Face à l’inquiétude suscitée par sa proposition d’utiliser un dépoussiérant dans les trémies contenant le minerai extrait à la mine 777 de Hudbay Minerals (ci-dessus) – minerai devant être traité dans le concentrateur de la société à Flin Flon – Bret Cousins a décidé d’élaborer son propre protocole de dépoussiérage. Offert par Hudbay Minerals

C’est au cours d’un dîner que Bret Cousins a entendu parler pour la première fois du légendaire incident de « surmoussage » au concentrateur de Hudbay Minerals à Flin Flon, au Manitoba. Visitant le site en tant que représentant du fournisseur chimique Ashland Water Technologies, il avait proposé d’utiliser un dépoussiérant dans les trémies de l’usine pour le minerai extrait de la mine 777.

« La réaction générale a été : "Ah non. Pas question" », se rappelle-t-il. Quelques années auparavant, la mousse avait débordé du circuit de flottation. Des bulles de mousse s’étaient mises à flotter dans l’air, pour ensuite aller se déverser dans le soubassement. La cause exacte n’a jamais été établie, mais Hudbay soupçonnait que quelqu’un avait utilisé un dépoussiérant moussant dans la mine qui, à l’époque, alimentait le concentrateur en minerai. Une dose impressionnante de dépoussiérant avait suivi le minerai dans le circuit de flottation, produisant une réaction spectaculaire. Depuis, Flin Flon s’était montrée très prudente quant à son utilisation de produits chimiques.

Après avoir entendu l’histoire, M. Cousins a dit : « Vous savez, nous pourrions déterminer quelle est la quantité exacte de dépoussiérant pouvant être utilisée sans problème. » Et c’est précisément ce qu’il a fait. En 2011, en collaboration avec des employés de Hudbay, M. Cousins a mis au point un protocole d’essai montrant quelle quantité du dépoussiérant qu’il avait recommandé – d’un autre type et produisant moins de mousse – pouvait être ajoutée en toute sécurité au circuit de flottation. L’article qu’il a corédigé pour le CIM Journal (Vol. 7, no 2), avec Cassandra Spence, métallurgiste de Hudbay à l’époque, et Brodie O’Rourke, un collègue d’Ashland, décrit un régime d’essais qui, à son avis, est plutôt rare dans le domaine du traitement des minerais.

Dépoussiérant et cinétique de flottation

La solution proposée par Bret Cousins était simple : soumettre le dépoussiérant au même essai de laboratoire que celui qui serait utilisé pour un nouvel agent de flottation, mais à différents dosages. Chimiste de formation, M. Cousins savait que la concentration était la clé des réactions chimiques. Cela vaut pour les agents de flottation comme tels; par exemple, un collecteur peut réagir sélectivement avec de la chalcopyrite plutôt qu’avec de la pyrite dans une concentration donnée, mais commencer à capter de la pyrite à une concentration plus élevée s’il n’a plus de chalcopyrite à laquelle se lier.

Les agents ne servant pas à la flottation peuvent altérer les réactions dans la cuve de flottation également, et la nature de leur influence dépendra de leur concentration. Par exemple, la présence d’une quantité infime de floculant dans les eaux résiduaires recyclées n’aura probablement pas d’effets défavorables, mais une concentration trop forte pourrait entraîner la flottation de minéraux de gangue. Les concentrations élevées de dépoussiérant peuvent être propices à la formation d’une mousse dense et épaisse qui entraîne trop de gangue.

« Tout le monde s’entend pour dire que si vous ajoutez suffisamment d’agent moussant, vous serez en mesure d’accroître le taux de récupération, mais vous y perdrez côté teneur », a expliqué M. Cousins, « parce que tout finalement se trouvera à remonter à la surface. Le même phénomène se produit avec les dépoussiérants. Plus vous en ajoutez, plus la mousse est épaisse, moins la teneur est élevée. »

Mais comment savoir quand c’est trop? Voilà la question à laquelle Bret Cousins et ses collègues allaient tenter de répondre. Cela permettrait d’établir la pertinence d’utiliser ce dépoussiérant dans les trémies à minerai à Flin Flon. Il faudrait que la dose requise pour éliminer la poussière de manière efficace soit nettement moindre que la dose risquant de causer des problèmes dans le circuit de flottation.

Le protocole

Brodie O’Rourke, qui avait auparavant travaillé à Hudbay, s’est occupé des essais et de la collecte de données à Flin Flon. Dans le cadre des essais normaux qu’elle effectue pour vérifier les taux de récupération de cuivre dans ses concentrés, Hudbay broie les échantillons de minerai d’un kilogramme avec des quantités précises d’eau et d’agents d’essai, puis les verse dans une cellule de flottation de 3,5 litres. Les conditions initiales font l’objet d’un contrôle visuel : quelle quantité de mousse est produite? De quelle couleur est la boue? Quelle forme ont les bulles?

Ce contrôle visuel et la prise de notes continuent alors que le réservoir est aéré, traité à la chaux et échantillonné. Des échantillons de concentré sont écumés après une minute, 2,5 minutes et 4,5 minutes, filtrés, puis analysés.

Selon M. O’Rourke, cet aspect de l’essai était bien rodé. Le principal défi consistait à maintenir une homogénéité d’un essai à l’autre. « À l’aide d’une spatule, il faut écumer les bulles légèrement », a-t-il expliqué, « et arriver à accomplir cela de façon uniforme est probablement la variable non voulue la plus importante. » Pour compenser l’erreur humaine, chaque essai est reproduit.

