En 2014, les dépenses liées à l'énergie des exploitations de Barrick Gold atteignaient environ 1,1 milliard $. Avec l'aimable autorisation de Barrick Gold

Au cours des cinq dernières années, Barrick Gold et Deloitte ont étudié de près l'utilisation d'énergie de Barrick dans l'espoir de réduire les coûts d'exploitation et les émissions de la société. Toute économie réalisée peut faire une grande différence si elle est répercutée dans toute l'organisation ; l'année dernière, les dépenses de Barrick liées à l'énergie ont atteint environ 1,1 milliard $, ce qui représente plus d'un quart de ses coûts totaux d'exploitation. Les deux sociétés développent actuellement une nouvelle stratégie en matière de consommation d'énergie ; elles prévoient par ailleurs d'élaborer toute une gamme de nouveaux modèles de gestion et de tester de nouvelles techniques d'exploitation dans les mois et années à venir. Comme le faisait remarquer Russell Blades, gestionnaire principal de l'énergie chez Barrick, certains des changements seront minimes et simples à effectuer. Cependant, il espère aussi que les initiatives de Barrick montreront à l'industrie minière les importantes possibilités qu'il existe en matière d'efficacité énergétique.

Un environnement énergétique en pleine évolution

D'après M. Blades, ce n'est qu'en 2008 que Barrick, tout comme la plupart des sociétés minières, a commencé à accorder son attention aux dépenses énergétiques. Les prix du pétrole étaient jusque là relativement faibles et stables, et toutes les sociétés les considéraient comme une dépense prévisible. « Lorsque l'énergie était peu onéreuse, et les prix de l'or et de l'énergie se compensaient en quelque sorte, le public avait tendance à penser que les marchandises constituaient une protection naturelle contre le prix de l'énergie », expliquait Adriaan Davidse, l'un des directeurs de Deloitte qui collabore étroitement avec Barrick dans le cadre de cette initiative. Le prix du pétrole a connu un déclin spectaculaire ces derniers mois, mais cette tendance ne devrait pas se poursuivre sur le long terme. « Nous aimerions garder une longueur d'avance », indiquait M. Blades.

Depuis 2010, Barrick et Deloitte collaborent afin d'attaquer de front ces difficultés en développant une stratégie complète à l'échelle du système pour faire face aux dépenses liées à l'énergie de Barrick. Les deux sociétés ont identifié dix manières importantes de réduire la consommation énergétique dont, entre autres, les marchés d'approvisionnement en énergie, la gestion des carburants, l'énergie renouvelable, la récupération de la chaleur et le recours à des combustibles de substitution. Selon M. Blades, quatre procédés utilisés par Barrick (le roulage, le broyage, le concassage et les autoclaves) représentent à eux seuls 50 % de la demande énergétique de la société.

Repenser le transport des minerais

D'après M. Blades, la meilleure manière de réduire les besoins énergétiques dans les mines à ciel ouvert consiste à repenser le transport des minerais. Peter Kondos, directeur principal de Barrick, est tout à fait d'accord. « Essentiellement, nous déplaçons des roches. Cela ne fait aucun doute dans nos esprits, [repenser] le transport des minerais contribuera à renforcer l'efficacité de l'exploitation minière. C'est la prochaine étape dans l'évolution du secteur minier. »

M. Blades indiquait que Deloitte a considérablement aidé son équipe à révéler les « coûts cachés » de l'exploitation des flottes de camions de transport. « Si vous voyez un camion de transport et ne connaissez rien à l'exploitation minière », expliquait-il, « c'est sans doute la dernière chose que vous envisageriez de concevoir ». Pour illustrer, il évoquait l'inefficacité notoire d'un moteur diesel portant le poids d'un énorme camion de transport chargé de tonnes de matériaux. Le déplacement du camion à lui seul entraîne déjà une forte consommation d'énergie. M. Blades attirait également l'attention sur toute une série d'autres dépenses et inefficacités telles que les coûts mécanique et d'entretien, le remplacement de pièces, le transport des camions et de pièces vers des sites isolés, ainsi que l'aménagement des espaces extérieurs pour accueillir des véhicules encombrants.

Entre-temps, d'autres technologies ont fait leurs preuves. Barrick et Deloitte ont développé des simulateurs et étudié les possibilités d'utiliser des transporteurs et un système hybride transporteur/système ferroviaire baptisé Rail Veyor pour le transport du minerai de et vers la mine, ou à l'intérieur de la mine. Ces systèmes sont devenus de plus en plus fiables ces cinq dernières années plus ou moins, et présentent des avantages évidents par rapport à un système ne dépendant que des camions, à savoir le transport plus performant des matériaux, une énergie électrique constante ainsi que des économies réalisées sur une infrastructure plus simple et moins onéreuse. D'après M. Kondos, certains nouveaux projets en prévision ne seraient pas financièrement viables s'ils dépendent du transport par camions. Il expliquait que Barrick évalue actuellement l'utilisation de Rail Veyor dans plusieurs sites en Amérique et espère que d'ici début 2017, le premier sera mis en œuvre.

M. Davidse faisait remarquer que, si les camions de transport présentent des avantages dans le sens où ils offrent une flexibilité de mouvement, cette flexibilité n'est pas toujours nécessaire. « La mobilité coûte cher si on l'applique avec une technologie qui n'est pas appropriée dans des domaines où l'on n'en a pas besoin », indiquait-il. Par exemple, il pourrait être judicieux d'utiliser un camion à l'intérieur de la mine, mais le transport des matériaux hors de la mine ne requiert pas nécessairement la même maniabilité.

