L’une des manières de garantir la sécurité des travailleurs lors de l’extraction de l’uranium est de leur éviter de manipuler ce matériau. À Cigar Lake, Cameco utilise un processus de forage à érosion pour garder le minerai en confinement. Avec l’aimable autorisation de Cameco

À mesure que le monde s’éloigne peu à peu de sa dépendance envers les carburants fossiles et se rapproche d’une production d’électricité propre et renouvelable, la demande en uranium et en terres rares ne cesse de croître. C’est une bonne nouvelle pour le Canada qui, d’après la World Nuclear Association (WNA, l’association nucléaire mondiale), est le quatrième plus grand producteur total d’uranium et le troisième plus grand producteur par l’intermédiaire de mines (et non de lixiviation in situ). Le pays abrite par ailleurs une quantité importante de réserves et de ressources de terres rares.

Compte tenu de cette nouvelle demande, de nouveaux acteurs font leur entrée dans l’industrie, notamment des sociétés et des personnes n’ayant jamais travaillé avec ces éléments et ces minerais auparavant et qui pourraient ne pas avoir d’expérience en matière de manipulation et de traitement de matières radioactives. Fort heureusement, des mesures existent pour assurer la sécurité des travailleurs, notamment la grande expertise de l’ensemble de l’industrie, qui garantiront que les risques associés à l’exposition à la radioactivité sont faibles.

Surveillance

La commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) régule l’extraction et la concentration de l’uranium au Canada, et a défini des réglementations et des exigences strictes en matière de sûreté radiologique auxquelles doivent se conformer les sociétés pour obtenir et préserver leur permis d’exploitation. Dans le secteur de l’énergie nucléaire, l’extraction d’uranium est également soumise à un cadre réglementaire qui inclut le contrôle et la surveillance aux niveaux provincial, fédéral et même international. En outre, des normes provinciales en matière de santé et de sécurité au travail sont en vigueur.

Les mines d’uranium modernes sont conçues de manière à minimiser l’exposition des travailleurs à l’uranium et à ses produits de désintégration, conformément au principe As Low As Reasonably Achievable (ALARA, aussi faible que raisonnablement possible). « Lorsqu’on manipule des substances radioactives, y compris des minerais, il faut tenir compte des propriétés physiques, chimiques et radioactives des matériaux », expliquait Brian Bjorndal, directeur des laboratoires nationaux du Radiation Safety Institute of Canada (l’institut de radioprotection du Canada). « Le minerai radioactif pose de possibles risques d’exposition aux rayonnements pour les individus travaillant avec ou à proximité de ces matériaux. Les expositions au rayonnement incluent une exposition externe aux rayons, pouvant soumettre les individus à des expositions internes si la matière radioactive est absorbée par le corps. Le risque pour les individus dépend de la quantité et des types d’exposition reçus. »

Malgré les risques supposés, M. Bjorndal met en perspective les dangers du travail avec l’uranium. « Les expositions au rayonnement des personnes travaillant avec l’uranium sont bien en deçà des doses réglementaires limites et semblables aux expositions auxquelles nous sommes confrontés dans la nature. » Il ajoutait que « les travailleurs sont aujourd’hui protégés du rayonnement par de meilleures pratiques telles que la conception et la technologie minières, l’équipement de protection individuelle (ÉPI) et, par-dessus tout, une formation appropriée sur la sûreté ».

Atténuation des dangers

En tant que producteur bien établi, Cameco Corporation, basée à Saskatoon, exploite l’uranium et le transforme en carburant pour des réacteurs nucléaires dans le monde entier. Ainsi, la société sait comment protéger ses employés face aux risques associés à la manipulation de l’uranium. « La sécurité est une priorité dans chaque aspect de notre exploitation », déclarait Jeff Hryhoriw, directeur des relations et des communications avec le gouvernement.

