Mapi Mobwano, président et chef de la direction. Avec l’aimable autorisation d’ArcelorMittal Exploitation minière Canada

Mapikwa (Mapi) Sam Mobwano a été nommé président et chef de la direction d’ArcelorMittal Exploitation minière Canada il y a moins d’un an, en novembre 2020, bien qu’il ait occupé la fonction de chef de la direction par intérim pendant un an. Même s’il tient depuis peu de temps les rênes de cette société qui exploite l’une des plus grandes mines à ciel ouvert du pays, une usine de boulettes de minerai de fer à Port-Cartier au Québec, ainsi qu’un port maritime et des liaisons ferroviaires privés, il prévoit déjà de projeter la société vers l’avenir en assurant la formation des employés et en utilisant la technologie pour approfondir l’apprentissage. D’après M. Mobwano, la formation est essentielle pour ArcelorMittal, mais également pour l’industrie minière plus globalement.

L’ICM : Quelle importance revêt la formation des employés pour les sociétés ?

M. Mobwano : Il est extrêmement important de pouvoir préserver les compétences de nos employés, et leur concurrence. Il est impératif de les former régulièrement dans des domaines tels que la santé et la sécurité, la formation professionnelle, ainsi que les compétences techniques et le leadership. La formation est le fondement même du maintien de l’industrie minière.

Dans cette industrie, au Canada comme dans le reste du monde, les sociétés ont tendance à dérober les employés d’une société à l’autre, en puisant dans le petit bassin de travailleurs. Les grandes sociétés comme la nôtre, et même l’industrie en général, doivent réellement se soucier de préserver leur bassin de compétences au lieu de créer un certain niveau de pénurie, car nous puisons nos employés dans le même groupe. Lorsqu’on embauche des personnes dans les mines, elles arrivent sans qualifications particulières. Elles doivent apprendre les règles du jeu du secteur minier. Nous devons investir dans la formation.

L’ICM : Lorsque vous parlez de formation, vous la divisez en trois catégories : la santé et la sécurité, les compétences techniques et le leadership. Commençons par les compétences techniques. Quel est le meilleur moyen de transmettre ces connaissances ?

M. Mobwano : Pour les techniciens, l’approche consiste tout d’abord à se tenir informés de l’évolution des tendances. Du côté de la maintenance, par exemple, de nouveaux diagnostics, de nouvelles méthodes de résolution des problèmes et autres font leur entrée sur le marché constamment. Les composants des pièces subissent de nouvelles améliorations. L’une des techniques consiste à collaborer avec nos fournisseurs et FEO [fabricants d’équipement d’origine] pour proposer un encadrement technique. Ils se déplacent, et viennent encadrer nos employés sur le terrain.

L’un des programmes de formation que nous menons avec un partenaire (le programme « Gants blancs ») est en réalité un simple accompagnement pédagogique. On l’a nommé ainsi car les personnes suivant cette formation ne sont pas censées se salir les mains. Les spécialistes du domaine technique de certains de nos fournisseurs viennent soutenir nos employés en termes de transfert de compétences.

Notre programme Working Together (Travaillons ensemble) offre une forme d’amélioration continue où nos techniciens et les techniciens de nos fournisseurs se réunissent pour explorer les améliorations en fonction des données dont ils disposent. Par ailleurs, avec notre département de minéralurgie par exemple, nous soutenons quelques formations [pré-universitaires] de CÉGEP que nous proposons en interne.

L’ICM : Quelle formation proposez-vous pour enseigner les compétences en leadership ?

M. Mobwano : L’ArcelorMittal University, une université en ligne, propose différents types de formation. [Les cours] couvrent des disciplines allant des compétences en matière de leadership et de gestion aux aspects juridiques et à la modélisation financière. Le programme offert est vraiment varié.

Un point important consiste à transmettre la capacité à motiver les personnes, à les influencer et à les diriger. Mis à part notre programme de formation initial, nous proposons également un programme de mentorat et d’encadrement dans lequel nous identifions nos employés très talentueux, qui se voient attribuer des mentors et des conseillers. Nous avons constaté que la proximité avec un(e) mentor dans le groupe contribue à transmettre les compétences en leadership.