M. Kondos indiquait que les options de substitution aux camions présentent une sorte de scénario de type « retour vers le futur » ; en effet, les anciennes pratiques minières consommaient bien moins d'énergie qu'à l'heure actuelle, du fait qu'elles dépendaient principalement de poulies, de wagons et de voies ferrées. Cependant, il expliquait qu'à mesure que l'industrie s'est développée, « nous nous sommes éloignés de ces pratiques [étant donné] que le diesel était peu onéreux ». Depuis, les camions de transport sont devenus un équipement omniprésent dans l'exploitation à ciel ouvert. « C'est le gros problème dont personne n'ose parler », déclarait M. Blades. « Nous considérons comme normale la présence de camions de transport depuis très longtemps. »

Un point de vue systémique

Barrick et Deloitte insistent sur le fait que leur stratégie implique d'envisager la demande en énergie opérationnelle comme un système et non comme une série de procédés distincts. Plus particulièrement,  MM. Davidse et Blades citent le « grand fossé » qu'il existe entre les activités d'extraction et de traitement. Si l'on n'envisage pas l'énergie d'un point de vue systémique, toute tentative de réduire la consommation énergétique dans différents domaines fonctionnels ne mènerait sans doute qu'à une hausse des coûts généraux. De même, en consacrant un certain budget à l'énergie dans le bon domaine, il est possible de réduire les dépenses globales liées à l'énergie, comme on peut le constater dans l'approche « du forage au concentrateur », qui montre qu'en injectant davantage de moyens dans l'abattage à l'explosif, très énergivore, on peut économiser en aval lorsqu'on n'a pas besoin d'autant d'énergie pour le concassage. D'après M. Blades, ce point de vue fait cruellement défaut dans l'industrie. « Nous avons tendance à envisager l'industrie de manière très compartimentée et pas vraiment comme un système. »

La société utilise également davantage l'énergie solaire sur ses sites, et M. Davidse s'empressait de souligner les implications systémiques dans ce cas également, prétendant que dans certains cas, il n'y avait plus aucune raison d'exploiter la mine 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à partir du moment où l'on a accès à une source d'énergie solaire moins coûteuse pendant la journée et que l'on dépend du diesel, plus coûteux, la nuit. M. Kondos indiquait que Barrick dispose de « plusieurs installations de panneaux solaires partout en Amérique » et étudie actuellement la façon de déployer leur utilisation.

Mesurer l'énergie

M. Davidse insistait sur le fait que la technologie a elle seule ne constitue pas la réponse aux problèmes de l'industrie en matière d'énergie. « Il ne suffit pas d'intégrer une technologie donnée dans un schéma de traitement et un procédé existants et de décréter par la suite que cette technologie va rattraper les erreurs. C'est notre façon d'envisager la conception de la mine, la façon dont les procédés fonctionnent ensemble et la façon dont on mesure les choses que nous devons changer. »

Les premières années de collaboration se concentraient sur l'organisation de la collecte des données relatives aux dépenses liées à l'énergie à tous les niveaux du site, et non pas juste au niveau de la mine dans son ensemble. Ceci signifie qu'il convient de mesurer l'utilisation d'électricité ou de diesel dans tous les sous-systèmes de la mine, voire même dans un moteur unique. « Il faut disposer de cette infrastructure de manière à bien comprendre la base de référence », expliquait M. Blades. « L'analytique nous aide à identifier où se trouvent les possibilités, elle nous aide à quantifier et, lorsque l'on met quelque chose en œuvre, à confirmer que l'on économisera bien ce que l'on pensait économiser. » Il insistait également sur l'importance de mettre ces mesures à disposition de manière à ce que la société puisse partager ses économies et récompenses clairement définies avec ses partenaires potentiels, lesquels pourraient par la suite l'aider à installer une technologie permettant de réaliser des économies d'énergie.

Et après ?

L'équipe s'est fixée l'objectif de parvenir à une réduction d'au moins 10 % des dépenses énergétiques au cours des cinq années à venir. M. Kondos indiquait que l'on a « tendance à négliger certains aspects » comme l'éclairage et les améliorations à apporter au rendement du moteur, mais pour atteindre cet objectif plus vaste, il faudra déployer des projets plus intensifs tels que la mise en œuvre du système Rail Veyor, la récupération de la chaleur et d'autres procédés. Cependant, cet objectif n'est pas le seul que visent les membres de l'équipe préposée aux dépenses énergétiques. Ces derniers espèrent engager une conversation continue sur l'énergie au sein de la société Barrick et plus globalement dans l'industrie. « Nous souhaitons réellement nous concentrer, au long terme, sur l'appréciation par le public de l'importance de l'énergie et de ce que cela peut, selon nous, offrir à la société », expliquait M. Davidse.

« Nous remettons le système en question et expliquons que nous devons collaborer dans l'ensemble du système, mais nous devons pour ce faire disposer des données nécessaires pour procéder à ce genre de compromis, et il faut du temps pour poser ces bases », ajoutait-il. « Une fois ces bases posées, des choses extraordinaires commencent à se produire. »

Traduit par Karen Rolland