Afin d’appliquer le protocole d’essai de M. Cousins au dépoussiérant, cette procédure a été réalisée selon quatre dosages différents : 0 gramme par tonne (g/t), 5 g/t, 25 g/t et 100 g/t. Le premier dosage correspondait au contrôle. Le deuxième était une donnée type aux fins d’utilisation réelle. Le troisième a élargi la fourchette considérablement, et le dosage le plus élevé, soit 100 g/t, a été choisi parce qu’il semblait suffisamment extrême pour faire ressortir tout problème éventuel associé au dosage.

« Les dépoussiérants ont tendance à altérer les caractéristiques des bulles », a expliqué M. Cousins. « Nous savions cela. Seulement, nous ne savions pas à quelle dose cela poserait problème. » Normalement, il préférerait établir la fourchette de dosage selon un logarithme, doublant chaque dose pour créer la suivante, mais en raison de contraintes de temps, il a dû simplifier l’essai.

Les résultats  

Les essais menés sur le dépoussiérant à Hudbay ont démontré qu’il produisait peu d’effet à faible dose et pouvait accroître la formation de mousse à doses plus élevées. À 25 g/t, des bulles de mousse ont commencé à devenir visibles avant l’aération du réservoir. À 100 g/t, tellement de mousse s’était formée que celle-ci a débordé de la cuve durant la phase d’aération.

Le taux de récupération de cuivre s’est établi à plus de 90 % dans le premier échantillon à 100 g/t, ce à quoi l’on pourrait s’attendre avec plus de mousse. Les écarts de taux de récupération entre les autres dosages n’étaient pas significatifs sur le plan statistique.

Les essais ont également montré que la formation de mousse encourageait la flottation de minéraux de gangue — mais seulement à la concentration la plus forte. À 100 g/t, la masse totale de matières récupérées était beaucoup plus élevée que celle associée à d’autres dosages. En dépit de ce taux de récupération de cuivre plus élevé, la teneur de cuivre analysée était inférieure de plusieurs points de pourcentage. Le taux de récupération de zinc était plus important. À 5 g/t et 25 g/t, aucune différence importante n’a été enregistrée quant au taux de récupération de cuivre ou à la séparation de cuivre-zinc par rapport au contrôle.

M. Cousins a conclu que le dépoussiérant, recommandé à la dose efficace de 5 g/t à 10 g/t, pouvait être utilisé sans danger dans les trémies étant donné que cette dose était nettement inférieure à celle de 25 g/t qui avait donné lieu aux premiers signes d’épaississement des bulles.

Advenant une surdose accidentelle, les notes de laboratoire sur les contrôles visuels aideraient à diagnostiquer celle-ci. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’approche de Bret Cousins à la conception de protocole comprend un dosage risquant très probablement de causer des problèmes. « Si quelqu’un renverse un baril ou deux d’un produit chimique en amont et que votre circuit de flottation est perturbé ou se met à mousser de façon incontrôlée, vous saurez exactement ce qui s’est passé », a fait valoir M. Cousins. « Si, par exemple, vous apercevez soudainement une couleur différente provenant de votre circuit, vous vous direz : n’est-ce pas la même couleur que celle que nous avons observée durant l’essai de flottation? Allons voir si quelqu’un n’aurait pas déversé une quantité de ce réactif en amont. »

Autres applications

Après avoir réalisé leur série d’essais à Flin Flon, Bret Cousins et ses collaborateurs sont allés relever d’autres défis. M. Cousins est devenu consultant indépendant, M. O’Rourke est surveillant de la production à Tolko Industries et Mme Spence, la coauteure, travaille maintenant à Teck Resources. M. Cousins n’a pas eu l’occasion de présenter son protocole d’essai dans d’autres sites miniers.

Le concept de base offre cependant de nombreuses applications potentielles. S’il avait disposé de suffisamment de temps, M. Cousins affirme qu’il aurait pu expérimenter avec différentes compositions chimiques à l’aide de ce protocole. « Nous aurions pu, par exemple, nous intéresser aux ions de cuivre individuels », a-t-il dit. « S’il y a trop de cuivre dans l’eau, comment réagira le circuit de flottation? Nous aurions pu essayer d’autres dépoussiérants et antitartres. » Tout ce qui pénètre dans le circuit affecte la cinétique de flottation d’une façon ou d’une autre, mais on ignore comment et à quelle concentration.

Bret Cousins s’intéresse plus particulièrement aux effets de l’accumulation à la suite du recyclage de l’eau. Ce type d’accumulation graduel pourrait être inclus directement dans la phase de conception précédant la construction d’une usine.

« C’est relativement simple à mettre en œuvre n’importe où », a-t-il dit. « Si vous envisagez de déverser un produit chimique en amont de votre circuit de flottation et que vous ignorez quel effet il produira, suivez le protocole. Et si cela crée un effet adverse, au moins vous saurez quel éventail de dosage arrive à produire cet effet. Et si votre éventail de dosage est largement inférieur à celui-ci, vous pouvez alors mettre en œuvre la composition chimique. »

Bien que le protocole soit simple à mettre en œuvre, son utilité ne sautera pas nécessairement aux yeux des ingénieurs miniers immédiatement. M. Cousins croit que la sensibilisation aux produits chimiques intermédiaires pourrait avoir une incidence majeure sur le rendement des usines. « Ce type d’article attire l’attention sur le fait que c’est le genre de chose qu’on peut faire pour en apprendre plus au sujet de nos circuits. »