L’ICM : Comment évaluez-vous les employés ?

M. Mobwano : Nous disposons d’un programme de gestion des performances précis et d’un système d’évaluation du fort potentiel, que nous avons baptisé HiPo. Pendant l’année, les dirigeants doivent recommander leurs subordonnés et, dans ce processus, une série de questions permettra d’identifier les personnes concernées. Nous les suivons par le biais du système de gestion des performances. Celles et ceux identifiés comme ayant un fort potentiel et répondant aux critères sont sélectionnés en vue d’une formation plus poussée dans le domaine du leadership.

L’ICM : Comment vous assurez-vous que tout le monde reste à jour en termes de formation dans le domaine de la santé et de la sécurité ?

M. Mobwano : Pour nous, la santé et la sécurité sont deux domaines non négociables. Lorsqu’on travaille dans des mines, on s’attend à ce que les connaissances des employés en matière de santé et de sécurité soient exemplaires. Pour ce qui est de la formation de base dans ce domaine, nous enseignons à nos employés comment identifier les risques et s’assurer qu’ils disposent des connaissances nécessaires sur les commandes en place [pour désactiver l’équipement].

L’un de nos programmes de formation porte sur la partie soin de la sécurité. De fait, la sécurité ne consiste pas uniquement à donner des instructions, mais aussi à réellement prendre soin de nos pairs du point de vue du leadership et de prendre le temps d’expliquer aux personnes la raison pour laquelle certaines choses doivent être en place, pourquoi leurs vies doivent être protégées. C’est une association de leadership en matière de sécurité et de l’aspect technique de la sécurité.

Lorsqu’on embauche des employés, ils passeront plus de 25 ou 30 % de leur temps à se former dans le domaine de la sécurité pendant la période d’essai. Ensuite, il s’agit principalement de remise à niveau. Si l’on propose un cours sur le travail en hauteur, chaque employé(e) travaillant dans un environnement en hauteur devra suivre ce programme chaque année pour valider son permis. Notre système de suivi validera le permis des différents employés, et celles et ceux dont les permis arrivent à expiration recevront une notification par le biais du système, de leur responsable ou de leurs superviseurs concernant la participation à ces programmes de formation.


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L’ICM : Encouragez-vous les employés à obtenir une certification ou à suivre une formation en externe (par exemple, une maîtrise en administration des affaires) ?

M. Mobwano : Tout à fait. Actuellement, nous couvrons 100 % des coûts de formation en externe qui sont liés aux emplois actuels et principaux de nos employés, et jusqu’à 90 % des formations dans des domaines qui pourraient les aider à se perfectionner professionnellement pour leur avenir au sein du groupe. Dans le cadre du développement du programme, tous ces domaines sont identifiés dans des conversations avec leurs responsables respectifs afin de déterminer quel genre de formation serait la plus appropriée. Par exemple, si je souhaite faire une maîtrise en administration des affaires, j’en parle à mes superviseurs. Ils vérifient la pertinence de cette formation et déterminent si la société peut la prendre en charge, puis une procédure d’acceptation officielle suit.

L’ICM : Quelles compétences en particulier souhaiteriez-vous que vos employés acquièrent ?

M. Mobwano : Nous donnons la priorité aux compétences qui vont nous permettre de conserver notre permis social d’exploitation. Naturellement, cela inclut l’appréciation de l’environnement et des communautés voisines. Nous sommes conscients qu’une décision prise par un individu peut facilement entraîner un dommage sur le long terme à l’égard de l’environnement et des communautés. Dans chaque cours, ce doit être un élément fort.

Ce qui motive également notre décision est que nous recherchons tout élément pouvant nous préparer à la transition numérique. L’industrie rattrape rapidement son retard en matière de numérisation, et les compétences dans ce domaine seront indispensables pour les nouvelles technologies. Nous nous intéressons à tout programme de premier cycle ou programme technique qui pourrait intégrer la transformation numérique d’une certaine manière.

