de la source communiquée avec la base de données pour confirmer qu’ils correspondent. Cependant, cette méthode est limitée en termes de produits de base et de géographie.

Les options de suivi numérique semblent être nombreuses, mais la plupart sont encore en phase d’essai. Très récemment, en janvier 2021, une plateforme d’authentification dans le nuage a été créée par l’Aluminium Association of Canada (AAC, l’association de l’aluminium du Canada) de manière à garantir l’authentification et la traçabilité de l’aluminium produit au Canada. La chaîne de blocs (une série de blocs numériques dont chaque bloc est un ensemble de transactions valides ou vérifiées à l’épreuve de toute falsification) a également été vantée par beaucoup comme la solution pour la gestion de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur des mines et des métaux, en raison de sa capacité à enregistrer des milliers de transactions numériquement dans un registre public. Jusqu’ici, de nombreux projets pilotes et en phase préliminaire utilisant la technologie des chaînes de blocs sont en cours, notamment un projet pilote lancé par Ford, IBM et d’autres entreprises portant sur le cobalt qui s’appuie sur une plateforme de chaîne de blocs ouverte et à l’échelle de l’industrie.

« Personnellement, je ne pense pas que la chaîne de blocs nous apporte la réponse », indiquait M. Davy. « Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle ne doit pas avoir de rôle à remplir, mais la raison pour laquelle on accorde beaucoup moins d’énergie et d’attention à [la chaîne de blocs depuis 2018] s’explique en partie par le fait qu’on a bien compris que cette technologie n’était pas la panacée. »

Par contre, la plupart des systèmes de suivi utilisés aujourd’hui dépendent de la gestion de l’information régie par des programmes internes et externes de vérification et d’assurance qui se fondent sur des définitions, des normes et une méthode approuvées d’autoévaluation contrôlées par des vérifications par des tiers.

Le prix à payer pour faire des affaires

La création d’une chaîne d’approvisionnement en produits éthiques est loin d’être bon marché. La mise en œuvre d’un système de traçabilité augmente le coût, tout comme la vérification par des tiers ou la certification prouvant qu’une entreprise fait preuve d’éthique dans son approvisionnement. Dans un rapport de 2020 intitulé The Automotive Industry in the Era of Sustainability (l’industrie automobile à l’ère de la durabilité), l’institut de recherche CapGemini concluait que l’industrie automobile mondiale aura besoin d’environ 50 milliards de dollars américains sur les cinq années à venir pour atteindre ses objectifs en matière de développement durable (parmi lesquels la fabrication durable, la recherche et le développement dans le domaine du développement durable, ainsi que l’exploitation minière durable des métaux, entre autres initiatives).

Le problème avec ce calcul des coûts est toutefois que les constructeurs automobiles viennent à peine de commencer leurs programmes d’acquisition de métaux provenant de sources éthiques et autres plans de développement durable. En tant que tel, le rapport estime que l’industrie dépense 20 % de moins que ce dont elle a besoin pour réaliser ses objectifs.

D’après un expert, il est probable que les sociétés automobiles décident volontairement de payer davantage pour obtenir des métaux extraits et traités de manière éthique. Robert Friedland, fondateur et coprésident exécutif d’Ivanhoe Mines, déclarait en janvier 2021 durant son discours liminaire lors du Mineral Exploration Roundup organisé par l’Association for Mineral Exploration British Columbia (AME BC Roundup, le tour d’horizon sur l’exploration minérale de l’association pour l’exploration minérale en Colombie-Britannique) que la stratégie de différenciation des prix récompensera les sociétés minières produisant des métaux dont le niveau de performance répond aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) les plus élevés.

M. Friedland laissait entendre qu’à l’avenir, « tous les produits de base auront une tarification différentielle. Il n’y aura plus de tarif unique pour le cuivre ou pour l’or ». Le modèle qu’il propose est semblable à la tarification des différentes qualités de pétrole brut et ses produits.

« Si l’on produit du cuivre “ écologique ” à l’aide d’énergie hydroélectrique et qu’on est proche du marché de destination, on pourra le commercialiser à un très bon prix à un constructeur automobile qui souhaite apposer sur son véhicule une étiquette [prouvant] les coûts en aval de sa fabrication », indiquait M. Friedland. Lors de ses conversations avec des constructeurs automobiles allemands et japonais, il a entendu que « ces derniers se préoccupaient particulièrement de l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement pour ce véhicule électrique qu’ils construisaient pour nous ».

Construire le changement

Les sociétés minières ont le choix de participer à l’un des nombreux systèmes de certification ou initiatives d’exploitation minière responsable. C’est pourquoi elles doivent bien comprendre ce que chacun d’eux requiert, son fonctionnement, et les avantages qu’elles peuvent en tirer. Il convient cependant, expliquait M. Davy, de bien distinguer les accords commerciaux signés entre deux sociétés, voire plus, pour fournir un matériau spécifique (par exemple, l’engagement de Glencore à approvisionner Tesla en cobalt) et les engagements plus vastes pris par des sociétés à devenir des exploitants miniers responsables, indépendamment du produit de base ou du client. En d’autres termes, l’engagement à être une société minière responsable comme condition sine qua non pour devenir membre de l’initiative VDMD, de l’IRMA ou de l’ICMM.

« On se trouve face à un fossé important, car il est difficile de déterminer dans quelle mesure les minéraux extraits sont réellement inclus dans les initiatives d’approvisionnement responsable », indiquait M. Davy. « Souvent, les sociétés décident de participer pour une raison commerciale, mais en choisissant de s’affilier à l’une de ces initiatives [par exemple aux principes miniers de l’ICMM], […] la production responsable de matériaux extraits commence à revêtir une importance en tant qu’action collective. »

Un autre problème concerne le chevauchement entre les normes et les conditions préalables des diverses initiatives. En réponse, l’ICMM a publié en décembre 2020 une série de points de référence de l’équivalence qui comparait les exigences des principes miniers de l’ICMM aux Responsible Gold Mining Principles (RGMP, les principes permettant une exploitation minière aurifère responsable) du World Gold Council (le conseil mondial de l’or), au programme VDMD, à l’ASI, à la Risk Readiness Assessment (RRA, l’évaluation du degré de préparation au risque) de la RMI et à Copper Mark. L’objectif de cet exercice d’analyse comparative de l’équivalence était d’éviter la duplication des travaux pour les sociétés mettant en œuvre une ou plusieurs de ces normes simultanément, et d’augmenter la transparence pour les parties prenantes intéressées.

« La difficulté reste à assurer que les normes et les systèmes qui soutiennent ces normes tiennent leur promesse sur les années à venir », déclarait M. Davy. « Un certain nombre d’entre eux sont relativement récents. Certains, on peut dire, luttent pour inciter une masse critique de sociétés à participer aux normes ou aux initiatives. »

L’approvisionnement responsable en métaux et minéraux est un enjeu mondial complexe et de taille, qui s’étend bien au-delà de l’exploitation minière. Toutefois, les sociétés minières qui souhaitent évoluer peuvent le faire, et leurs efforts d’amélioration seront mesurés et reconnus en termes des bénéfices qu’ils confèrent à l’environnement et à la cause des droits de l’homme. Quelles que soient les initiatives et les certifications qui survivront ou seront associées, l’approvisionnement responsable est, quant à lui, un principe bien établi.

« Nous sommes à deux doigts d’y parvenir », indiquait M. Sullivan. « Reparlons-en d’ici deux ans et l’[approvisionnement responsable] fera alors vraiment partie de notre vie. » 

Traduit par Karen Rolland