« Avec l’uranium, les principaux enjeux radiologiques résident dans des particules en suspension dans l’air contenant des polluants radioactifs, le rayonnement gamma et les produits de filiation du radon. Les particules en suspension dans l’air peuvent provenir d’une manipulation manuelle ou mécanique des minerais, qui crée de la poussière ou de petites particules pouvant être inhalées. Ce danger est présent dans toutes les phases, de l’exploration à l’extraction, à la concentration, à l’affinage et à la conversion. L’uranium en lui-même ne produit pas beaucoup de rayonnement gamma. Toutefois, certains de ses produits de désintégration créent des champs de rayonnement gamma mesurables. Ce danger peut être présent à diverses étapes, par exemple avant la production de concentrés de minerais pendant la concentration et lors de l’élimination des polluants résiduels pendant l’affinage et la conversion. Le radon (Rn-222) est un gaz naturellement présent dans la série radioactive de l’uranium. Ce gaz se décompose en plusieurs produits de désintégration que l’on appelle les produits de filiation du radon. Le radon et ses produits de filiation peuvent être présents pendant toutes les phases d’exploration, d’extraction et de concentration, mais sont éliminés pendant la production des concentrés d’uranium à la fin de la phase de concentration. »

Cameco, qui devrait produire jusqu’à 18 millions de livres (environ 8 165 tonnes) d’uranium emballé en 2022, dispose de programmes et de formation sur la sûreté systématique visant à aborder les risques possibles, en commençant par la conception de ses mines. « Nos méthodes minières et nos circuits de traitement sont extrêmement résistants et étudiés pour garantir une production sûre et efficace », indiquait M. Hryhoriw. « Citons comme exemple de ces techniques très sophistiquées le procédé de forage par érosion que l’on utilise à la mine d’uranium de Cigar Lake. Il nous permet de garder le minerai en confinement pendant tout le processus d’extraction minière, ce qui évite toute manipulation manuelle du minerai et réduit donc la présence de polluants aéroportés et de rayonnement gamma. »

M. Hryhoriw ajoutait que, « en matière de sûreté radiologique, nous employons des contrôles importants tels que le temps, la distance, le blindage et l’aérage pour atténuer les risques. Ce type de contrôles est applicable à toutes les phases de la production, depuis l’exploration jusqu’à la livraison du produit final. Parmi les exemples de ces contrôles, citons des zones de stockage isolées pour les carottes à plus haute teneur, des taux d’aérage très élevés dans les mines pour éliminer rapidement les polluants aéroportés, le confinement du minerai et de l’uranium traité dans des canalisations et des cuves, un équipement de protection supplémentaire et des restrictions du temps d’exposition dans des tâches où le taux d’exposition peut être amené à être plus long que dans des conditions classiques, ainsi que l’utilisation de métal, de ciment ou d’eau pour se protéger des sources de rayonnement gamma élevé. »

Équipement, technologie et formation

La technologie automatisée rend également le processus plus sûr. « Ces dernières années, nous avons pu utiliser davantage de techniques d’automatisation, par exemple des dispositifs de mesure à distance pour des conditions aéroportées, des outils de mesure qui informent plus rapidement les travailleurs de l’évolution des conditions, et un équipement automatisé pour entrer dans des zones de rayonnement élevé, afin de renforcer la sécurité de nos employés », indiquait M. Hryhoriw. « À l’avenir, nous nous attendons à voir d’autres options permettant d’améliorer la sécurité, notamment une meilleure réponse de nos contrôles, tels que l’aérage, aux conditions radiologiques changeantes, une automatisation accrue de l’équipement ainsi qu’une meilleure notification et planification à l’aide d’une connexion Wifi dans l’ensemble de l’infrastructure. »

Une forme d’ÉPI est toujours nécessaire lorsqu’on travaille à proximité de minéraux radioactifs. En fonction de leur travail, les employés peuvent porter des appareils personnels de dosimétrie et pourraient avoir besoin d’appareils de protection respiratoire, de lunettes de protection, de gants, de manches, de surchaussures ou de vêtements de sûreté spécifiquement dédiés à la manipulation de matières radioactives. DuPont propose deux marques de vêtements de protection contre les particules dangereuses pour les travailleurs. La première, Tyvek, protège des particules radioactives. La seconde, Tychem, offre des options de protection contre les acides, les bases, les hydrocarbures et d’autres substances chimiques organiques. La série Tyvek comprend des combinaisons à capuche pouvant être équipées d’un appareil de protection respiratoire et des couvre-bottes antidérapants, le tout avec des coutures en tissu sergé et étanches.