Nous recherchons également des programmes axés sur le rendement énergétique et l’énergie renouvelable, qui nous aideront à effectuer la transition tout au long du processus de décarbonisation et vers l’énergie verte. Ce sont des domaines sur lesquels nous nous penchons, bien évidemment en plus de l’aspect leadership et des nouvelles manières d’améliorer notre gestion des personnes. Une chose sur laquelle l’industrie minière ne s’est jamais penchée dans le passé est la question de la santé mentale, et les cours qui sensibilisent à l’existence de la santé mentale et du besoin de prendre soin des nôtres. Les cours portent aussi sur la diversité. C’est une formation que nous apprécions car nous avons pris conscience de l’importance de la diversité en travaillant avec diverses communautés et dans diverses provinces.

L’ICM : Lorsque vous pensez à l’ingénieur(e) des mines du futur, quel type d’employé(e) envisagez-vous ?

M. Mobwano : Cet(te) ingénieur(e) des mines sera bien différent(e) de celui que j’étais lorsque j’ai terminé l’université. Il faut penser à associer différentes disciplines pour créer un(e) ingénieur(e) des mines adapté(e) à l’avenir. Les ingénieurs des mines devront se pencher sur la science des données maintenant qu’une grande quantité de données sont collectées et que la prévision à l’aide de la modélisation numérique est devenue monnaie courante. Nous ne voulons pas transformer les ingénieurs des mines en experts des sciences des données, mais ils doivent cependant avoir une bonne connaissance de la modélisation qui les aidera lors de la planification de leur scénario.

Nous avions l’habitude de dire que les ingénieurs des mines sont des ingénieurs généralistes. Ils doivent avoir des connaissances dans un peu tous les domaines : la géologie, la mécanique des roches et un peu de métallurgie. Ils doivent avoir des connaissances en génie électronique pour comprendre le fonctionnement des circuits électriques. Nous devons poursuivre dans cette direction et approfondir leurs compétences, y ajouter la science des données et une appréciation plus importante des systèmes d’information. Le respect de l’environnement a toujours fait partie de la discipline, mais ils doivent le mettre en pratique dans ce nouveau monde numérique. Les ingénieurs des mines ne doivent pas se contenter de recevoir une notification après qu’un événement se soit produit. Il leur faut avoir une certaine prévisibilité dans tout ce qu’ils font. Ils doivent pouvoir appréhender tous les cas de figure, envisager le résultat le plus probable, réduire la variabilité et augmenter la certitude. Ils ne doivent pas lutter contre les catastrophes, mais empêcher qu’elles se produisent. C’est, à mon avis, la direction que doit prendre le génie minier. Un peu partout, on considère l’exploitation minière comme un métier ingrat, un « sale boulot ». Nous devons changer cette perception, car la société a besoin de nous. La société a besoin de fer. Elle a besoin de différents minéraux pour bien fonctionner, et ces minéraux sont obtenus par extraction. La responsabilité des sociétés minières est de s’assurer que nous menons nos activités minières en coopération avec toutes les autres activités et industries.

L’ICM : Comment envisagez-vous l’évolution de la formation à ArcelorMittal ?

M. Mobwano : Nous devons renforcer l’apprentissage en ligne et la formation informatique. Nombre de nos formations ont encore lieu en présentiel. Évidemment, la pandémie de COVID-19 nous a contraints à revoir nos pratiques. Malgré la pandémie en 2020, nous avons pu proposer plus de 115 000 heures de formation à nos employés, une baisse par rapport à 2019 où nous en avions proposé 180 000 heures. Nous devons migrer davantage vers l’apprentissage en ligne, mais également maintenir la formation à un niveau pertinent et d’actualité, en tenant compte des domaines que j’ai mentionnés sur la numérisation, les nouvelles technologies, la diversité, le permis social d’exploitation ainsi que la santé et la sécurité. Nous devons vraiment maintenir nos programmes de formation à jour à l’aide des nouvelles technologies immersives, qui permettent aux employés de se retrouver dans une situation sans nécessairement y être physiquement, dans un environnement totalement virtuel. Nous devons nous rapprocher de ces domaines. C’est un périple. Nos employés doivent rester à la pointe des connaissances.

Traduit par Karen Rolland