Faire des efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, tel qu'en utilisant du diesel renouvelable, est important pour Copper Mountain Mining Corp. si la compagnie veut atteindre la neutralité carbone. Par contre, elle doit aussi être capable surveiller ces émissions, d'où la valeur de la Mines Digital Trust, ancrée sur les chaînes de blocs. Avec l’aimable autorisation de Copper Mountain Mining Corp.

À l’automne dernier, un écosystème de suivi des émissions fait au Canada a fait son entrée à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) qui s’est tenue à Glasgow.

Dans une vidéo présentée lors de la conférence, Bruce Ralston, ministre de l’énergie, des mines et de l’innovation à faibles émissions de carbone de la Colombie-Britannique, présentait l’écosystème Mines Digital Trust (MDT), un système reposant sur les chaînes de blocs qui permettra aux sociétés minières de la Colombie-Britannique (C.-B.) de partager des preuves vérifiées de leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), notamment leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), sur la base de données provinciales. L’écosystème a été mis au point en partenariat avec IBM et Copper Mountain Mining Corp.

Don Strickland, directeur de l’exploitation de Copper Mountain, espère que cet écosystème évoluera de manière à offrir aux consommateurs « le tableau complet » d’un produit, qu’il s’agisse d’une voiture électrique ou d’un nouveau téléphone portable, ainsi que l’intensité des émissions de GES générées lorsqu’ils achètent ce produit.

« Lorsque vous achetez un véhicule, si vous avez la possibilité de scanner un code-barres indiquant que ce véhicule a été fabriqué de manière responsable, vous pourrez décider d’acheter telle ou telle marque parce qu’elle respecte des pratiques responsables que vous souhaitez soutenir. Comme ça, vous encouragerez les producteurs de métaux [à produire de manière plus responsable] », déclarait-il.

Le MDT s’inscrit dans une liste d’outils de suivi des émissions mis sur le marché à l’intention du secteur minier par des consortiums, des chercheurs, des gouvernements et des fournisseurs de technologie du monde entier. Si de nombreuses sociétés minières surveillent les données relatives aux émissions à l'interne, ces technologies visent à rendre plus transparent et plus accessible au public le profil de l’industrie, ainsi qu’à présenter aux sociétés des options de modélisation de scénarios pour la réduction des émissions.

Exploiter les chaînes de blocs

L’introduction du MDT à la COP26 constituait une première validation de principe publique visant à démontrer la valeur de la technologie des chaînes de blocs ouvertes. La présentation de cet écosystème portait sur le transfert d’une identité numérique des GES avec des données vérifiées sur les émissions de l’exploitation de Copper Mountain, du gouvernement provincial jusqu’au portefeuille numérique de la société.

Les travaux sur la chaîne de blocs se poursuivent afin de permettre aux sociétés de partager leurs données relatives aux émissions avec les vérificateurs, les fournisseurs, les acheteurs, les investisseurs et les autres parties prenantes, et d’introduire des « vérifications et des bilans » qui viennent renforcer leur crédibilité. Les créateurs du MDT veulent ajouter des capacités de mise à jour en temps réel. En d’autres termes, si un vérificateur ou une vérificatrice constate une différence dans les données relatives aux émissions d’une mine, cette information peut être immédiatement saisie et devient visible par tous les participants de la chaîne de blocs.

Les sociétés minières pourront utiliser un code QR pour partager les données relatives aux émissions de dioxyde de carbone (CO2) issues du MDT avec le réseau Open Climate, un système comptable du climat mondial reposant sur les chaînes de blocs développé par le Yale Open Innovation Lab (Yale Openlab, le laboratoire d’innovation ouverte de l’université de Yale), l’Open­Earth Foundation et d’autres.

Modéliser les émissions futures

Des chercheurs du Sustainable Minerals Institute (SMI, l’institut des minéraux durables) de l’université de Queensland ont créé un outil de gestion des émissions de gaz à effet de serre (GGEMT, de l’anglais Greenhouse Gas Emissions Management Tool) qui permet non seulement de suivre les émissions du secteur minier, mais qui aide aussi les sociétés à dresser le bilan de leurs émissions de champs d’application 1 et 2 sur le cycle de vie et de simuler les efforts de réduction.

Le GGEMT utilise des données sur la production et la performance, les propriétés des corps minéralisés, la consommation d’énergie et de carburant, ainsi que l’intensité des émissions directes et indirectes pour chaque étape de production afin de visualiser les émissions de CO2 depuis la mine jusqu’au marché, déclarait Mohsen Yahyaei, professeur agrégé à l’université. Les utilisateurs peuvent simuler tout un éventail de scénarios en changeant divers points de données ou en ajoutant des initiatives de réduction des émissions de champs d’application 1 ou 2. Ils peuvent aussi comparer les scénarios sur un horizon de 17 ans.

« Les résultats peuvent servir de lignes directrices afin de prioriser les étapes de production qui ont le plus grand impact sur la réduction des GES et identifier les plans d’atténuation [les plus efficaces] », ajoutait M. Yahyaei.