Pour déterminer l’équipement de protection nécessaire, il convient d’examiner le risque d’exposition des travailleurs, expliquait Lori Gettelfinger, directrice des communications marketing et de la marque à l’international pour DuPont Tyvek. « Le choix d’un équipement de protection repose sur une évaluation exhaustive des risques afin d’identifier tous les dangers présents et leur état physique, ainsi que les conditions d’une exposition par contact, notamment l’ampleur du contact au danger, la durée du contact, l’intensité du contact, la direction du contact, et si ce contact se produit à des températures élevées ou faibles. » DuPont offre une application mobile et Web, SafeSPEC, qui aide les sociétés à sélectionner l’ÉPI le plus adapté.

Bien entendu, rien de tout cela n’a d’intérêt si les employés ne suivent pas de formation adéquate aux dangers inhérents à la manipulation de l’uranium ou de matières radioactives en faible dose. Ainsi, une formation spécialisée est mise en valeur à chaque étape de l’extraction, du transport et de la manipulation de minéraux radioactifs. « L’un des plus grands enjeux réside dans l’éducation », déclarait Kurtis Hinz, directeur général de TAM International, une société de transport de matières radioactives telles que l’uranium, la monazite, les matières radioactives naturelles et les minéraux contenant des terres rares. La société collabore avec des mines afin de déterminer comment emballer correctement les matériaux, et de s’assurer que l’expédition répond à toutes les réglementations. « À chaque fois que l’on appose une pancarte " radioactif " sur un conteneur, les connotations négatives sont nombreuses et les gens supposent certaines choses », indiquait M. Hinz. « Il faut avoir les connaissances suffisantes pour comprendre exactement ce que l’on manipule, pour bien distinguer les risques réels des risques présumés. Et tout cela implique d’éduquer les fournisseurs, les assureurs, toutes les parties impliquées de [l’industrie]. » En termes de transport de matières radioactives en toute sécurité, M. Hinz indiquait que seul le personnel autorisé et correctement formé de TAM International travaille à proximité des matières radioactives. Des technologies de repérage et de localisation dotées de capacités de géoblocage sont utilisées pour surveiller tout mouvement et s’assurer que les conducteurs ne pénètrent pas accidentellement dans des zones résidentielles.

La manipulation et le transport de ces matériaux peuvent aussi exiger le port d’un ÉPI. En fonction des produits qui les entourent, les membres du personnel de TAM International portent des appareils de dosimétrie, tout comme les travailleurs d’Energy Fuels Resources (USA) Inc., un producteur de vanadium et d’uranium qui transporte et traite des minerais d’uranium, de l’uranium et des matériaux du groupe des terres rares contenant des sables de monazite, ainsi que des matériaux uranifères (des produits d’alimentation du concentrateur autres que l’uranium) à son concentrateur de White Mesa, en Utah. En plus de systèmes de surveillance de l’air dans des zones dédiées, les travailleurs peuvent aussi utiliser des appareils individuels de surveillance de l’air afin de s’assurer que l’atmosphère n’est pas nocive. « Les agents chargés de la sûreté radiologique s’assurent que tous les employés restent bien en deçà des limites d’exposition définies par les agences gouvernementales », ajoutait Curtis Moore, vice-président du marketing et du développement des entreprises à Energy Fuels. Ainsi, indiquait-il, « les employés du concentrateur d’Energy Fuels sont exposés à environ la même quantité de radiation annuellement qu’un pilote de ligne ou que les membres de l’équipage de cabine classiques ».

Traduit par Karen Rolland