En 2010, BHP se préparait à investir près de 40 milliards de dollars américains pour racheter les cinq mines de potasse de Saskatchewan détenues par PotashCorp. C’était un moment difficile et dramatique pour le gouvernement fédéral, qui montrait son soutien envers l’investissement étranger mais savait que ce rachat était extrêmement impopulaire en Saskatchewan.

La transaction n’a pas abouti car elle n’offrait pas de « bénéfice net » au Canada. Toutefois, ceci n’a pas découragé BHP. En 2012, la société amorçait les travaux de son projet Jansen, près de Humboldt, en Saskatchewan. Ce projet, ainsi que les projets Scissors Creek de PotashCorp, le fonçage de puits à la mine K3 de Mosaic Company et la mine à extraction par dissolution de K+S marquaient une nouvelle génération de développement de la potasse dans la région. BHP a choisi d’ajouter un degré supplémentaire de difficulté à un projet déjà extrêmement complexe sur le plan technique. Le fonçage des deux puits à Jansen s’est fait par excavation mécanique, à l’aide d’un tunnelier prenant un virage à 90 degrés, suspendu puis abaissé dans le trou qu’il creusait. Cette nouvelle approche présentait des avantages clairs. Tout d’abord, elle se révélait plus sûre pour les travailleurs, qui n’avaient plus à se rendre au fond du puits ; ensuite, sans explosifs, on éliminait le risque d’endommager les canalisations dédiées à la congélation du sol et on réduisait les travaux de soutènement. Enfin, elle améliorait la précision, limitant la quantité de hors-profils qui devraient ensuite être remblayés.

Les projets reposant sur les nouvelles technologies comportent de nombreux risques que peu de sociétés sont prêtes à prendre. Bien entendu, le fonçage de puits a engendré un grand nombre de difficultés qui ont ralenti le procédé pendant que l’équipe de projet mettait au point des solutions. Au printemps 2018, l’équipe a fini par atteindre la potasse à 1 000 mètres sous terre. En début d’année, Andrew Mackenzie, président et chef de la direction de BHP, a reconnu que les 3,8 milliards de dollars américains engagés par la société dans le projet Jansen étaient une trop grosse somme. La société n’a pas encore convenu de la date à laquelle elle procédera à l’investissement supplémentaire nécessaire pour amener la mine jusqu’à l’étape de production.

En novembre, je me suis rendu à la conférence Shaft Design & Construction 2019 (la conférence internationale dédiée à la conception et la construction de puits de mine) à Toronto. En dépit des faibles gains pour les actionnaires de BHP, Jansen semble avoir été une véritable aubaine pour la communauté d’ingénieurs confrontés au fonçage sûr et efficace de puits. L’excavation mécanique employée à Jansen est la nouvelle norme pour les grands projets de fonçage de puits dans des roches meubles à semi-dures. Le fonçage de puits d’un projet d’extraction de potasse en Biélorussie utilise la même technologie en mettant en application les enseignements tirés de Jansen. Un troisième projet en Angleterre utilisera aussi la machine de traçage pour le fonçage de puits afin de respecter l’échéance ambitieuse du développement du puits dans le cadre de ce projet.

Que BHP décide de remiser le projet Jansen, de le vendre ou de poursuivre, son engagement envers une nouvelle approche en matière de mise en valeur des mines s’est révélé avoir un bénéfice net sur le développement des mines de potasse. Il constitue aussi un cas d’étude essentiel en termes d’adoption d’une technologie et d’enseignements que l’on peut tirer dans l’industrie minière.

Traduit par Karen Rolland