De gauche à droite : le chef adjoint de la TTN Derek Archibald, le directeur général de Canada Nickel Mark Selby, le chef de la TTN Bruce Archibald et l’agente de prospection commerciale de la TTN Candice Tourville, aux côtés du ministre du Développement et de la croissance économique du Nord de l’Ontario George Pirie, en arrière-plan. Avec l’aimable autorisation de Canada Nickel
Àquoi ressemblent une réconciliation économique et un modèle de prospérité partagé dans le secteur minier ? Pour la Première Nation Taykwa Tagamou (TTN) et Canada Nickel, cela se traduit par un investissement dans le renforcement de la nation et le développement à l’échelle nationale de la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques au Canada.
En mai, la société minière Canada Nickel de Toronto annonçait la conclusion d’une transaction en titre d’emprunt convertible de 20 millions de dollars avec la TTN. Il s’agit du plus grand investissement direct connu par une Première Nation dans un projet de minéraux critiques ou une société au Canada. D’après Canada Nickel, ce titre confère à la TTN le droit de convertir 16,67 millions de dollars en actions ordinaires, au prix de 1,20 dollar l’action, une participation dans les capitaux propres de Canada Nickel de 7,9 % ainsi qu’un siège au conseil d’administration de la société.
“La réconciliation ne s’arrête pas aux remerciements. Elle concerne également les mesures prises” déclarait le chef Bruce Archibald de la TTN à l’équipe du CIM Magazine dans une déclaration écrite. “La réconciliation économique signifie que les Premières Nations sont non seulement consultées, mais qu’elles [sont] copropriétaires et qu’elles prennent des décisions. Ce partenariat représente une réelle transition vers ce modèle [et] montre ce qui est possible lorsque les Premières Nations ont une voix et un intérêt”
D’après Canada Nickel, le projet de sulfure de nickel de Crawford, situé à seulement 42 kilomètres au nord de Timmins, en Ontario, et sur les territoires traditionnels de la TTN, est le second plus grand projet d’exploitation des ressources et des réserves de nickel. Il devrait devenir la plus grande mine de nickel du Canada. D’après une étude de faisabilité de 2023, la grande exploitation à ciel ouvert et le concentrateur devraient produire une moyenne annuelle de 38 000 tonnes de nickel tout au long de sa durée de vie de 41 ans.
Le gouvernement de l’Ontario a récemment identifié ce projet d’investissement de 3,5 milliards de dollars comme un projet prioritaire pour les minéraux critiques et la reconstruction d’une nation. À l’automne, Canada Nickel a reçu une lettre d’intention d’Exportation et développement Canada pour un financement par emprunt à long terme pouvant atteindre 500 millions de dollars. La société a également reçu récemment près de 20 millions de dollars en placements privés, notamment un financement d’Agnico Eagle et un crédit-relais distinct de 20 millions de dollars américains.
Canada Nickel est sur le point de recevoir des permis fédéraux pour Crawford d’ici la fin de l’année 2025. La société espère commencer la production à la fin de l’année 2027 ou début 2028.
Collaboration et codéveloppement
D’après Mark Selby, directeur général et administrateur de Canada Nickel, lorsque la TTN a contacté pour la première fois la société en lui indiquant son intérêt pour un investissement, la société a envisagé un certain nombre d’options diverses pour que la TTN investisse son propre capital. “Selon nous, un titre d’emprunt convertible était la meilleure solution”, indiquait-il. “Cela confère à la [TTN] une part des actions comme si elle détenait des actions, mais cela lui offre également une protection en cas de baisse car, en réalité, il s’agit d’un titre d’emprunt au départ en ce qu’il leur donne une sécurité sur l’enveloppe foncière. Il s’agit selon nous d’un bon compromis entre le risque et le rendement.”
La TTN est associée à Canada Nickel depuis 2019. Elle a vu croître Crawford depuis les premières étapes du projet jusqu’à la construction presque terminée de la mine. “ Dès le départ, nous avons constaté la volonté de la société d’écouter et de collaborer, et pas seulement de cocher des cases", déclarait le chef Archibald. “Nous n’avons pas eu de débats classiques autour de la ‘consultation’. Nos conversations ont immédiatement été plus profondes, axées sur la manière dont nous pouvons collaborer autour de la prise de participation, de la collaboration au niveau des infrastructures, de la gouvernance partagée et des visions de la TTN pour sa nation.”
D’après Sydney Oakes, directeur des relations avec les Autochtones et des relations publiques chez Canada Nickel, le lien entre la TTN et la société était mutuel. « Depuis le début, la relation est ancrée dans le codéveloppement, le respect mutuel et une vision partagée pour la réussite durable et à long terme, autant pour la richesse générationnelle de la TTN que la croissance opérationnelle de notre société” déclarait-il à l’équipe du CIM Magazine. “[Ce] niveau de participation à la gouvernance reflète la profondeur de cette relation, de la participation à la copropriété et au codéveloppement.”