L’Emissions Benchmarking Tool (EBT, l’outil d’analyse comparative des émissions) du groupe international de recherche et de conseil Wood Mackenzie adopte une tactique différente. De fait, il s’appuie sur une association de documents publics relatifs à la durabilité des sociétés minières et d’extraction des métaux et sur ses travaux internes sur de nombreuses exploitations pour créer des profils d’émissions des mines du monde entier, couvrant un éventail de matières premières.

James Whiteside, directeur de la présence de l’entreprise dans les secteurs des métaux et des mines chez Wood Mackenzie, indiquait que les sociétés minières constituent, de loin, la plus grosse clientèle pour cet outil. L’EBT est aussi de plus en plus utilisé par les chercheurs en capitaux propres, les banquiers impliqués dans des transactions minières, les opérateurs de marchés financiers et les consommateurs.

Cet outil permet aux sociétés de se comparer à leurs pairs et de trouver des domaines propices à la décarbonation. Les utilisateurs peuvent également prévoir les émissions des matières premières, de la société ou des actifs après 2030, et même ventiler cette prévision en émissions de champs d’application 1 et 2.

Les prévisions sont établies à partir des travaux de Wood Mackenzie sur l’estimation du prix de revient et de la valeur des actifs, indiquait M. Whiteside, qui impliquent de comprendre les divers éléments entrant dans le coût d’un site ainsi que l’étape de production de l’actif et la durée de vie de la mine. Une exploitation cuprifère éprouvée pourrait, par exemple, renforcer son coefficient de recouvrement alors même que sa teneur de tête décline, augmentant au fil du temps le mouvement total du matériel et l’utilisation d’énergie. La société aligne ensuite cette information sur les facteurs liés aux émissions de diesel et la source d’énergie du site pour prévoir les émissions à venir.

Difficultés liées aux données

Les outils de surveillance et de modélisation des émissions à tous les niveaux rencontrent un enjeu commun, à savoir la qualité des données.

Lorsque les chercheurs australiens ont commencé à mettre au point le GGEMT, il leur est rapidement paru évident que de nombreux facteurs influencent le profil de GES d’un site. Les liens entre ces facteurs sont encore mal compris, indiquait M. Yahyaei. Par exemple, « le lien entre l’électrification de différentes étapes de l’exploitation minière et l’intensité des émissions de GES d’une part, et l’intégration de solutions de réduction des émissions de champ d’application 3 dans l’outil d’autre part, requièrent de la recherche permettant de comprendre les facteurs sous-jacents [qui] établissent le rapport avec les émissions de GES et modélisent leurs interdépendances ».

Pour tenter de justifier ces liens, le GGEMT utilise ce que l’on appelle la modélisation dynamique des systèmes, un type de simulation qui conjecture des liens dans les procédés et les utilise afin d’identifier les dépendances entre les variables qui pourraient affecter les émissions d’un site. Toutefois, M. Yahyaei indiquait que l’outil ne s’intéresse actuellement qu’aux émissions de champs d’application 1 et 2 à « un niveau très élevé ».

Il faisait également remarquer qu’en l’absence de capteurs pour la mesure directe des GES, les sociétés calculent généralement les émissions en fonction d’estimations, ce qui limite la précision de l’outil. Le SMI met actuellement en œuvre un consortium de sociétés minières, de fournisseurs technologiques et de chercheurs pour mener des recherches plus approfondies qui permettraient d’améliorer les capacités de la GGEMT.

M. Whiteside explique que Wood Mackenzie a également dû bien réfléchir à la manière d’obtenir des données cohérentes, car les approches des sociétés envers les rapports publics sur le développement durable et leur niveau de détail varient considérablement. La société a examiné des documents techniques, des analyses d’empreintes et des rapports sur le développement durable afin d’obtenir un tableau exhaustif.

L’EBT calcule aussi les GES sur la base de l’équivalent en dioxyde de carbone, suivant les normes établies par le Greenhouse Gas Protocol (le protocole sur les gaz à effet de serre), ce que ne font pas toutes les sociétés minières. Chacun des GES affiche des valeurs différentes de potentiel de réchauffement planétaire (PRP) sur la base de l’équivalent en dioxyde de carbone. L’utilisation de différents facteurs de PRP exerce une influence énorme sur la façon dont sont communiquées les émissions de méthane, indiquait M. Whiteside.

« [Il existe] de nombreux facteurs spécifiques au site qui ne ressortent pas par un simple calcul. Différents procédés se produisent et nous les connaissons désormais. D’une certaine manière, ils ont rendu notre analyse bien plus précise », ajoutait-il.

