Les modules ont été transportés sur le chantier de Long Harbour de Vale au moyen de transporteurs modulaires autopropulsés. Avec l'aimable autorisation de Mammoet

Quand Vale a planifié la construction de son usine de traitement du nickel à Long Harbour, à Terre-Neuve-et-Labrador, la construction modulaire hors site a rapidement été identifiée comme une possibilité afin de réaliser des économies de temps et de coûts. En 2009, Vale a engagé l’entreprise Mammoet, établie aux Pays-Bas, pour des services de consultation, puis pour assurer le transport de 600 composants de grande dimension au chantier de Long Harbour. Le transport a eu lieu de mi-2010 à fin 2012, et a inclus 160 modules, pesant jusqu’à 1 200 tonnes, traversant l’Amérique du Nord depuis les chantiers de fabrication.

L’usine de traitement hydrométallurgique a commencé sa production commerciale en juillet dernier.

Le projet de 4,25 G$ US a principalement été construit sur pilotis à Long Harbour, employant plus de 6 000 personnes. L’utilisation de modules pour certaines parties de l’usine a permis à Vale de décongestionner le chantier de construction, puisque des parties de l’infrastructure ont pu être construites en parallèle, plutôt que successivement. Cette approche a été particulièrement importante pour respecter l’échéancier de projet prévu, étant donné les conditions du marché du travail : à Terre-Neuve-et-Labrador – et de façon plus générale dans le Canada atlantique – la main-d’œuvre spécialisée était en pénurie, car plusieurs projets industriels de grande envergure se disputaient des travailleurs qualifiés.

« Délocaliser une partie des activités à l’extérieur du Canada atlantique a permis d’alléger la pression sur nos échéanciers et notre budget », a déclaré Michael Fleming, chef de l’assurance de la qualité et de la gestion des risques du projet de Long Harbour. « Nous savions que nos exigences nous plaçaient près des limites en termes de main-d’œuvre locale et de capacité des fournisseurs, il était donc judicieux d’obtenir des ressources additionnelles de l’extérieur de la région. »

Vale et Mammoet ont organisé des rencontres préliminaires en 2007, durant lesquelles Vale a exprimé son intérêt pour la construction modulaire. Glen Aitken, vice-président des Ventes, Est du Canada, pour Mammoet, a répondu que la société minière tenait à explorer ce qui pouvait être fait. « Vale avait beaucoup de défis logistiques à relever et a demandé notre opinion sur de nombreux critères différents », a-t-il ajouté. « À ce moment-là, ils semblaient sceptiques à propos de la mise en œuvre de certaines options, mais nous étions convaincus que la construction modulaire était réalisable. »

Mammoet a participé au projet dès les premières étapes de la planification, tout d’abord en consultant les ingénieurs pour favoriser une approche plus intégrée de la conception, puis du transport des parties de l’usine. La société a également étudié la proximité des chantiers de fabrication choisis par Vale par rapport aux quais. « Quand nous nous sommes procuré les équipements », a expliqué Dan Donnelly, ancien directeur de la construction du projet de Long Harbour, « les propriétaires nous ont fourni les caractéristiques et les capacités de ces équipements, puis nous avons travaillé avec Mammoet afin de nous assurer que ces équipements répondraient aux exigences du projet en ce qui concernait le transport par barge. »

Vale a prévu l’ordre dans lequel les modules devraient être construits et acheminés à Long Harbour – un processus qui, selon M. Donnelly, a pris environ un an. Mammoet a commencé à transporter les modules en deux phases, au milieu de l’année 2010.

La première phase correspondait au transport quotidien de modules entièrement construits, assemblés à Argentia, à Terre-Neuve-et-Labrador, les plus gros modules étant transportés par barge et les plus petits par camion. La phase 1 s’est poursuivie tandis que la phase 2, correspondant au transport maritime de modules depuis les trois principaux chantiers de fabrication de Brewer (Maine), Corpus Christi (Texas) et New Iberia (Louisiane), a débuté au début de l’année 2011. La partie transport a été terminée à la fin de l’année 2012. Au cours de la phase 2, en plus des trois importants chantiers de fabrication, de plus petits modules et réservoirs ont également été transportés par barge depuis un certain nombre de ports et de chantiers des Grands Lacs et du bassin hydrographique du Mississippi.

« Tout le processus a véritablement été intercontinental », a déclaré M. Fleming. « Outre les chantiers de fabrication, nous avons mobilisé des fournisseurs dans la région des Grands Lacs, au Canada et aux États-Unis, qui ont assuré le transport jusqu’à la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous avons également fait appel à des fournisseurs locaux. Mammoet a collaboré avec Hunt’s Transport Ltd., une entreprise établie à Terre-Neuve-et-Labrador, pour se charger d’une partie importante du transport par camion. »

Défis logistiques de taille

D’après MM. Fleming et Donnelly, environ 34 000 soudures de tuyaux, 75 000 mètres linéaires de tuyau, 15 000 tonnes d’acier, 150 kilomètres de câble, et 7 000 mètres carrés de bardage ont composé les 160 plus gros modules. De l’équipement et de plus petits modules de râtelier à tuyaux ont été construits à Argentia, des modules de local électrique dans le Maine, des modules de construction en Louisiane, et de plus grands modules de râtelier à tuyaux au Texas.