La relation a commencé par une entente sur les services de transmission, dans laquelle la TTN s’engageait à développer et à exploiter une ligne électrique pour fournir de l’électricité au projet. Ensuite, une entente sur le financement du parc de véhicules de transport a été conclue, dans laquelle la TTN financera tout ou partie du parc de véhicules miniers électriques pour le projet. Durant ces développements, la TTN s’est aussi efforcée de devenir autonome grâce au développement pris en charge par la communauté. La nation considérait cet investissement comme une occasion de se rapprocher de cette vision avec des avantages à long terme et durables.
“[Le projet Crawford] s’alignait sur nos valeurs en matière d’énergie propre, de responsabilité environnementale et de croissance économique à long terme”, indiquait le chef Archibald. “Cet investissement donne à notre nation une véritable place à la table des négociations et une participation au façonnement d’un projet de plus de 40 ans qui aura un impact durable sur notre territoire traditionnel.”
L’investissement va au-delà du projet Crawford et s’étend à l’ensemble de la société. En d’autres termes, la TTN pourra faire équipe avec Canada Nickel dans ses installations de traitement en aval, et pour d’autres propriétés d’exploration et des débouchés ou projets futurs. C’est la raison pour laquelle la TTN considérait le siège au conseil d’administration comme un élément essentiel de l’entente. “ Il ne suffit pas d’être impliqué, il faut faire partie du processus décisionnel”, indiquait le chef Archibald. “Canada Nickel l’a compris très tôt, et cet impératif est devenu une part essentielle de nos discussions. Notre siège au conseil d’administration garantit que nos valeurs, de la bonne intendance de l’environnement au bien-être de la communauté, sont représentées au plus haut niveau.”
Avantages mutuels
Pour Canada Nickel, le partenariat pour l’investissement signifie que la TTN contribue à égalité. “Selon moi, [ce partenariat] mène la réconciliation économique à son lieu naturel, là où les Premières Nations ont leur mot à dire et un siège à la table des négociations quant à la manière dont se produit le développement économique sur leur territoire”, indiquait M. Selby.
Un avantage supplémentaire pour la société est que ce partenariat pour l’investissement renforce son permis social d’exploiter et ajoute une force opérationnelle ainsi qu’un soutien local au projet Crawford, particulièrement en raison du rôle important que joue déjà la TTN dans son infrastructure. D’après M. Oakes, la représentation au conseil d’administration signifie que la TTN sera en mesure de partager ses connaissances profondes de la terre et une perspective à long terme sur le développement durable. En outre, elle sera une voix crédible dans les dialogues avec les gouvernements et les organismes de réglementation.
“Si nous prenons au sérieux la propriété partagée, nous devons prendre au sérieux la gouvernance partagée”, indiquait M. Oakes. “Nos projets [et] leur fondement n’en seront que plus forts, ils seront plus collaboratifs et plus alignés sur les besoins et les attentes de la communauté.”
Ce qui rend unique le partenariat pour l’investissement pour l’industrie minière est à la fois le montant et l’ampleur de l’investissement, tout comme l’intervention de la TTN dès le début du projet. "D’autres transactions ont abouti à l’achat par des communautés de X % d’actifs en exploitation depuis 30 ans", déclarait M. Selby. "Celle-ci arrive à un autre point du rapport risque/rendement, qui confère un bien meilleur potentiel de croissance à la communauté des Premières Nations. C’est également un moment où cette intervention est très utile pour nous, en ce qu’elle nous permet de parvenir aux dernières étapes de l’obtention de permis et d’inviter les investisseurs influents à la table des négociations en termes de partenariats pour les projets."
D’après les responsables de la TTN et de Canada Nickel, ce partenariat servira de modèle à d’autres sociétés minières, qui se lanceront au-delà de la consultation et embrasseront la réconciliation économique. Comme l’expliquait le chef Archibald, les sociétés ne doivent pas se contenter de la consultation, mais explorer ce à quoi ressemblent la participation des actionnaires, la gouvernance et la planification conjointe. “La réconciliation économique exige des sociétés qu’elles aient la volonté de renoncer à une partie du contrôle et de faire réellement équipe avec les Premières Nations”, indiquait-il. “Il s’agit de relations à long terme, et pas d’approbations à court terme.”
D’après M. Selby, les sociétés minières ne peuvent développer ce genre de relations et atteindre la réconciliation économique du jour au lendemain. Les sociétés ont besoin de temps pour poser les bases de leur travail préparatoire sur les territoires des Premières Nations. “[En] adoptant un réel esprit de partenariat et d’ouverture pour partager les bénéfices, et en commençant le plus tôt possible, on dispose du temps nécessaire pour bâtir la relation”, indiquait-il.
Traduit par Karen Rolland