Intéressons-nous aux émissions de champ d’application 3

Les données sont également problématiques lorsqu’il s’agit de calculer les émissions de champ d’application 3, expliquait Mohammed Ali, vice-président de la durabilité et des affaires réglementaires chez Mines Agnico Eagle, qui utilise des outils élaborés par le protocole sur les gaz à effet de serre pour calculer ses émissions. Cela s’explique notamment par la position de l’exploitation minière dans la chaîne d’approvisionnement. Les fabricants, par exemple, ont des fournisseurs d’acier ou d’aluminium possédant des profils d’émissions bien développés qui confèrent un tableau clair des émissions de champ d’application 3. L’empreinte des émissions de champ d’application 3 du secteur minier, de son côté, a tendance à provenir des biens consommables, dont le tableau n’est pas toujours complet (la production de diesel et les pneus des véhicules constituent deux exceptions à la règle).

Vient ensuite la question du calcul de ces émissions. L’une des approches consiste à multiplier la masse ou le volume du matériel acheté à un fournisseur par les données du fournisseur relatives à la quantité d’équivalent en dioxyde de carbone en kilogrammes produite pour chaque kilogramme de produit, et à faire un calcul distinct pour la distance sur laquelle le produit a été transporté jusqu’au site.

Une autre approche, baptisée modèle économique des entrées-sorties, commence à faire son chemin et à être acceptée par l’industrie concernée par le protocole sur les GES, indiquait M. Ali. Cette méthode étudie les montants qu’investit une société dans des biens consommables en amont en tant que fraction de cette industrie globale. Par exemple, si une société minière dépense 100 dollars pour un bien consommable, et l’industrie qui fabrique ce bien consommable a un revenu de 100 millions de dollars, l’empreinte des émissions de champ d’application 3 de la société minière pour cet achat représente un millionième de la contribution totale de l’industrie aux émissions totales de GES.

Wood Mackenzie a développé des capacités de champ d’application 3 dans son EBT pour quelques matières premières, mais M. Whiteside faisait remarquer que les complexités sont différentes pour chaque matière première. Avec le cuivre, l’outil permet de suivre le concentré de la mine jusqu’à la fonderie. Pour le minerai de fer, la situation est plus complexe. De fait, le produit en lui-même déterminera si le fer est vendu à une aciérie disposant d’un haut-fourneau, ou à une unité utilisant un procédé de fer de réduction directe (FRD) générant moins d’émissions. Les émissions de minerai de fer diffèrent également d’une région à l’autre. Si la société est bien consciente que les sociétés minières vendent davantage à l’Inde qu’à la Chine, à l’Europe et aux États-Unis, les sociétés ne divulguent pas d’informations spécifiques. Par ailleurs, de nombreuses ventes sont réalisées par l’intermédiaire d’opérateurs de marchés financiers et sont donc masquées.

MineHub Technologies, une société basée à Vancouver, a créé une plateforme de chaîne de blocs pour un suivi des chaînes d’approvisionnement en temps réel du secteur des mines et des métaux. Elle a lancé une capacité de suivi des émissions de CO2 en décembre qui, selon le directeur général Arnoud Star Busmann, devrait répondre aux enjeux posés par les émissions de champ d’application 3.

« [Les sociétés] prennent une moyenne entre le port et [le site] et établissent une moyenne des émissions générées par kilomètre pour le carburant. Cela tient compte purement et simplement de la distance, pas des retards. C’est une estimation grossière », indiquait M. Star Busmann, ajoutant qu’avec cette approche, les sociétés pourraient bien sous-estimer (ou surestimer) l’empreinte de leurs émissions de champ d’application 3.

La plateforme MineHub, qui suit une expédition de matériel d’une mine à un point terminal éventuel, permet désormais à tous les acteurs d’ajouter des données sur les émissions. Les sociétés cuprifères, par exemple, peuvent inclure des données sur l’intensité des émissions de champs d’application 1 et 2 du cuivre qu’elles expédient, ainsi que sa teneur en arsenic et en cuivre. Leurs fournisseurs peuvent en faire de même, et donner aux sociétés minières un tableau plus complet de leurs émissions en amont et en aval.

M. Star Busmann expliquait que la société met au point une capacité d’analyse cette année, spécifiquement destinée aux sociétés minières. « Les grandes sociétés doivent démontrer une amélioration continue dans la réduction de leurs émissions totales. Les investisseurs veulent les voir baisser », ajoutait-il.

« Nous pouvons donner à chaque client des données sur l’expédition, le produit, les émissions de champ d’application 3 pour chaque producteur. Vous pouvez ensuite disséquer votre inventaire et prouver, par exemple, que la plupart de vos émissions proviennent de cet [acheteur en aval]. Et c’est là que vous pouvez commencer à optimiser le portefeuille. »


 La série Objectif neutralité carbone se poursuivra tout au long de l’année 2022. Elle examinera les difficultés liées à la réduction des gaz à effet de serre et à l’élimination des empreintes carbone, et étudiera également les possibilités qu’offrent ces actions. Si vous souhaitez apporter votre contribution, veuillez nouscontacter à l’adresse : editor@cim.org. 

Traduit par Karen Rolland

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