Les modules ont été transportés par barges tractées par des remorqueurs depuis les chantiers de fabrication jusqu’à Long Harbour. Au plus fort du projet, M. Aitken précise que Mammoet avait 10 barges circulant entre les quatre principaux chantiers de fabrication, les installations des fournisseurs sur la Voie maritime du Saint-Laurent et Long Harbour. Il souligne que des centaines d’employés de Mammoet ont pris part au projet, notamment des ingénieurs navals des Pays-Bas qui ont élaboré des plans d’arrimage aux barges pour les modules, qui ont conçu des accessoires fixes en acier pour maintenir les modules en place et les empêcher de riper sur des eaux agitées, et a élaboré des plans d’arrimage pour chaque transport par barge, selon la géographie, la période de l’année et le type de module à bord, entre autres facteurs.

Les conditions météorologiques ont représenté un défi pour Mammoet. Vale souhaitait une livraison des modules toute l’année, mais l’été et l’hiver ont été des saisons difficiles pour le transport. « Durant l’été, en particulier dans le golfe du Mexique, il y a beaucoup d’ouragans et de tornades », a déclaré Barend Schuring, alors le vice-président des opérations de Mammoet pour l’Est du Canada. « Durant l’hiver, quand la météo dans la région du golfe est plus clémente, il faut alors affronter le temps froid et les conditions difficiles aux alentours de Terre-Neuve. Il nous a fallu de nombreuses fois trouver un abri avec une barge chargée pour se protéger du mauvais temps, puis recommencer, pour simplement s’assurer que les modules, le chargement, et chaque pièce restent intacts. »

Décharger les modules dans les installations portuaires de Vale, à Long Harbour, et les transporter jusqu’au chantier de construction de l’usine ont également posé des problèmes logistiques. Le port, que Vale réaménageait, avait été construit à l’origine dans les années 1960 et n’avait pas été conçu pour manipuler des modules. Pour éviter d’endommager les installations portuaires, Mammoet a mis au point et installé un système de pare-chocs pour servir de coussin entre le bord du quai et les barges y accostant. Des rampes d’accès de 50 pieds ont servi de pont jusqu’au quai pour qu’aucune charge lourde ne soit placée sur le bord du quai, là où il est le plus fragile. « Le quai n’était pas idéal pour ce type d’opération, mais nous avons veillé à ce que tout se déroule bien », a déclaré M. Aitken.

Sur la route menant au chantier, les modules ont dû traverser une rivière. Leur poids lourd dépassait la capacité de charge du pont que Vale avait mis en place et qui était conçu pour répondre aux besoins des activités à long terme de l’usine de traitement. Par conséquent, Mammoet a construit un pont en acier modulaire au-dessus de la structure existante.

En raison d’une différence d’élévation d’environ 100 mètres entre le port et le chantier de l’usine, Mammoet a fourni des critères à Vale afin de concevoir la route avec une légère pente. « En raison du poids et du moyen de transport utilisé avec ces modules du port jusqu’au chantier de l’usine, nous devions faire attention à l’inclinaison de la route d’accès », a souligné M. Donnelly. « Finalement, nous avons opté pour une inclinaison de moins de 6 % pour permettre à ces modules d’emprunter cette route. »

Transporteurs modulaires

Les modules ont été déplacés du port au chantier de l’usine au moyen de transporteurs modulaires autopropulsés (TMA). Une fois les modules arrivés à destination, le personnel de Mammoet a participé à leur installation. « Nous devions utiliser beaucoup de méthodes différentes pour transférer les modules des TMA aux fondations où ils allaient être installés définitivement », a indiqué M. Aitken.

Quelques-uns des plus petits modules ont pu être soulevés des TMA à l’aide d’une grue, mais la plupart des modules ont dû être déplacés par d’autres méthodes. L’une des techniques, appelée « jacking and skidding »(lever et glisser), consistait à faire glisser le module sur un côté du TMA sur des traverses d’acier et le faire descendre sur le sol à l’aide de vérins hydrauliques. Une technique plus simple visait à placer le module juste au-dessus de ses fondations, puis de l’y poser à l’aide des systèmes hydrauliques du TMA.

Selon des spécialistes en matière de transport, la décision de Vale consistant à faire appel à Mammoet dès les premières étapes de la planification de la construction devrait être envisagée dans un plus grand nombre de projets de construction modulaire. « Vale a intégré Mammoet tôt dans le processus en faisant appel à ses services de consultation. Nous avons donc pris part à une partie de la planification, avant même la mise en œuvre du projet », a déclaré M. Schuring. « Nous avons beaucoup apprécié cette méthode de travail, car tout s’est enchaîné un peu plus efficacement. »

Il est de plus en plus fréquent dans le monde entier de faire appel à des fournisseurs de transport dans le cadre de projets modulaires de grande envergure, souligne M. Schuring, mais « pour nos sociétés canadiennes, je dirais que ce projet était unique en son genre, car nous n’avons jamais été intégrés si tôt dans le processus auparavant. »

Traduit par CNW